On entre dans les tableaux de Karyn Lyons comme on entre dans un bon film. On a beau ne pas avoir grandi dans un manoir victorien ni avoir déjà roulé à poil au milieu d’un champ, on ressent tout de même l’intimité, la mélancolie des souvenirs adolescents que l’artiste fige sur ses toiles. Fantasmée, sa mémoire représente un tissu souple et modulable sur lequel chacun·e peut agréger ses projections, ses souvenirs, ses douleurs et ses désirs.
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La dernière série de la peintre (As Tears Go By, actuellement exposée à la galerie Stems à Paris) offre un voyage spatiotemporel qui flirte avec le surnaturel. Les toiles sont peuplées d’adolescentes semblables, mélanges de l’artiste, de sa “mère”, de celle à qui elle voulait “ressembler” plus jeune, tel qu’elle le confiait à Another Magazine. Plus que de convoquer des souvenirs tangibles, Karyn Lyons invoque des émotions : celles des premiers désirs, du manque de confiance en soi, de la perte de repères.
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Les intérieurs sont cossus, truffés de références et d’objets doudous : une bouteille de sirop d’érable, une vieille radio, une canette de Pepsi. De quoi ajouter du goût, du bruit, des odeurs à nos visions. Bien que figée, chaque peinture est un monde, comme un arrêt sur image d’un film intemporel, d’un récit initiatique sans avant ni après, où seul compte ce moment glissant de l’adolescence où tout paraît aussi possible que limité.
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Peu importe si les personnages sont immobiles ou en mouvement, le temps est suspendu. On deviendrait presque coupables de voyeurisme, on aimerait se faire discret·ète·s, ne pas déranger la fragilité des instants présentés. C’est une ode au temps qui passe que présente Karyn Lyons. Sa nostalgie douce-amère ne s’accompagne cependant pas d’une peur de vieillir : elle rappelle que nous sommes mortel·le·s mais que nous détenons le pouvoir de figer le temps, nos valeurs, nos désirs afin qu’ils vivent à jamais.
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L’exposition “As Tears Go By” de Karyn Lyons est visible à la galerie Stems à Paris jusqu’au 28 mai 2023.