“Industry disruptors and soul deconstructors and smooth-talking hucksters out glad-handing each other” chante Taylor sur “Sweet Nothing” ballade qui pause l’effluve pop en cours de route de Midnights, son dixième album sorti… à minuit. Le morceau, coécrit avec William Bowery – pseudo derrière lequel on trouve l’acteur et petit ami de Taylor Swift Joe Alwyn – est presque un pied de nez à l’effort du reste de l’album, produit fort, produit large, produit avec un nom évident crédité à presque tous les étages : Jack Antonoff.
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Après Folklore et Evermore, le retour de Taylor s’annonçait sorti du ranch – pas que celui de Bon Iver –, comme un retour à la ville, une promise vengeance pop. Mais si le résultat est là, on se demande à quoi bon avoir monté toute la promo de l’album sur la promesse d’un fameux modèle “disruptif”, voulu sans single et sans stratégie. Alors que la stratégie, c’est entièrement ce qui ressort du cheminement de Midnights.
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Midnights, justement, 13 titres, comme les albums phare de Taylor Swift, a déjà eu droit à une édition bonus de sept titres, malicieusement sorti trois heures après pour se nommer 3 am Edition. Sacrée stratégie. Pas de single ? Non, mais des citations des textes de l’album en billboard à Times Square. Sacrée stratégie. Un duo hypé par la presse avec Lana Del Rey – qui se fait malheureusement timide sur le morceau –. Sacrée stratégie.
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Bien sûr, Taylor Swift peut s’offrir ces nouveaux canaux de promotion en insistant qu’ils n’en sont pas, parce qu’elle n’en a pas besoin. Mais toutes ces pirouettes, au final, nous font presque oublier l’excitation d’avoir pu écouter l’album ce matin. Là aussi, même si on a grand plaisir à l’écouter, on se perd dans le personnage ; non, Taylor Swift ne fait plus de dates dans une coloc, elle ne peut plus s’offrir l’amour normal, tout simplement car elle est Taylor Swift. À l’image de “Maroon”, ballade qui se transforme donc en presque fan fic de ce date passé un peu bancal.
On compatit avec l’envie qu’on devine de Taylor de ne pas toujours être une pop star, mais à vouloir revenir sur son terrain de prédilection, elle en reprend tout l’attirail. D’un album qui voudrait raconter ses histoires intimes, on ne peut pas s’empêcher de regretter qu’il sonne autant, qu’il soit calibré pour la sono d’une voiture neuve, qu’on en oublie presque la crasse des envies de vengeances d’un amour blessé, comme sur le Billie Eilishesque “Vigilante Shit”.
Bien sûr, on va donner du temps à Midnights, l’aimer, même, mais on se demande si les annonces autour de l’album, avec son vernis usé artificiellement, n’ont pas gâché une partie du retour de Taylor à la pop, voulant absolument être un ovni alors qu’il est ce qu’il est : un album de Taylor Swift à la ville, celle de 2022, à l’heure du streaming et du grand Internet.
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On dit ça, et en même temps, on meurt d’envie d’acheter l’album sur K7 – évidemment en précommande sur Spotify – et, comme le relève très bien le journaliste Chris Willman sur Variety ; si l’édition vinyle n’a que 13 morceaux, c’est que cette nouvelle audience revenue au plastique, n’aura à la retourner qu’une fois pour l’écouter en entier.
Midnights et Midnights (3am Edition) sont disponibles sur toutes les plateformes de streaming.