Après une projection mouvementée à la Quinzaine des Réalisateurs du Festival de Cannes, le film tortueux de Robert Eggers est de passage au Festival du Film Américain de Deauville, où il n’a laissé personne de marbre.
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The Lighthouse, c’est quoi ?
On se souvient de l’impact qu’a eu The Witch à sa sortie en 2015. Tandis que le cinéma d’horreur à la sauce Conjuring commençait à s’installer comme une valeur sûre du box-office, Robert Eggers balançait cette petite pépite d’angoisse, figure de proue du mouvement avec It Follows de David Robert Mitchell. Ont suivi, pour ne citer qu’eux, Get Out de Jordan Peele ou encore Hérédité d’Ari Aster.
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Forcément, quatre ans après cette première pépite, le retour du cinéaste nous intriguait. Ajoutez à cela la présence quasi unique à l’écran de Willem Dafoe et Robert Pattinson, dans un film d’horreur tourné en 33 mm avec une pellicule noir et blanc (!), et vous comprendrez pourquoi ce film suscite tout autant, si ce n’est plus, de curiosité et d’attente que la plupart des films en sélection officielle à Cannes cette année – alors qu’on le retrouvait du côté de la Quinzaine des réalisateurs.
On y suit un vieux marin et un nouveau second fraîchement débarqués sur une île aux larges des côtes américaines, à la fin du XIXe siècle, pour entretenir un phare. Sauf que la mission, qui ne devait ne durer que quatre semaines, se voit rallongée, la faute à une énorme tempête immobilisant les deux hommes sur cet îlot. La folie atteint le plus jeune des deux, obsédés par les mythes marins et surtout la lampe du phare…
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Mais c’est bien ?
Une chose est certaine : on ne ressort pas indemne de cette projection. Certains trouveront une forme de prétention dans la réalisation, mais il est absolument incontestable que, par sa forme, The Lighthouse est putain d’impressionnant. Chaque plan est un hommage au cinéma muet, au noir très marqué et à l’ambiance aussi sombre que son image, froide, brute, sublime.
Contrairement à ce qu’on pensait, le long-métrage n’est pas vraiment un “film d’horreur”. Eggers nous plonge certes dans un cauchemar éveillé, mais ce n’est pas le genre de peur ou d’ambiance qui prend à la gorge avec des jump scares à tout va et une flopée d’images malsaines — il y en a, éparpillées intelligemment dans des trips hallucinatoires, mais très peu au final (et tant mieux) !
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On est plutôt hypnotisés par la folie mystérieuse qui frappe nos protagonistes, mêlant toutes sortes de mythologies marines — de la sirène à Poséidon en passant par les oiseaux de malheur et les tentacules — dans le délire psyché, dans l’expérience paranoïaque de cet homme obnubilé par l’interdit, la lampe du phare gardée ardemment par le vieillard.
La mise en scène laisse peu de certitude sur ce qui tient du vrai, de l’onirique et de la manipulation, rendant fou à son tour le spectateur qui ne peut démêler le vrai du faux. Et c’est peut-être la plus grande force de cet exercice filmique : laisser la part belle à l’inconnu, à l’incertain.
De toute manière, dans une telle enveloppe esthétique, le simple fait de suivre les pérégrinations pénibles et fantasmagoriques de ces deux êtres suffit à nous enchanter de longues heures durant.
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Qu’est-ce qu’on retient ?
L’acteur qui tire son épingle du jeu : Robert Pattinson, absolument incroyable.
La principale qualité : le style du film, son originalité, et le fait qu’il aille jusqu’au bout de son propos.
Le principal défaut : on n’aurait pas été contre plus de violence, que l’auteur aille au bout de son idée de folie dévastatrice.
Un film que vous aimerez si vous avez aimé : les vieux films d’horreur genre Nosferatu le vampire ou Vampyr, ainsi que les plus récents et tordus Hérédité ou The Witch.
Ça aurait pu s’appeler : “Seul(s) au monde”
La citation pour résumer le film : “Robert Pattinson et Willem Dafoe terrifient la Croisette dans une véritable expérience de cinéma qui impressionne.”