À moins d’habiter vous-même dans un bunker coupé du monde, de peur d’une fin terrible de la civilisation, d’une guerre atomique ou d’une épidémie qui ravagerait tout sur son passage, vous n’êtes pas sans savoir que les fictions postapocalyptiques se sont aujourd’hui répandues partout.
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Dernier phénomène en date, la série The Last of Us de Craig Mazin, adaptée du jeu vidéo culte imaginé par Neil Druckmann pour Naughty Dog a pris le relais d’un Walking Dead en bout de course et a, à son tour, contaminé le monde entier. Sa fidélité à l’œuvre originale autant que ses pas de côté fascinants, la reconstitution des univers et de la menace permanente, l’interprétation impeccable de Pedro Pascal et Bella Ramsey : le virus est redoutable.
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Si comme nous, vous n’êtes jamais rassasié, voici quelques conseils lecture pour combler l’attente.
Le classique indétrônable : La Route, De Cormac McCarthy
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Au milieu du premier opus de The Last of Us, Ellie sort de son sac à dos un livre de blagues et de jeux de mots stupides qu’elle mentionnera plusieurs fois tout au long de son parcours. Son auteur : Kathryn McCormack. Un hommage évident et une référence au livre le plus influent du genre.
En effet, au pays terrifiant du roman postapocalyptique, il existe une œuvre pour les gouverner toutes, un grand livre devenu un classique de la littérature mondiale autant pour la richesse de son imagination que pour la beauté de sa langue et la puissance dévastatrice de ses émotions.
Au moment de la parution de La Route en 2006, Cormac McCarthy est déjà considéré comme le nouveau boss du roman noir américain. Avec La Trilogie des confins et surtout Méridien de sang et Non, ce pays n’est pas pour le vieil homme (adapté en 2007 par les Frères Coen sous son titre original, No Country for Old Men), il a réinventé le genre le plus américain qui soit, le western, pour en offrir une forme contemporaine tout aussi impitoyable mais remplie, cette fois, des névroses du monde moderne.
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À sa façon, La Route est lui aussi un western. Ce qui s’apparente à une guerre nucléaire a plongé le pays dans le chaos. Dans un coin de ce qui était autrefois les États-Unis, un homme et son jeune fils tentent de survivre et se dirigent vers le sud pour échapper à la désolation.
“L’homme” et “le petit”, ils ne seront jamais nommés, comme un symbole de la déshumanisation du monde, déambulent dans les immensités sauvages, désertiques, dévastées, comme deux cow-boys errant à la recherche d’un refuge où ils pourront peut-être, un jour, s’installer ou d’une fin définitive qui, au moins, les soulagerait. Cormac McCarthy nous entraîne dans un voyage épique et effrayant. Au milieu de la poussière et des cendres, le duo traîne son Caddie surchargé, dernier vestige de la civilisation et tente de se frayer un chemin entre les hordes de pillards et les illuminés qui ont choisi le cannibalisme comme religion.
Quête presque biblique, La Route confronte à chaque instant le regard du père, un homme brisé qui a vu la civilisation s’effondrer et celui du fils, un enfant né dans le chaos qui continue à espérer. Une question plane sans cesse sur leur destinée : l’humanité mérite-t-elle vraiment d’être sauvée ? Roman parmi les plus sombres et déchirants, La Route aura le droit à une adaptation ciné, avec un film de John Hillcoat peu inspiré mais porté comme toujours par un Viggo Mortensen possédé.
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Le jeu vidéo au service de la fiction : Métro 2023, de Dmitry Glukhovsky
C’est l’éternel débat depuis l’annonce de la production de la série The Last of Us. L’univers du jeu vidéo et celui du cinéma, des séries ou de la littérature peuvent-ils enfin parvenir à communiquer sans tout gâcher ? Un refrain rabâché sans cesse depuis des années par les oiseaux de mauvais augure focalisés sur des accidents industriels comme le film Assassin’s Creed et visiblement passés à côté de franche réussite de la galaxie The Witcher.
Alors que l’on vient de franchir le cap de la mi-saison, on peut désormais s’avancer sans risque en disant que The Last of Us a réussi son coup. Une série saluée par la critique, acclamée aussi bien par les fans de la première heure qui la suivent avec attention que par les profanes qui se redirigent en masse vers le jeu pour prolonger l’aventure, c’est ce qu’on appelle une belle opération.
Il y a 13 ans déjà, un roman culte du genre postapocalyptique vivait, quant à lui, une bien étrange destinée puisque c’est son adaptation en jeu vidéo qui lui assurait une gloire littéraire pour l’éternité. Publié en 2005, Métro 2033 de Dmitry Glukhovsky connaît un succès important en Russie mais reste invisible aux yeux du monde pendant de longues années. Ce n’est qu’en mars 2010, à la sortie du jeu vidéo portant le même nom, développé par l’éditeur américain THQ, que le phénomène prend de l’ampleur jusqu’à devenir une saga en trois tomes (Métro 2034 et Métro 2035 sortiront respectivement en 2011 et 2017) et un des plus gros best-sellers du genre.
Moscou, 2033. Alors que 20 ans plus tôt, une guerre nucléaire a ravagé notre monde, 40 000 survivants moscovites survivent tant bien que mal sous terre. Des micro-sociétés se sont formées à chaque station de métro avec leur gouvernement autonome, leurs croyances et leur religion. Les rebuts de ce nouveau monde sont, quant à eux, refoulés dans la pénombre et vivent dans les couloirs qui relient ces dizaines de villes souterraines.
Mais dans la pénombre, une menace plane sur ces derniers vestiges d’humanité, des créatures mystérieuses appelées “les Sombres”. Artyom les a vus et a miraculeusement survécu. Alors, il décide d’entreprendre un voyage au bout de la nuit et de rejoindre Polis, le dernier bastion de la civilisation qui regroupe le commandement de toutes les stations pour alerter du mal qui rôde et se prépare à attaquer.
Le bijou indé : Station Eleven, d’Emily St John Mandel
Comme le troisième épisode de The Last of Us nous l’a brillamment montré, le genre postapocalyptique n’est pas qu’un show à grand spectacle fait de violence, d’explosions et d’hémoglobine. C’est aussi un miroir tendu vers nos sociétés et sur ce qu’il advient de l’humanité. Parmi les nombreux romans traitant de la fin du monde tel que nous le connaissons, celui d’Emily St. John Mandel est sans aucun doute le plus poétique et le plus profond.
Paru en 2014, le livre de la jeune romancière canadienne est d’autant plus fort qu’après les années tragiques qu’on vient de connaître, son point de départ a largement gagné en crédibilité. Du jour au lendemain, le monde est frappé par un virus foudroyant venu de Géorgie. En quelques jours, 99 % de la population de la planète a succombé. Plus d’électricité, plus d’avions, de portables, de médicaments, de gouvernement, de police. L’anarchie règne. Les survivants s’adaptent.
Kirsten n’était qu’une enfant au moment où la pandémie s’est déclarée mais elle a vu la mort de près. Alors jeune comédienne prometteuse du Théâtre de Toronto, elle était en pleine représentation du Roi Lear quand elle a vu Arthur, son compagnon de jeu, s’écrouler devant une audience médusée. 20 ans après ce drame et l’irrémédiable effondrement du monde, elle est devenue une des vedettes de La Symphonie Itinérante, un orchestre et une troupe de théâtre, qui se déplace d’une communauté à l’autre dans la région des Grands Lacs pour y jouer Shakespeare et Beethoven et ainsi préserver les merveilles de l’Ancien temps en attendant le jour béni où le monde se relèvera.
Traversée de part en part par une mélancolie poétique et l’idée rassurante que l’art préserve l’humanité du chaos, Station Eleven est une œuvre à part. Dans un genre littéraire qui imagine le pire pour secouer son lecteur, Emily St. John Mandel fait le choix de l’espoir et maintient éveillée une lueur, cette foi indestructible, qu’il existera des jours meilleurs. Ou comme le dit le tatouage d’un des personnages dans une phrase empruntée à Star Trek :
“Parce que survivre ne suffit pas.”
Le livre oublié : Je suis une légende, de Richard Matheson
Eh oui, avant d’être un film avec Will Smith (2007) et même, pour les plus anciens, le kitschissime téléfilm Le Survivant (1971) avec Charlton Heston, Je suis une légende est un roman de science-fiction culte de l’écrivain américain Richard Matheson. Écrit en 1954, il n’a pas pris une ride et déchaîne toujours autant les passions. La preuve, une suite au film de Francis Lawrence vient même d’être annoncée avec un Will Smith revenu d’entre les morts et un Michael B. Jordan prêt à dégommer du vampire. Une promesse de testostérone qui ne rend pas grâce à la richesse du roman originel et à sa fascinante réflexion philosophique. Mais bref, passons.
Dans son roman, Richard Matheson raconte l’histoire de Robert Neville, dernier survivant d’une pandémie contre laquelle il est immunisé, à la suite d’une morsure de chauve-souris lorsqu’il était soldat au Panama. Le reste de l’humanité s’est transformé en êtres décharnés et cannibales, des sortes de vampires trop sensibles aux UV pour sortir le jour, mais qui, la nuit, règnent en maîtres et cherchent désespérément de quoi se nourrir.
Chaque jour depuis trois ans, Robert Neville part en exploration dans un monde déserté, pour chasser ces monstres, alimenter ses réserves et qui sait, peut-être trouver des survivants. Le soir venu, il se terre chez lui, se barricade dans son labo de fortune pour trouver les causes de cette épidémie et fabriquer un remède. Mais, alors qu’il progresse dans ses recherches et s’apprête à faire une incroyable découverte, l’étau se resserre autour de lui.
Sous ses airs de page-turner à grand spectacle, Je suis une légende est bien plus que ça. Le roman revisite le mythe de Dracula et renverse la table. Derrière le récit haletant, oppressant qui raconte le dernier râle d’un survivant encerclé par des démons assoiffés de sang, l’auteur interroge ce qui fait l’humain et ce qui fait le monstre. Car, au fil des années, en tuant pour mener à bien ses expériences, Robert Neville apparaît aux yeux de ceux qui peuplent désormais la terre, comme une force démoniaque qui a juré leur perte.
Il est devenu une légende.
La saga grand public : Silo, de Hugh Howey
S’il est un genre littéraire où l’univers que l’on dessine compte plus que tout, où l’atmosphère que l’on crée doit saisir le lecteur à la gorge sans jamais le relâcher, c’est bien le roman postapocalyptique. Dans ce domaine-là, la saga Silo, de l’américain Hugh Howey, publiée à partir de 2013, est une pure merveille.
Pas étonnant que son adaptation soit un vieux serpent de mer qui a fait l’objet de rudes batailles entre studios. Après un projet de long-métrage chez 20th Century Fox avec Ridley Scott aux manettes et un projet de série chez AMC, c’est finalement sur Apple TV+ qu’une adaptation verra enfin le jour dans quelques mois avec, dans le rôle-titre, la britannique Rebecca Ferguson.
Sans que personne n’en sache véritablement la raison, l’apocalypse s’est abattue sur terre. Quelques milliers de survivants ont recréé une société dans un silo souterrain de 144 étages. Pour maintenir l’ordre et assurer la survie de l’humanité dans un tel milieu, les règles fixées par les autorités sont strictes.
Régulation des naissances en fonction des décès, entretien des installations, sécurité maximale : les hors-la-loi et les enfants non autorisés sont condamnés au même sort, une mort certaine puisqu’ils sont envoyés au-dehors, au contact d’un air toxique pour assurer la maintenance des caméras qui donnent le seul aperçu du monde extérieur. Les images de ce monde hostile, destructeur, sont diffusées partout dans le complexe pour rappeler que la mort rôde mais Juliette, une mécano futée qui plonge depuis trop longtemps dans les entrailles du silo, sait que quelque chose se trame et fera tout pour découvrir la vérité.
Dans ce roman étouffant où l’on sent chaque seconde le silo se refermer sur nous, Hugh Howey bâtit un thriller redoutable où les apparences sont parfois trompeuses et où l’ennemi change constamment de forme. Il interroge la docilité des êtres et des sociétés face au danger qui vient, cette fatalité étonnante que nous avons parfois à sombrer dans une tragique servitude volontaire. Un bijou d’imaginaire qui a eu le droit à deux suites, Silo : Origines et Silo : Générations.