En plus d’avoir le sourire le plus charmeur de toute l’histoire du rap game, T.I. est sans doute, encore aujourd’hui, bien plus stylé que n’importe lequel de vos rappeurs préférés. Ce gars a été tant de choses différentes à la fois : rappeur à la voix rauque et à l’accent reconnaissable entre mille, père de famille, businessman, écrivain, star de téléréalité, criminel et maintenant homme politique engagé pour le mouvement Black Lives Matter. Bref, il a fait beaucoup de choses et en cela il restera à jamais le “King of the South”.
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Maintenant que le décor est planté, demandons-nous comment cet artiste bercé par la culture gangsta a su être un pionnier de la trap music, le genre prédominant dans le rap aujourd’hui, tout en développant depuis longtemps son engagement politique. Des convictions qui prennent leurs sources dans un parcours hors du commun.
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Clifford Joseph Harris Jr. a grandi dans la banlieue d’Atlanta, dans l’un des coins les plus dangereux : le ghetto de Center Hill, à la sortie de Bankhead. Comme dans de nombreuses villes du Sud des États-Unis, on y trouve beaucoup d’Afro-Américains qui se sont installés en raison des faibles prix de l’immobilier, mais surtout de la ségrégation raciale des années 1960.
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Issu d’une famille modeste qui peinait à joindre les deux bouts, le jeune garçon élevé par ses grands-parents choisit rapidement d’emprunter la voie de l’argent facile pour sortir de la misère, en se mettant au trafic de drogues sur les bancs de l’école. Dans le milieu, il va même se faire appeler le “Rubberband Man” (“l’homme aux élastiques” pourrait-on traduire, en référence aux élastiques qu’il se mettait autour des poignets afin d’avoir de quoi faire des liasses de billets). Mais c’est aussi à cet âge qu’il va développer une autre de ses passions : l’art du rap et de la scène. Sans le savoir, il venait de trouver la voie qui allait le sortir de la misère.
Un roi enchaîné
En presque 20 ans de carrière, T.I. – que Pharrell Williams nommait à ses débuts le “Jay Z of the South” – compte pas moins de dix albums solo, dont sept d’entre eux ont atteint le top 5 du Billboard 200. Il est à l’origine d’une flopée de classiques indémodables, dont certains sont carrément devenus des hymnes du Dirty South, cette branche du hip-hop venue du Sud des États-Unis.
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“Bring Em Out”, “24’s”, “Rubberband Man”, “What You Know”, “Big Shit Poppin'”, “Whatever You Like”, “Live Your Life” (avec Rihanna), “Trap Back Jumping”… Bref, la liste est longue. En plus d’avoir gagné le respect de ses pairs en remportant de nombreux clashs (Ludacris, Shawty Lo et Lil’ Flip, pour citer ses adversaires les plus connus), il a également fondé le label Grand Hustle (devenu en 2012 le Hustle Gang) qui lui a permis de révéler de nombreux talents.
Cependant, sa vie est loin d’être exemplaire. À plusieurs reprises, quelques bavures lui ont ainsi valu plusieurs allers-retours en prison. En octobre 2007, il a été arrêté pour possession illégale d’armes, six heures avant les BET Awards. Condamné, libéré sous caution, puis mis en liberté surveillée, il poursuit sa peine en mars 2008 en effectuant 1 500 heures de travaux d’intérêt général, avant d’être incarcéré pour purger une peine d’un an et un jour de prison le 26 mai 2009. Libéré pour bonne conduite en mars 2010, il doit retourner en prison à peine quelques mois plus tard.
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Ses expériences derrière les barreaux sont évoquées dans de nombreux morceaux. Sur le morceau “F.A.M.E.” de Young Jeezy, le roi sorti de sa cage rappe d’ailleurs : “Une nouvelle année en prison ? Je le jure, c’est terminé pour moi, quitte à braver la tempête, je dois marquer l’Histoire.” Afin de rester sur le droit chemin, il décide alors de s’engager pour sa communauté.
Ambassadeur du mouvement Black Lives Matter
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Quand on parle d’artistes engagés pour la cause noire-américaine, on pense tout de suite à Kendrick Lamar, ce qui est dommage car Clifford Harris est l’un des plus fervents défenseurs du mouvement Black Lives Matter. Sa prise de position est d’ailleurs brillamment exposée dans Rapture, la nouvelle série documentaire de Netflix disponible depuis le 30 mars.
Malgré ses séjours en prison, le rappeur a toujours été une personne réglo à sa façon, comme l’explique le producteur David Banner : “T.I. est un gars honnête. S’il veut faire une connerie, il la fera, mais s’il se fait prendre, il se résignera.” Il est aussi solidaire : en 2006, par exemple, il a débloqué plus de 800 000 dollars pour les victimes de l’ouragan Katrina, qui a dévasté la Nouvelle-Orléans.
Mais son engagement de longue date va prendre une nouvelle dimension politique à partir de 2016, en réponse aux injustices répétées à l’égard des Afro-Américains. Touché par les cas de violences policières qui se multiplient dans son pays, le rappeur bouleverse son processus créatif : il bazarde tous ses projets en cours, repartir de zéro et passer à l’action. Sa musique aura désormais comme but de défendre les opprimés. Une nouvelle direction artistique d’autant plus assumée qu’elle fait écho à l’élection de Donald Trump.
Pendant la campagne présidentielle de 2016, il est l’un des premiers à s’acharner contre le candidat républicain, qu’il déteste de tout son cœur. Dès que l’occasion se présente, T.I. ne manque pas de remettre à sa place le futur président, en régissant avec assurance à ses nombreux propos polémiques sur Twitter.
Le 16 décembre 2016, il confirme son engagement politique avec la sortie surprise de son album, judicieusement baptisé, Us or Else : Letter to the System. Depuis, le rappeur a continué de systématiquement fustiger Trump. On se souvient surtout de sa réponse mythique à la réaction du président au clip de Snoop Dogg de“Lavender” , qui met en scène son assassinat :
“Snoop Dogg est une putain de légende, espèce de rat musqué au bronzage de mandarine et à la peau de scrotum, avec ta perruque qui ressemble à de la fourrure d’opossum, amateur de fake news […] Continue de chercher à tout prix à diviser les minorités, à créer des barrières, à aliéner les immigrants et à foutre en l’air ce pays comme tu sais si bien le faire.”
En attendant que la tempête Trump passe, T.I. continue son action politique : conférences, prises de parole dans des églises, éducation… Il a même récemment rejoint l’équipe municipale de sa ville d’Atlanta pour tenter de faire changer les choses à l’échelle locale. Et bien entendu, il n’a pas manqué de saluer la mémoire du pasteur Martin Luther King Jr., le jour du cinquantenaire de son assassinat.
Une fin en apothéose
C’est bien beau tout ça, mais qu’en est-il de la suite de ses projets musicaux ? C’est acté depuis l’an dernier : il mettra fin à sa prestigieuse carrière après avoir sorti ses trois prochains albums. Notons qu’il dispose déjà d’une flopée de projets dans ses cartons, notamment des doubles disques.
Il y a ainsi Dope Boy Academy, un album en duo avec son acolyte de longue date Jeezy, mais également celui avec son pote Young Dro baptisé Sophisticated Excellence – sans oublier The Man and the Martian, son disque inespéré avec B.o.B., et The Lady Killers, sa galette cuisinée avec le chanteur Trey Songz. Reste à voir désormais lesquels il choisira de sortir.
La seule chose dont nous sommes sûrs, c’est que son ultime solo s’appellera Kill the King. Un ultime son qui devrait permettre au King of the South de sortir par la grande porte, avant de partir pour de nouvelles aventures et faire pleinement valoir son engagement pour sa communauté.