Ils sont impressionnants, à moto, à cheval ou en voiture. Ils sautent, ils chutent et s’en sortent (quasiment) toujours indemnes. Les cascadeurs sont le symbole ultime du rêve hollywoodien. Désormais, ils sortent de l’ombre grâce à David Leitch dans The Fall Guy, sa nouvelle comédie d’action attendue le 1er mai au cinéma. Le réalisateur, à qui l’on doit le premier volet de John Wick (réalisé en duo avec Chad Stahelski), Atomic Blonde, ou encore Bullet Train, a rendu la figure du cascadeur aussi cool que dans les années 1980.
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Son nouveau long-métrage, The Fall Guy, rend d’ailleurs hommage à la série télé du même nom (L’Homme qui tombe à pic en français), diffusée entre 1981 et 1986. Comme dans la série, le personnage principal, campé par Ryan Gosling, s’appelle Colt Seavers et se sert de sa formidable agilité pour résoudre une enquête.
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Après un accident qui a mis fin à sa carrière, Seavers est rappelé par la productrice de son dernier film pour une mission secrète : partir à la recherche de la star du film, Tom Ryder (excellent Aaron Taylor-Johnson) et sauver la première réalisation de Jody, l’amour de la vie de Seavers. Mais un complot d’une ampleur inattendue se dresse devant lui.
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Un style novateur
Lorsqu’ils ont réalisé John Wick, Chad Stahelski et David Leitch avaient un objectif bien précis. Cascadeurs de métier, les deux hommes voulaient mettre leur savoir au profit d’une production d’un nouveau genre et placer la performance des cascadeurs au centre de leur dispositif. Un vrai style de mise en scène est alors né : des plans plus larges, moins de coupes, un découpage de l’action millimétré, les combats deviennent une véritable chorégraphie où l’on évite le plus possible les effets spéciaux.
Pari réussi quand on voit le nombre de productions actuelles revendiquer l’héritage de John Wick. Le film de baston “à la John Wick“ est devenu un genre en soi. Par la suite, Stahelski poursuit la saga en réalisant les suites de John Wick, tandis que David Leitch se prend d’affection pour la comédie d’action survitaminée, où les cascades sont toujours plus impressionnantes.
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The Fall Guy est l’aboutissement du style Leitch. De la première à la dernière scène, le long-métrage transpire l’amour du métier de cascadeur du scénario à la mise en scène en passant par le générique de fin, qui compile le making of des prouesses les plus folles réalisées pour le film. The Fall Guy existe par et pour ce métier, et contrairement à la plupart des blockbusters du genre, le scénario est au service de la cascade.
Résultat, c’est un blockbuster hyper généreux, impressionnant, et à l’ambition jamais vue. Littéralement, car le film a battu un record lorsque le cascadeur Logan Holladay a effectué huit tonneaux et demi dans un faux accident de voiture. Quitte à rendre hommage aux cascadeurs, autant pousser les curseurs du spectaculaire au maximum.
C’est aussi une critique acerbe de Hollywood, de l’ego des décisionnaires, des stars qui méprisent les techniciens. À l’heure où l’industrie du blockbuster est sclérosée par l’abus d’effets spéciaux numériques et l’utilisation d’intelligence artificielle, les spectateurs comme les cinéastes cherchent désormais du réel ou, du moins, une impression de réel. David Leitch l’a expliqué dans une interview accordée au magazine Première :
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“Ce sont des héros de l’ombre qui font des choses à peine croyables sans jamais goûter à la reconnaissance. Il s’agissait autant de célébrer ces hommes et ces femmes que l’art de la cascade. On a vraiment fait sauter une voiture sur une soixantaine de mètres, on a vraiment fait une chute libre de 45 mètres et on a vraiment mis le feu à des gens.”
Un porte-étendard pour tous les cascadeurs
Le Français Serge Crozon-Cazin est cascadeur depuis plus de vingt ans. Il a souvent travaillé à Hollywood (Mortal Kombat, prochainement dans The Union sur Netflix). Pour lui, le métier de doublure cascade n’est pas reconnu à sa juste valeur. “Certes, être cascadeur aux États-Unis, ce n’est pas rien, mais par rapport à la charge de travail, la reconnaissance n’est pas à la hauteur du sacrifice.” D’autant plus que les cascadeurs sont de plus en plus supplantés par les effets spéciaux numériques :
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“Ça remplace 30 à 40 % de notre travail, les cascades physiques, mais aussi les artificiers, qui travaillent avec les cascadeurs.”
Le mythe du cascadeur est purement hollywoodien, un héros invisible et casse-cou. Le parcours d’une star de cinéma est intimement lié à celui de sa doublure. Une relation mise en avant par Quentin Tarantino dans Once Upon a Time… in Hollywood, avec le personnage de Cliff Booth, interprété par Brad Pitt. Cinéphile et passionné par l’industrie, à la fois devant et derrière la caméra, le protagoniste aurait très bien pu s’appeler David Leitch.
“Les cascadeurs sont les cols-bleus amoureux du cinéma, qui citent les répliques de films pendant qu’ils font les films. Aucun d’entre eux ne bosse sur le tournage pour l’argent”, révèle le cinéaste dans Première. The Fall Guy fait écho à l’une des plus vieilles revendications du métier, celle d’être récompensé au même titre que les acteurs et les techniciens.
Le long-métrage le dit clairement, c’est un travail qui ne s’invente pas, et les acteurs qui disent effectuer leurs propres cascades sont au mieux inconscients, au pire des menteurs. Depuis des années, les cascadeurs se battent pour la création d’une catégorie dédiée aux Oscars. De nombreux grands noms du cinéma se sont ralliés à cette cause : Arnold Schwarzenegger, Jason Statham, ou encore le cinéaste Steven Spielberg.
Serge Crozon-Cazin l’assure, les débats ne datent pas d’hier. “Quand j’ai commencé, on en parlait déjà. L’Académie des Oscars est réticente car ils ont peur que les cascadeurs repoussent leurs limites pour la récompense et que ça provoque plus d’accidents.” Mais dans une cérémonie où l’ensemble des métiers du cinéma est récompensé, l’absence des cascadeurs se fait de plus en plus remarquer. Crozon-Cazin, doublure officielle d’Omar Sy pendant dix ans, y voit une immense opportunité pour son métier :
“Quand on double un acteur, on joue le personnage au même titre que l’acteur. Et comme pour l’acteur, recevoir un Oscar nous garantit du travail pour des années.” C’est aussi un adoubement. Être récompensé aux Oscars pour son travail, c’est en quelque sorte être enfin accepté parmi la grande famille de Hollywood.