Le 10 juin 2008, le monde découvrait Tha Carter III. Avec son sixième opus, Lil Wayne a confirmé son rang de superstar du rap, tout en changeant définitivement la face du hip-hop.
Publicité
Il y a des albums qui marquent les esprits à tout jamais. Un anniversaire est toujours le meilleur moment pour le rappeler. Le 10 juin 2008, Lil Wayne, figure de proue de la scène hip-hop de La Nouvelle-Orléans, sortait Tha Carter III, le troisième volet de sa série d’albums Tha Carter. Un projet qui fera date dans sa riche discographie.
Publicité
Nostalgie… que 2008 fut une année prestigieuse pour le hip-hop outre-Atlantique ! Paper Trail de T.I., 808 & Heartbreak de Kanye West, Untitled de Nas, LAX de The Game… Bref, presque tous les cadors de l’industrie du rap de l’époque ont sorti un album cette année-là. Bien sûr, on se souvient de certains plus que d’autres, mais dans cette cuvée fantastique, c’est assurément Lil Wayne qui a tiré son épingle du jeu.
Avec plus d’un million d’exemplaires écoulés en une semaine, le rappeur réalise le meilleur démarrage de l’année. L’opus finit même par devenir l’album de rap le plus vendu de 2008, avec 2,88 millions de disques. Comme si cela ne suffisait pas, aujourd’hui encore ce disque figure parmi les meilleures ventes de tous les temps du rap US . Un monument, je vous dis.
Publicité
“Best Rapper Alive”
Et pour cause : Tha Carter III est un concentré de tubes. On pense au sensuel “Lollipop”, qui a révolutionné les codes de l’Auto-Tune, mais aussi aux hymnes soul (“Tie My Hands” “Let The Beat Build” ou encore “Mrs. Officer”) et aux bangers explosifs (“A Milli”, “3 Peat”, sans oublier “Got Money”). Il n’y a presque rien à jeter dans cette tracklist.
Publicité
Puisant son inspiration dans le crunk, genre de référence à l’époque dans le Sud des US, Weezy se démarque de ses homologues par un timbre de voix rauque et acide unique. Une particularité audible dès le début de sa carrière, qui découle de son utilisation abusive de la codéine présente dans le fameux “purple drank” (le “lean, dont la jeune génération de rappeurs fait l’apologie). Pour Weezy, c’est une marque de fabrique, une différence clairement assumée : “We are not the same, I am a Martian”, se plaisait-il d’ailleurs à scander dans ses textes.
Sur la pochette de cet album, Weezy affiche des traits juvéniles, mais à l’époque de la sortie il est déjà un grand du rap. Il avait ainsi livré cinq projets depuis 1999 (sans compter ceux de son crew, les Hot Boys). Pour rappel, Dwayne Michael Carter Jr. a seulement neuf ans lorsque son mentor Birdman le prend sous son aile en le signant sur Cash Money. Tha Carter III sera pour lui le disque de la consécration, celui avec lequel il a affirmé ses ambitions, tout en confirmant avec brio son statut de superstar du rap.
Publicité
Vous vous en souvenez ? Il y a dix ans, Weezy, personne ne pouvait le tester. Il connaissait tous les rouages de l’industrie musicale. Il a même révolutionné le Dirty South avec un sens de la formule infaillible. Il a beau être maigrichon et plutôt frêle, son charisme et son énergie au micro étaient sans pareils. Son aura est d’ailleurs si brillante à l’époque qu’elle lui permet de porter toute l’écurie Young Money – tant et si bien qu’à la fin des années 2000 le label de Lil Wayne est le plus puissant du rap US.
Il était d’ailleurs tellement sûr de lui qu’il en est arrivé à s’autoproclamer “best rapper alive”, un titre revendiqué par plus d’un dans le game. Alors forcément, quand Wayne déclare écraser toute concurrence, des débats enflamment la Toile entre ses fervents défenseurs et ses détracteurs.
Publicité
Bien que l’on puisse être dubitatif, il est indéniable que Lil Wayne et Tha Carter III ont fait naître toute la nouvelle génération du Dirty South, des trappers aux mumble rappers. Flows, sons, coiffures extravagantes, vêtements d’un goût douteux… tous marchent plus ou moins sur les traces du MC : Young Thug, Future, Quavo et Lil Uzi Vert n’en sont que quelques exemples.
On en rigole aujourd’hui, mais il suffit de regarder le nombre incroyable d’artistes avec “Lil” dans leur blase. De plus, même si le rayonnement de Cash Money n’est plus aussi fort qu’auparavant, n’oublions pas que c’est grâce à Wayne qu’ont germé certaines des grandes stars du rap de la décennie, parmi lesquelles Drake, Tyga et Nicki Minaj.
Plus dure sera la chute
Quand on vise la Lune, bien souvent, la chute peut faire encore plus mal. Arrivé au sommet de sa gloire avec Tha Carter III, Wayne décide de se servir de sa notoriété pour se livrer à quelques expérimentations musicales. Contre toute attente, il signe deux ans plus tard un album rock intitulé Rebirth. Son succès commercial lui donne des ailes et le fait se sentir comme une rock star. Malheureusement pour lui, la reconnaissance critique n’aura pas lieu, même si quelques titres comme “Drop The World” avec Eminem et “Knockout” avec une Nicki Minaj on fire sauvent les meubles.
La suite de l’histoire on la connaît : Tha Carter IV sort en 2011 – un bon album, bien qu’un cran en dessous du précédent. Il en va de même pour ses deux projets suivants, I Am Not A Human Being I et II. Seulement, il ne le sait pas encore, mais ce n’est rien comparé à la traversée du désert qui l’attend. À partir de fin 2012, Lil Wayne va enchaîner les coups durs, entre ses problèmes de santé graves et, surtout, le clash extra-musical historique qui l’opposa à Birdman dès 2014.
Son père spirituel, président de Cash Money et visiblement radin sur les royalties, retenait contractuellement l’artiste et empêchait la sortie de ce qu’il annonce comme son ultime album, Tha Carter V. La longue bataille judiciaire vient tout juste de trouver son dénouement : Lil Wayne est libéré de Cash Money et va enfin pouvoir sortir son opus tant attendu.
Durant sa bataille acharnée l’opposant à son mentor, Wayne ne s’est pas débiné et a continué de clamer haut et fort son indépendance artistique. Entre quelques tricks exécutés sur son skate, il a dévoilé successivement plusieurs projets, un album sur Tidal (Free Weezy) et des mixtapes gratuites.
Bien sûr, les années passent et la mayonnaise ne prend plus comme à l’époque bénite de Tha Carter III. Il n’empêche que son dernier projet en date, sorti en toute fin d’année dernière, Dedication 6: Reloaded, prouve que le rappeur de La Nouvelle-Orléans en a toujours dans le ventre et que les enfers sont derrière lui. Espérons que Tha Carter V marque le début d’une nouvelle renaissance…
Quoi qu’il en soit, son sixième opus reste l’un des meilleurs, si ce n’est le meilleur, de sa discographie. Le terme “colossal” pour qualifier son impact sur la planète rap serait un euphémisme.