Déterminer quel est le meilleur album d’Eminem a toujours été une question épineuse. Pour certains, ce sera The Slim Shady LP, l’album dans lequel il a introduit son alter ego démoniaque. Pour d’autres, il s’agira de The Marshall Mathers LP, sa deuxième livraison plus incisive et plus maîtrisée. Une autre tranche de fans louera Relapse, son album le plus sombre et brillant à la fois ou Recovery, l’album de la renaissance. Mais pour la majorité des fans du rappeur et du public rap, son meilleur album est et restera The Eminem Show, son quatrième opus paru il y a 17 ans, le 26 mai 2002.
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À l’aube de la sortie de cet opus, Eminem est déjà largement reconnu. Grâce à sa combativité, aux multiples controverses dont il fait l’objet et surtout grâce à son talent, il figure parmi les stars du rap de l’époque. Sa notoriété dépasse même largement les frontières du hip-hop avec la sortie quelques mois plus tôt de 8 Mile au cinéma. Un film semi-autobiographique dans lequel il romance sa success story. Avec 111 millions de dollars de recettes aux États-Unis et plus de 2 millions d’entrées en France, il prouve que l’on n’a pas besoin d’aimer le rap pour apprécier le film. Fort de ce succès populaire, le rappeur voit sa carrière artistique entrer dans une nouvelle ère.
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Welcome to The Eminem Show
C’est un comble, Eminem qui a passé son temps à taper sur les icônes de la culture pop en est maintenant devenu une. Fini de galérer dans les ghettos de Détroit, le rappeur a enfin obtenu la reconnaissance qu’il cherchait et goutte aux strass et aux paillettes. Désormais, à chaque fois qu’il fera une sortie, tous les projecteurs seront braqués sur lui et ses moindres faits et gestes seront scrutés à la loupe.
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La pression est d’autant plus grande que s’il veut confirmer son succès, Eminem devra faire mieux ou au moins aussi bien que son précédent opus MMLP. Pas facile donc. D’autant plus qu’avec son nouveau statut de superstar, il ne peut plus se permettre de tricher en racontant des histoires de galérien au risque de perdre en authenticité. Le MC va donc faire comme il l’a toujours fait jusqu’alors, à savoir raconter sa vie sans artifice. Conscient d’être devenu la nouvelle coqueluche du show business, il va aborder son rêve américain comme un spectacle, presque comme une téléréalité.
C’est donc symboliquement que l’album s’ouvre sur une levée de rideau. Avant d’enchaîner sur “White America”, un titre grondant dans lequel le rappeur prend conscience du privilège qu’il a d’être blanc dans une musique majoritairement noire. S’en suit “Business”, un morceau dans lequel il proclame son retour tout en provocation. Le retour du “hip-hop sous sa forme la plus pure avec un flow quasi sans défauts”. Comment lui donner tort avec cet Eminem Show ?
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En témoignent les nombreuses controverses dont il a fait l’objet, en 2002, Slim Shady est déjà virtuose dans l’art de manier la provoc. Le meilleur exemple ici reste “Without Me”, le premier single de l’album dans lequel il se moque cyniquement de ses détracteurs. Et le clip aussi : Eminem et Dre déguisés en Batman et Robin, Eminem en Elvis ou en Ben Laden… Tout est culte ! Ce n’est pas pour rien que ce titre est aujourd’hui encore, l’un des plus gros succès du rappeur. Et si la controverse n’est jamais très loin d’Eminem, il rappelle dans les détonants “Soldier” et “Till I Collapse” que peu importe qui lui mettra des bâtons dans les roues, jamais il ne pliera.
Shady a beau faire le clown au micro, n’oublions pas que The Eminem Show est un spectacle. C’est pourquoi dans des titres comme “When The Music Stops” ou “Sing For The Moment” et son sample somptueux d’Aerosmith, il rappelle à l’attention de ceux qui critiquent ses textes, qu’il faut savoir faire la différence entre la musique et la réalité.
La réalité, parlons-en justement. Car dans cet album il arrive que Slim Shady passe le micro à Marshall Mathers. Et quand celui-ci prend la parole, il se montre plus personnel. Qu’il s’agisse d’évoquer la relation tumultueuse entretenue avec sa mère depuis toujours (“Cleanin’ Out My Closet”), sa femme Kim qu’il aime et qu’il déteste à la fois (“The Kiss”, “Say Goodbye To Hollywood”) ou encore l’amour inconditionnel qu’il voue à sa fille.
On le sait, ce que sa mère ne lui a pas donné, il le transmet à sa fille Hailie Jade tout juste âgée de six ans à l’époque. Il l’aime tant qu’il va carrément lui dédier une chanson “Hailie’s Song”, dans laquelle il poussera la chansonnette comme jamais auparavant. Cerise sur le gâteau, la fillette aura même droit à son featuring dans le morceau “My Dad’s Gone Crazy”, juste avant la fermeture du rideau.
L’album de la consécration
Brillant sur le fond, sur la forme, The Eminem Show est aussi l’album sur lequel Eminem s’est le plus investi artistiquement. Son mentor Dre est toujours aux manettes, mais c’est bien le rappeur qui assure 90 % des instrus de son disque. S’il n’en est pas à ses premiers morceaux autoproduits, c’est la première fois que son rôle à la production est si important. Un parti pris qui participe grandement à la qualité de l’opus.
Pari gagné : avec ce quatrième album, Marshall Mathers parvient à renouveler sa formule, tout en affirmant un peu plus sa suprématie sur le trône du rap game. À sa sortie, TES se classe numéro 1 aux États-Unis avec 1,33 million d’albums vendus la première semaine. Suite logique, l’opus est nommé pour le Grammy du Meilleur album de l’année 2002 et remporte celui du meilleur album rap. Il figure même dans le classement des 500 meilleurs albums de tous les temps du magazine Rolling Stone en 2003. Enfin, le 7 mars 2011, l’album était certifié disque de diamant aux États-Unis.
Aujourd’hui encore, The Eminem Show est l’album de tous les records : en 2018, il était le troisième disque rap le plus vendu de tous les temps aux États-Unis avec 10, 3 millions de copies écoulées dans le monde. 30 millions d’exemplaires de cet album ont été vendus.
Pour mesurer l’impact de cet album sur la planète hip-hop, il suffit d’en regarder les morceaux : “Without Me”, “Sing For The Moment”, “White America”, “Cleanin’ Out My Closet”… La majorité d’entre eux figure encore aujourd’hui parmi les plus gros succès d’Eminem. Même “Till I Collapse”, son duo avec le regretté Nate Dogg, qui n’était même pas un single à l’époque, est aujourd’hui encore l’un des titres du rappeur les plus streamés sur Spotify.
Il y a dix-sept ans, pour illustrer son statut de superstar durement acquis, Eminem avait vu les choses en grand. Outre cet album mythique, on se rappelle de la tournée légendaire du Anger Management Tour et son “parc d’attractions” scénique déployé pour l’occasion. Témoignage de l’audace et de la grandeur du rappeur à l’époque, ce souvenir restera à jamais gravé dans le cœur de tous ceux qui y ont assisté. Ou qui on vu le DVD…
Malheureusement, une fois au sommet, il ne reste bien souvent que la chute. L’histoire l’a montré à plusieurs reprises et Eminem n’a pas échappé à la règle : le show était bon, mais le bougre a raté son Encore…
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