Le mois de juillet a certes été marqué par le lancement des JO, mais pas que. Sur Netflix, et au compte-gouttes, est arrivée une téléréalité pas comme les autres : The Boyfriend, la première émission de dating LGBTQIA+ japonaise qui voit plusieurs hommes gays ou bi cohabiter dans la même maison idyllique au bord de mer. Leur mission ? Faire tourner un coffee shop dans une camionnette qui va ici et là. Évidemment, le projet professionnel n’est qu’un prétexte au rapprochement puisque les candidats sont là pour trouver l’amour, au mieux ; cultiver de belles amitiés, au pire.
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Pourquoi c’est si inédit et salvateur ? Eh bien car en dépit de sa modernité sur une palanquée de points, le pays est toujours autant en retard sur les droits des personnes LGBTQIA+ (les mariages entre individus du même genre ne sont pas reconnus). Surtout, même en France, contrée déjà plus ouverte, nous n’avons jamais eu de production totalement dédiée aux personnes queers, malgré quelques candidats (une petite poignée) qui ne sont pas hétéro dans les émissions de dating.
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Chialade et smoothie au poulet
On retrouve donc les candidats dans la green house avec un rythme qui sera le même épisode après épisode. Au-delà des sorties en extérieur et des dates, chacun doit choisir qui l’accompagnera travailler dans l’étriqué et minuscule coffee truck, propice au coude à coude pour faire un petit latte aux curieux clients passant (ou dirigés par la prod) dans le coin. Chaque journée finit devant un romantique coucher de soleil. Si on était dans une émission française sur W9 ou NRJ12, comme au hasard, Les Anges ou La Villa des cœurs brisés, ça serait le moment bien cringe et cliché où “Stay” de Rihanna se ferait entendre et où le couple naissant échangerait une galoche bien baveuse qui coupe à jamais toute envie de faire un bébé. The Boyfriend n’est pas de ce genre.
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Chaque bachelor est pudique, élégant, calme, parle très doucement, peine à dévoiler ses sentiments face aux autres et, quand il le fait, c’est forcément la chialade. Certains passages sont presque douloureux : la cruauté de voir certains plaire, attiser toutes les convoitises (le cuisinier Kazuto a 5 prétendants en même temps à un moment donné !) quand d’autres n’auront jamais l’ombre d’un date. C’est une ode à peine dissimulée au physique parfait. D’un côté, on apprécie comme chacun des participants, même le tout en muscles Usak, gogo dancer accro au smoothie au poulet (oui, oui, vous avez bien lu) est en phase avec sa coquetterie. Les mecs se font des soirées masques et skin care, parlent maquillage sans complexe… D’un autre côté, on déplore l’homogénéité, la façon dont chacun entretient sa minceur, sa musculature. Ne cherchez pas un gramme de graisse dans le programme, vous n’en trouverez pas et cet aspect est sans aucun doute regrettable car peu inclusif.
The Boyfriend aurait pu s’appeler “Dai et Shun”
Malgré ces écueils, le programme est un petit bonbon qu’on garde dans la bouche jusqu’à l’amertume. Au-delà de son aspect nouveauté bienvenu, où on retiendra notamment la soirée où chacun évoque son coming out, The Boyfriend reste avant tout une téléréalité, donc du divertissement. Dès lors, impossible de ne pas évoquer Dai et Shun, colonne vertébrale du programme, couple qui se (re)cherche since day 1. Dai est populaire, enjoué, a le “kawaiii” facile devant la moindre mignonnerie. Shun, avec sa gueule d’ange d’idol, tire la tronche la plupart du temps et se la joue ténébreux à la Dark Sasuke. Sa mauvaise humeur fait la pluie et le beau temps dans la maison mais ses réactions, certes peut-être parfois scriptées, sont toujours à l’opposé des prédictions. Comme quand il fait tout pour gagner une course de karting et qu’une fois arrivée en premier, il annonce en toute insolence au moment de réclamer son prix, avec son sourire Colgate : “Ah mais je ne veux rien”. L’idée était évidemment d’uniquement empêcher la victoire de Dai pour que celui-ci ne leur impose pas un nouveau rendez-vous. Plus chipie, tu meurs. Mais quand ils se réconcilient, c’est magique : une succession de jolis tableaux, lumière cinématographique à la Wong Kar-wai, on ne sait plus trop si on regarde un film ou toujours une téléréalité — preuve que le genre peut ne pas être cheap mais très léché !
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Loin d’être un microphénomène ne touchant que le public japonais et/ou queer, le programme s’est taillé une place de choix, preuve en est avec les nombreuses vidéos (edits, réactions) sur les différents réseaux sociaux ou avec le nouveau souffle des candidats, qui ont clairement tous l’âme de mannequins ou de créateurs de contenus. Le couple Dai et Shun bombarde déjà de vidéos “kawaiii” (à lire avec la voix attendrie de Dai) et ont signé dans la même agence. Preuve qu’ils ont déjà pensé à l’après, ce qui n’enlève rien à l’authenticité de The Boyfriend. On espère d’autres versions dans d’autres pays conservateurs afin de libérer toujours plus la parole. Voire un The Girlfriend. C’est vrai ça, c’est pour quand ?