Le chanteur Tonton David, figure du reggae en France, est décédé à l’âge de 53 ans. Foudroyé par un AVC en descendant de son train à la gare de Metz dimanche 14 février, il a été transféré à l’hôpital de Nancy où il est mort hier. Il est connu pour ses deux tubes “Peuples du monde” et “Chacun sa route” au début des années 1990. Il est resté depuis un ambassadeur important des cultures reggae, ragga et dancehall à la française.
David Grammont est né à la Réunion en 1967. Son père, Ray Grammont, est un musicien très réputé sur l’île. Dans ses jeunes années, il va voyager en Afrique avec ses parents, notamment en Gambie et au Sénégal, avant de s’installer en France, à Paris, puis en banlieue nord. Mais au début des années 1980, Tonton David quitte le giron familial à 14 ans, oscillant entre petites galères et voyages.
C’est lors d’un de ses périples en Angleterre qu’il découvre le dancehall, culture jamaïquaine très présente à Londres à cette époque. En 1987, il va revenir avec cet univers en France et s’installer à Champigny-sur-Marne. À ce moment-là, passionné de dancehall et de raggamuffin, il rencontre le milieu underground du reggae à Paris où se croisent Daddy Yod, Supa John, Rud Lion, Saï Saï ou encore Pierpoljak, qui nous racontait cette époque récemment en interview. Tonton David intègre alors le sound system High Fight International, au sein duquel on retrouve aussi d’autres figures importantes comme Daddy Nuttea, mais aussi Polyno ou Lickshot.
Et tout s’accélère quand ce milieu bouillonnant du raggamuffin français croise celui des débuts du rap sur la compilation Rapattitude, devenue culte. Sorti en 1990 sur Labelle Noir, ce disque va lancer un mouvement inédit en France, accélérant les carrières de groupe comme Assassin ou encore NTM.
Tonton David sera choisi comme premier extrait de ce disque avec son titre “Peuples du monde”. Le clip du morceau, réalisé par Mathieu Kassovitz, mélange sur le parvis du Trocadéro la culture du graffiti (avec la future star André) à la danse et à toute la mixité du début des années 1990 en France.
Ce morceau produit avec Supa John et surtout ce clip vont devenir emblématiques d’une époque, embrassée par la jeunesse mais moquée par les plus anciens. Le refrain du titre, “Issus d’un peuple qui a beaucoup souffert/Nous sommes issus d’un peuple qui ne veut plus souffrir”, devient culte et pop, même parodié par Les Inconnus dans un sketch musical peu de temps après, “Auteuil Neuilly Passy”.
Tout s’accélère ensuite pour Tonton David, qui devient l’ambassadeur d’une culture entre reggae et rap. Son premier album, Le Blues des racailles, sorti en 1991, va être la première pierre d’une nouvelle musique urbaine française, avec ses spécificités et ses atouts. Ce premier album va être extrêmement influent, notamment pour d’autres artistes émergents à ce moment-là, comme MC Solaar puis le jeune Kery James, qu’on peut d’ailleurs retrouver sur le premier album de MC Solaar sur le titre “Ragga Jam”. Le Blues des racailles est une œuvre charnière qui influencera, par ses thèmes, autant le rap jazzy de MC Solaar que l’ambiance quartier hard-core d’Ideal J et de la future Mafia K’1 Fry. Un vrai classique.
Son album suivant, Allez leur dire, est un énorme succès avec 350 000 albums vendus et le tube “Sûr et certain”. Mais le titre le plus connu de Tonton David reste sûrement “Chacun sa route”, qui atteint la troisième place des meilleures ventes en France en 1994. Le morceau deviendra extrêmement populaire auprès des jeunes et des enfants, étant présent sur la bande originale du film Un Indien dans la ville, un énorme succès du cinéma français avec plus de 8 millions de spectateurs.
Tonton David est un artiste qui a marqué les années 1990 en France, précurseur du raggamuffin et du dancehall, puis ambassadeur du reggae français au sein de la variété et de la chanson en France. Les années 2000 le voient collaborer avec de nombreux artistes dont Intouchable, le groupe de Demon One et Dry, en 2005, membres de la Mafia K’1 Fry. La boucle est bouclée, Le Blues des racailles n’a pas fini de tourner.
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