Comment vivre dans un monde où l’on sait qu’on ne dépassera jamais l’âge de 50 ans ? Cette question, Stefan ne se la pose plus depuis longtemps. Chaque jour, ce psychologue doit pourtant aider des dizaines d’enfants et d’adultes à envisager leur fin prochaine et surtout celle de leurs proches, parents, oncles ou tantes.
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En 2123, Budapest semble être le dernier bastion d’une humanité en péril. Sous un immense dôme de verre qui la protège de l’extérieur, la population survit tant bien que mal après une apocalypse climatique. Leur monde est asséché, dépourvu de végétation et extrêmement hostile. On y meurt en quelques jours, et le seul moyen qu’ont trouvé les Budapestois du XXIIe siècle pour assurer leur subsistance sous le dôme est de transformer leurs quinquagénaires en arbres.
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Lorsque Nora, la femme de Stefan, décide de se sacrifier prématurément, le jeune homme part en croisade contre le système qu’il a passé toute sa vie à défendre pour la sauver.
Avec ce premier long-métrage, attendu ce mercredi 24 avril dans les salles, le duo de réalisateurs hongrois Tibor Bánóczki et Sarolta Szabó frappe fort. Sky Dome 2123 est un petit bijou d’animation et de science-fiction. À plusieurs reprises, le film nous rappelle Mars Express, le long-métrage animé qui a marqué les cinéphiles français en 2023.
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“La priorité de l’humanité est sa survie, quoi qu’il en coûte”
Car oui, comme dans Mars Express, l’héritage de Philip K. Dick suinte dans chaque pore du Budapest futuriste imaginé dans Sky Dome 2123. Le long-métrage pose une question chère à l’auteur de Blade Runner : qu’est-ce qui fait de nous des humains ? Et surtout, à quels sacrifices est prête à se soumettre l’humanité pour assurer sa survie ? Dans le film, c’est presque une forme de cannibalisme. Les humains se sacrifient en devenant des arbres pour produire de la nourriture et de l’oxygène destinés à être consommés par les habitants du dôme. Le geste est quasiment religieux : l’humanité offre un sacrifice au ciel pour apaiser sa colère.
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La question est omniprésente : faut-il préserver l’humanité à tout prix ? Les habitants du dôme vivent en connaissant la date de leur mort et la vie y est sans saveur. Le gouvernement incite les gens à vivre vite, à faire des enfants tôt, pour espérer profiter des petits-enfants avant la mort, tout en les encourageant au suicide, puisque le cas de Nora prouve que toute transformation précoce est la bienvenue.
“La priorité de l’humanité est sa survie, quoi qu’il en coûte”, proclame un des personnages, mais quand on découvre le prix de cette survie, on en doute forcément et le duo de protagonistes aussi. Une séquence dans le laboratoire où l’on transforme les humains en arbres est saisissante. Le temps de quelques minutes, le drame se mue en épouvante, et la mutation des sacrifiés relève d’un body-horror aux visuels marquants. Une vraie terreur se dégage des visages mués en troncs et de celui du spectateur.
C’est une dystopie sous forme de fable écologique qui, de l’aveu des réalisateurs, était beaucoup moins improbable lorsqu’ils ont commencé à travailler sur les premières ébauches de scénario, en 2017. Aujourd’hui, une Terre desséchée par une apocalypse liée au dérèglement climatique semble plus plausible que jamais. Mais Sky Dome 2123 est avant tout une histoire d’amour, dont la thématique principale est le deuil. Il revêt de multiples aspects dans le film : celui de l’épouse, celui de leur enfant récemment décédé, mais surtout celui de l’espèce humaine, qui ne fait que retarder l’inéluctable en s’offrant en sacrifice.
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Une vie artificielle vaut-elle la peine d’être vécue ?
Pour imaginer ce monde futuriste, Tibor Bánóczki et Sarolta Szabó ont mêlé deux types d’animation. Les protagonistes sont créés en rotoscopie, c’est-à-dire qu’ils sont incarnés par de vrais comédiens, par-dessus lesquels les animateurs ont entièrement redessiné les scènes à la main, dans une animation 2D classique. Les décors, eux, sont des environnements réalistes, modélisés en 3D et inspirés de photographies. Cela donne l’impression qu’il s’agit de décors réels, filmés par une vraie caméra.
Dans le dossier de presse du long-métrage, les cinéastes expliquent qu’ils envisageaient Sky Dome 2123 comme une œuvre à mi-chemin entre l’animation et la prise de vues réelles. Cela fait sens avec la mise en scène. Le contraste entre les deux méthodes d’animation décuple l’impression de facticité de ce monde. Les personnages dessinés avec des traits bien visibles évoluent dans un environnement tout droit sorti d’un ordinateur, une belle manière de figurer cette dystopie où la ville est artificielle et où les divertissements populaires sont virtuels.
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Cette animation offre de nombreuses scènes visuellement époustouflantes. Sky Dome 2123 est bourré de scènes mémorables, surtout quand elles concernent le cœur de son récit : les arbres. Que ce soit la forêt artificielle d’où l’humanité tire son oxygène, ou la mise à feu d’un spécimen toxique, les arbres représentent à la fois l’espoir et la perte et sont systématiquement magnifiés. La rotoscopie permet également une plus forte immersion dans les émotions des personnages. L’animation est issue d’un véritable jeu d’acteur et cela se ressent, l’interprétation est subtile, précise, et la relation entre Stefan et Nora gagne en profondeur.
L’année 2024 est généreuse en films d’animation non anglophones de qualité. Après Le Royaume des abysses, La Jeune fille et les Paysans, ou encore They Shot the Piano Player, il n’est pas étonnant que Sky Dome 2123 ait fait son petit bout de chemin dans certains des plus grands festivals du monde, tant la proposition est originale. De la Berlinale au festival du film d’animation d’Annecy, en passant par celui du film fantastique de Strasbourg, où le premier film de Tibor Bánóczki et Sarolta Szabó a remporté le Méliès d’argent, ce dernier a su séduire son public.