Ça vous arrive de replonger dans vos vieilles photos sur le Cloud ? Pas pour stalker vos ex, hein. Vraiment, juste comme ça, pour le kiffe. C’est ce que j’ai fait il y a encore deux semaines et là je retombe sur un screenshot datant de 2019, avec la programmation annuelle de Lollapalooza… qui avait pour tête d’affiche Billie Eilish. Pour sûr, je souhaitais déjà y aller à l’époque pour la demander en mariage (sorry Lana Del Rey, mon cœur est hélas très grand). Spoiler : c’est un acte manqué. Mais quatre années plus tard, j’ai eu l’occasion de me rattraper à Rock en Seine, où la chanteuse y faisait sa seule date en France – sans compter le Global Citizen, où elle n’a joué que trois petits titres et puis s’en va.
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J’arrive vers 19 heures et je sais déjà que je ne serai pas près de la scène, les fans de la première heure ayant dormi à Saint-Cloud. Je tente bien un petit bluff pour un accès VIP mais je ne suis plus la tchatcheuse d’autrefois : on me recale promptement. J’ai des amis dans la fosse normale, mais ils sont loin de la scène, vu mon 1,58 mètre, même les écrans géants me seront inaccessibles. Je tente alors de me faufiler au plus près du front row tel un serpent ou plutôt comme le bon rat que je suis. Criant à qui veut l’entendre que je dois faire du contenu (ce qui n’est pas faux, preuve en est avec ces lignes) et me dois d’être bien placée. Aussi audacieux cela puisse-t-il paraître, ça fonctionne. Malgré quelques réticences, beaucoup de gens me laissent passer. Il faut que dire le public de Billie Eilish est à son image : un peu bresom et en même temps très coloré, bon délire et surtout très qualitatif. À peine ai-je le temps de me poser entre deux personnes déjà au bord du malaise (spoiler numéro 2, il y en aura beaucoup, 30 degrés oblige) que le show commence.
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“Est-ce que vous me promettez de sauter avec moi ?”
Et c’est là où je te parle très personnellement, Billie. Peux-tu me rendre mon cœur, s’il te plaît ? Au gré des morceaux et des bops, l’artiste s’impose comme un monstre de vitalité et de charisme auquel je ne peux pas résister. On me drague ! Il faut dire que son catalogue, très musclé du haut de ses 21 ans, regorge de bangers qui prennent tout leur sens sur scène et pourrait facilement être séparé en deux parties, sans forcément songer à leur ordre chronologique d’apparition. D’un côté, les mélodies mélancoliques comme “Ocean Eyes” ou “I love you”, faites pour nous mettre les larmes, avec le frangin Finneas O’Connell jamais bien loin. Le pic de l’émotion étant évidemment sur le plus doux des bulldozers de la BO du film Barbie, aka “What Was I Made For?”. Mes yeux étaient secs ce soir-là, mais promis, intérieurement, je n’étais qu’un torrent de chagrin. D’un autre côté, des tracks plus propices aux bras en l’air et petits bonds maladroits. Et gare à celles et ceux avec un balai dans le postérieur (comme moi, quoi) qui n’osent pas trop jumper dans la foule. Billie Eilish herself nous l’implore : “Est-ce que vous me promettez de sauter avec moi ?” Je ne peux rien refuser à cette voix suave et à ses yeux océan et suis le mouvement, tant bien que mal. D’abord sur “You Should See Me in a Crown”, puis sur le plus rock “Therefore I Am” avant le très sous-coté “Oxytocin” qui m’a fait perdre environ un litre de sueur bien moite.
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Timidité et feu d’artifice
Dans la foule, les comas se poursuivent, les vigiles semblent débordés. Billie Eilish s’inquiète, fait une pause. Aussi hollywoodesque soit-elle devenue, la star garde une certaine humilité qui ne paraît pas marketing ou surjouée. “Si je le pouvais, je passerais un moment avec chacun d’entre vous, je vous prendrais dans mes bras.” Comme si l’envie manquait le moindre individu qui constitue le public, aussi conquis que moi ! L’aura de la jeune femme est irrésistible. En quelques années, elle a gagné en confiance, en aisance, ses mouvements sont fluides, sa voix toujours impeccable, aussi bien dans les graves que dans les aigus. De temps à autre, elle s’autorise même un mouvement un peu plus sensuel, voire carrément un coup de reins mimé avec amusement, comme un joli pied de nez à toutes ces personnes mal intentionnées qui n’ont de cesse de la sexualiser et d’espérer qu’elle privilégiera des vêtements moins amples. Comme si la largeur d’un habit empêchait quelqu’un d’être désirable… misère.
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Tant pis pour eux, tant mieux pour nous qui profitons de cette nouvelle Billie, à la fois mutine mais aussi très timide, incapable d’enchaîner sans rougir après avoir lâché un petit “je t’aime” dans la langue de Molière. On a checké et elle est Sagittaire. Ceci explique mieux cette énergie constante, explosive, cet amour des autres sincère et pas cringe, chose rare. Les deux derniers morceaux de la setlist forment un point culminant. “Bad Guy”, qu’on ne présente plus, nous met déjà un petit coup au cœur. “Happier Than Ever”, l’hymne de toute une nouvelle génération, nous fait carrément un massage cardiaque. C’est un feu d’artifice – littéralement – qui surplombe toute la fosse, hurlant tous ses poumons sur “Yo you made me hate this city”. Clap de fin, it’s a wrap comme on dit dans le jargon. Billie Eilish, elle, en profite pour échapper à la vigilance des vigiles et câliner les premiers rangs – elle est Sagittaire on vous dit, donc tactile ! Je n’aurais pas le mien, mais qu’importe. J’ai eu un eye contact (vite fait, je crois, bon, OK, en vrai, sûrement pas). Mais pour moi, c’est déjà beaucoup.