La plateforme musicale, qui vient de licencier 173 salariés, n’a-t-elle vraiment plus que 80 jours à vivre ? Pour ses utilisateurs, pas de doute.
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Le 13 juillet, TechCrunch, probablement l’un des sites spécialisés les plus fiables concernant l’économie numérique, publiait une véritable bombe : SoundCloud, l’une des plateformes de partage de musique en ligne les plus populaires de la planète, alimentée par sa communauté – et l’un des derniers services musicaux entièrement gratuits du Web -, n’aurait plus que 80 jours à vivre. Une hypothèse basée sur les témoignages de plusieurs employés berlinois, présents lors d’une conférence vidéo générale entre la direction et les employés.
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Les deux fondateurs du site, Alex Ljung et Eric Walhorfss, auraient avoué à leurs salariés que l’entreprise, qui venait d’annoncer le licenciement de 40 % de son staff et la fermeture de deux bureaux à Londres et San Francisco, ne pourrait tenir financièrement que “jusqu’au quatrième trimestre [Q4, comme on dit dans le milieu]”. Le quatrième trimestre 2017 débute dans deux mois et demi, soit 80 jours. Contactée par TechCrunch pour clarification, l’entreprise s’est bornée à reprendre les éléments de langage utilisés par Alex Ljung à l’annonce des licenciements – en gros, “tout va bien, ne vous inquiétez pas” – en assurant qu’elle était “totalement financée pour le quatrième trimestre”… tout en admettant chercher de nouveaux investisseurs. Difficile, donc, de savoir réellement où en est SoundCloud financièrement. Les réactions d’employés anonymes recueillis par TechCrunch décrivent cependant une situation délétère dans l’entreprise, entre employés démissionnaires, licenciements en série et déprime généralisée.
Le plus grand disquaire indé du Web
Tout cela ne pourrait être qu’un feuilleton mélodramatique parmi d’autres dans la jungle darwinienne de l’économie numérique, où chaque jour charrie son lot de cadavres de start-ups. Mais SoundCloud tient une place à part dans nos cœurs : durant dix ans et avec 200 millions de dollars de levées de fonds, le service aura réuni 175 millions d’utilisateurs mensuels (même si, rappelle TechCrunch, le véritable chiffre se situe aujourd’hui probablement autour de 70 millions) pour former, collectivement, la plus grande collection de titres d’Internet. Et pas n’importe quels titres : remix, bootlegs non-officiels, live, DJ sets à l’arrache, podcasts de salon, EP autoproduits, maquettes dégueulasses, bref, toute la musique produite sans contrat. SoundCloud, c’est le grand marché aux puces du son, le disquaire indé du coin de la rue aux 120 millions de titres (le catalogue proposé dans la version gratuite, avec publicités). Quid de l’avenir de cette collection pharaonique si l’entreprise disparaît ? Personne ne le sait.
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Voilà pourquoi, dans les heures qui ont suivi la parution de l’article de TechCrunch, des milliers d’utilisateurs se sont rués sur le site pour télécharger, autant que possible, toutes les raretés introuvables ailleurs qui risqueraient de disparaître pour de bon en cas de faillite, en encourageant les autres, sur Twitter, à faire de même. Et même les artistes commencent à s’y mettre : le 14 juillet, Chance the Rapper annonçait sur Twitter qu’il “travaillait sur le truc de SoundCloud”, sans donner plus d’informations sur son plan génial pour sauver l’entreprise. L’espoir est donc encore de mise, malgré 44 millions de dollars de pertes en 2014 et 52 millions en 2015. Tout ce dont SoundCloud a besoin, c’est d’un repreneur, comme YouTube avec Google, ou d’une nouvelle stratégie pour parvenir à la rentabilité… sans tuer son modèle participatif. Quoi qu’il en soit, le site doit impérativement survivre, pour le bien de la création indépendante.