Stevie Wonder est un génie de la soul mais est aussi connu pour être le premier geek technologique de son style musical. Toujours friand de nouvelles technologies, le chanteur-compositeur a notamment beaucoup travaillé dans ce sens avec le designer et producteur anglais Malcolm Cecil, qui nous a quittés le 28 mars 2021 à 84 ans. Stevie Wonder et Malcolm Cecil avaient ainsi trouvé ensemble le son des années 1970, entre analogique et synthétiseur, sur les albums mythiques Music of My Mind et Talking Book.
Publicité
Stevie Wonder est découvert très jeune par Berry Gordy, qui en fera le fer de lance de Tamla, une division de son label mastodonte Motown, où il fera toute sa carrière. Quand “Little” Stevie sort son premier hit, il n’a que 13 ans, faisant de lui le plus jeune artiste à se placer dans le Billboard américain.
Publicité
Mais c’est surtout dans les années 1970, alors qu’il a une vingtaine d’années, que Stevie Wonder développe un style musical qui lui est propre, une évolution moderne de la soul et du rhythm and blues. Cette étape complètement nouvelle est surtout marquée par une utilisation massive de technologie alors balbutiante. Stevie va en faire sa plus grande force, tester de nouveaux instruments synthétiques ou électroniques pour en sortir la musique qu’il a dans la tête.
Dans une interview donnée au magazine Popular Science en 2009, Stevie exprime son attirance pour la technologie dans la musique : “Ce qui a toujours été intéressant pour moi, c’est de trouver des façons différentes de faire les choses, ouvrir des approches nouvelles sur une idée musicale. Parce que pour moi, les instruments de musique, les synthétiseurs, les machines sont comme des pinceaux ou des couleurs différentes qu’un artiste peut utiliser sur sa toile.”
Publicité
Vers l’au-delà et l’infini technologique
Étant aveugle quasiment depuis sa naissance, Stevie a toujours appris à adopter les atouts réels de la technologie pour l’aider dans sa vie quotidienne. Et c’est cette appétence pour tous les nouveaux outils en général qui va lui offrir de nouvelles perspectives musicales dans sa période dite “classique”, qui commence en 1972 avec ses albums Music of my Mind puis Talking Book.
Publicité
Sur ce dernier apparaît sûrement un des plus gros tubes de Stevie : “Superstition”. Ce morceau est encore actuellement l’utilisation la plus folle d’un clavier électrique qui venait de sortir à cette époque, le Clavinet D6 de la marque allemande Hohner. À la base, ce morceau est composé pour le chanteur Jeff Beck avec une mélodie entièrement jouée en riff de guitare. En l’appliquant de cet orgue Clavinet de façon presque jazz et blues et en y ajoutant une basse jouée au synthétiseur Moog, Stevie Wonder crée un nouveau genre musical.
Ce style de piano électrique deviendra sa marque de fabrique et influencera de nombreux autres artistes dans les années 1970 comme Eddie Kendricks, Billy Preston ou même Bob Marley. En 1973 sur l’incroyable “Higher Ground”, Stevie ira encore plus loin en passant son Clavinet dans une pédale d’effet Mu-Tron III pour utiliser son jeu de piano comme une guitare électrique. Entre pop, soul et funk, Stevie Wonder devient l’artiste le plus influent du monde, notamment avec son double album signature Songs in the Key of Life.
Publicité
Passion Moog
Stevie Wonder a découvert le synthétiseur Moog en 1968 avec l’album Switched-On Bach de Wendy Carlos, qui reprenait alors des mélodies du grand compositeur allemand avec des synthétiseurs totalement expérimentaux développés par Robert Moog. Ces nouvelles sonorités vont totalement transformer sa vision de la musique, il va se les approprier et communiquer avec eux. Stevie parle à travers la machine. Et il sera un des premiers à utiliser le synthétiseur simplifié Mini-Moog pour une composition pop.
Publicité
Mais ce projet bizarre va taper dans l’oreille de Stevie, qui va les inviter aux sessions de studio de ses albums Music of my Mind et Talking Book, créant ce son si particulier à la fois expérimental et populaire.
En même temps, Malcolm Cecil développe son propre synthétiseur devenant émulateur et sampleur, le gigantesque TONTO (initiales pour “The Original New Timbral Orchestra”), que Stevie Wonder utilisera par petites touches.
Le TONTO influencera durablement la pop mondiale et on peut l’apercevoir dans le film Phantom of the Paradise de Brian De Palma. Mais aussi, derrière, Stevie avec Malcolm et Robert dans la superbe performance en studio de “Living for the City”, son tube de l’album Innervisions en 1973. Au même moment que Kraftwerk en Europe, Stevie Wonder va totalement adopter la révolution synthétique grâce à Malcolm Cecil.
Stevie Wonder, un geek toujours dans son temps
En 1979, l’album sous estimé Journey Through the Secret Life of Plants, composé pour accompagner le film documentaire du même nom, comporte la première utilisation de sampleur digital, le Computer Music Melodian, sur quasiment tous les titres. C’est aussi un des tout premiers albums enregistrés numériquement sur un 32 pistes, juste derrière Bop till You Drop de Ry Cooder sorti quelques mois avant.
Plus tard, Stevie Wonder sera aussi le premier geek à utiliser le séquenceur E-MU Emulator. Cette machine est souvent considérée comme le premier sampleur abordable, une référence dans la création de la house et de la techno au début des années 1980. Stevie Wonder en offre une performance exclusive pendant la célèbre convention Winter NAMM en 1981 et sera le tout premier acquéreur de la machine.
Ce clavier sampleur deviendra d’ailleurs pop en 1986 pour son utilisation dans le film La Folle Journée de Ferris Bueller, où Matthew Broderick s’en sert pour simuler sa maladie au téléphone.
Stevie Wonder a aussi été un des premiers à utiliser des boîtes à rythme dans ses compositions. Encore actuellement, il travaille avec des logiciels modernes comme Cubase ou Logic Pro et est toujours à l’affût d’une nouvelle création.
Pour résumer, Stevie Wonder est le premier geek pop qui influencera Pharrell Williams, Kanye West ou Tyler, the Creator. Stevie a rendu cool la bidouille.