Art Basel, qui se tient cette semaine à Bâle en Suisse, offre un reflet de “la complexité du monde” et de ses problèmes. Au programme de l’édition 2024 : des œuvres invoquant la paix ou dénonçant le racisme. Mais ce qui a polarisé l’attention est l’œuvre de Ryan Gander, qui compte parmi les créations récentes. L’artiste britannique explore la dureté du monde dans une vaste salle blanchâtre où une femelle gorille se cache sous un bureau, planté au milieu de la pièce.
Publicité
L’animal, qui est en fait un automate aux traits plus vrais que nature, compte sur ses doigts, pousse des cris et tourne la tête vers le public, le fixant droit dans les yeux avec un regard terrifiant de détresse. “Ce qui est sous ce bureau”, “c’est tout ce qu’il y a de terrible à propos de l’humanité”, explique l’artiste à l’AFP, qui, à travers cet animal angoissé, veut questionner l’état d’une société façonnée, selon lui, par le capitalisme et une notion biaisée de progrès.
Publicité
“Les artistes aiment toujours mettre le doigt là où il y a des problèmes”
Si cette foire d’art est avant tout un événement marchand pour les collectionneur·se·s et galeries, elle consacre une section entière à quelque 70 œuvres monumentales qui lui donnent des allures de musée. La foire y présente aussi bien une forêt de drapeaux blancs du sculpteur italien Mario Ceroli qu’une rangée d’uniformes du mouvement révolutionnaire des Black Panthers.
Publicité
Pour son Progetto per la pace (“projet pour la paix”), Mario Ceroli avait planté 365 drapeaux blancs, de quatre mètres chacun, dans de la terre recouverte de paille. Bien que créée à la fin des années 1960, cette œuvre est “plus qu’actuelle”, souligne auprès de l’AFP Giovanni Carmine, en charge de cette section appelée “Unlimited”. “Il y a des thématiques qui reviennent” et retrouvent tout leur sens “dans le contexte d’aujourd’hui” car “les artistes s’intéressent toujours à la complexité du monde et aiment toujours mettre le doigt là où il y a des problèmes”, ajoute-t-il.
La galerie zurichoise Hauser & Wirth a choisi de présenter une installation de l’artiste californien Henry Taylor. Trente-cinq mannequins en veste en cuir noir s’alignent sous la banderole “End war and racism – Support the Black Panthers” (Arrêtez la guerre et le racisme – Soutenez les Black Panthers). Sur le revers de chaque veste, des badges sont épinglés avec le symbole du mouvement ainsi que des photos plus récentes de victimes de violences policières. Dans une note plus légère trônent au milieu de la foire une double citrouille géante de l’artiste japonaise Yayoi Kusama ou une toile florale de Sam Falls de 50 mètres de long.
Publicité
De grands et nouveaux noms
La foire mêle jeunes artistes, pour qui Art Basel est un tremplin, et grands noms de l’art contemporain, comme la Coccinelle Volkswagen emballée dans les années 1960 par Christo et Jeanne-Claude. Le véhicule avait alors été emprunté à un ami qui avait demandé à le récupérer quelques semaines après, à une époque où le duo “n’avait pas les moyens de l’acheter”, raconte à l’AFP le neveu de Christo, Vladimir Yavachev. Des années plus tard, il a voulu restaurer cette pièce importante du début de leur carrière en partant en quête d’un modèle similaire pour le ré-emballer. La Coccinelle était un symbole “de liberté et de contre-culture”, chère “aux idéaux” du binôme, depuis devenu célèbre en emballant un pont de Paris.
Plusieurs œuvres ont déjà été vendues durant les journées réservées aux collectionneur·se·s. Une installation minimaliste de l’artiste Torkwase Dyson, dont le travail se concentre sur l’architecture de l’esclavage et de la dépossession, a ainsi trouvé preneur·se. Acquise pour 380 000 dollars (environ 352 000 euros) par l’institut Inhotim au Brésil, cette structure en bois veut opposer une esthétique sobre à “une société qui encourage l’accumulation”, selon l’artiste. Bettina Pousttchi, avec ses rails de sécurité d’autoroutes repeints en rouge, que l’artiste détourne pour les libérer des limites qu’imposent ces objets du quotidien, sera à l’avenir exposée “de manière permanente” à Istanbul après que le musée d’Art moderne lui a acheté l’œuvre.
Publicité