“Si vous ne vous sentez pas bien les amis, ne restez pas tout seul” : on a discuté santé mentale avec Pomme

Publié le par Konbini,

On a posé une question simple à Pomme : "ça va ?".

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Pomme est passée chez Konbini, on lui a demandé, en vidéo, si ça allait. On a parlé longtemps, alors on a décidé de vous partager ce moment dans la longueur aussi, à l’écrit. L’album de Pomme, Consolation, est disponible sur toutes les plateformes.

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Konbini | Ça va Pomme ?

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Pomme | Ça va, comme je sors un album je suis anxieuse, mais franchement, ça va. En ce moment, je suis plutôt équilibrée.

Est-ce qu’il y a un moment ou tu t’es sentie moins bien ?

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Ah oui, il y a plein de moments où je me suis sentie moins bien. J’ai eu plein de grands moments d’anxiété. La dernière fois, c’est en septembre denier, quand j’ai terminé ma tournée et que j’ai complètement changé de rythme de vie et de pays. Je suis allée vivre quelques mois au Canada et je me souviens avoir été très, très anxieuse et très triste pendant des semaines. Je n’avais plus aucun repère, mon quotidien depuis cinq, six ans c’était la tournée et faire des albums. Et là, j’avais une espèce de temps indéfini ou je n’avais plus rien à faire. Une de mes plus grandes angoisses dans la vie, c’est le vide. Donc ça a été très compliqué, au début.

Tu t’en es rendu compte tout de suite, que ça n’allait pas ?

Pendant les premiers jours, je pense que j’étais en adaptation. Moi, je suis quelqu’un d’assez joyeuse, j’aime rire, je suis au quotidien assez légère et plutôt dans la joie. Et là, je trouvais que ça faisait plusieurs jours que j’étais un peu en bad et que je me disais qu’il y avait un truc qui clochait. Ça a donc été assez rapide, je ne suis pas quelqu’un qui reste dans des mauvais états. Je sais rapidement l’identifier, je suis quelqu’un d’assez joyful, globalement.

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Qu’est-ce que tu as essayé de faire pour aller mieux ?

Déjà, je suis tout de suite allée voir une psy, parce que je n’avais plus de psy depuis des années. Quand ça ne va pas du tout et que tu ne sais pas trop pourquoi, c’est ça qui est compliqué. Tu as l’impression qu’il y a 10 000 trucs différents qui te font de la peine. Une ou un psy c’est un peu la base, parce que tu peux parler avec une personne qui n’a aucun jugement. C’est une personne extérieure qui n’est pas ton ami, qui n’est pas de ta famille. Et tu peux dire plus facilement des choses qui sont difficiles à dire à ton entourage. Je sais que je suis incapable de parler de mes émotions à mon entourage, même à mes amis proches ou quand je suis en couple. Alors qu’aller voir une psy, pour moi, c’est vraiment comme si je parlais à une illustre inconnue.

Je pense que c’est un peu le même procédé que j’utilise dans mes chansons où je raconte des choses très intimes. Au final, je ne sais pas vraiment à qui je m’adresse donc ça ne me fait pas peur.

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Au début, je l’ai vue deux fois par semaine, ma psy, tellement j’étais en bad et ça m’a un peu sorti du caca, si je puis dire.

Est-ce que pendant cette période-là, il y a une œuvre qui t’a accompagnée, à laquelle tu t’es raccrochée ?

Je ne me souviens plus, mais je crois qu’à ce moment-là, je regardais Atypical, sur Netflix. Ça raconte l’histoire d’un jeune garçon autiste. Ça m’a fait trop de bien parce que c’était hyper feel good, et en même temps, instructif et beau aussi. Je pouvais me réveiller le matin et regarder cette série, alors que je ne suis pas trop quelqu’un qui regarde des séries. C’était donc à la fois une preuve que je n’étais pas hyper bien et, à la fois, quelque chose de très réconfortant, en fait.

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Cette période, elle a duré combien de temps ?

Au moins un mois et demi. Au début, je ne suis pas tout de suite allée voir une psy. Et dès que j’ai commencé à le faire, ça allait mieux. Alors, malheureusement, il y a un autre truc qui m’a aidée, mais qui est mon problème dans la vie. Dès que je me suis remise à travailler, je me suis de nouveau sentie bien et équilibrée, j’avais des perspectives. C’est vraiment le fait de ne rien faire qui est très, très compliqué pour moi et qui est ma source numéro un d’anxiété. Moi, j’ai une obsession de la productivité, de faire des choses qui ont du sens, de travailler pour arriver à un but. Donc dès que je n’ai plus rien à faire, ça m’angoisse énormément. Donc la psy, plus le fait que je me sois ensuite dirigée vers l’enregistrement de mon album, ça m’a permis d’aller mieux au bout d’un mois et demi.

Est-ce que tu trouves que l’industrie de la musique protège assez les artistes à ce niveau-là ?

Pas du tout, dans l’industrie de la musique on n’a pas d’horaire. On se trouve dans un rythme de vie qui n’a aucun sens. Il n’y a aucune limite de temps de travail.

Je me suis rendu compte récemment que personne de mon entourage professionnel ne pouvait avoir le rôle de la personne qui me ménage.

Parce qu’en fait, tout le monde veut arriver au même but, qui est que mon album soit vendu, que les gens viennent à mes concerts. Et pour arriver à ce but, plus on travaille, plus on fait de la promo, plus on est productif, plus on arrive vite à cet objectif. Tout le monde veut y arriver, même moi, mais du coup, personne n’a vraiment ce rôle de dire : “Là, tu ne feras pas de promo”.

Je crois que c’est difficile de se préserver d’un burn out et d’une anxiété professionnelle parce qu’il y a une pression de résultat qui est immense. Moi, je ne me suis jamais dit : “Ah, si jamais je me sens en burn out, je vais savoir vers qui me tourner dans l’industrie de la musique“. Ce ne sont pas des sujets qui sont des priorités pour les gens qui travaillent dans la musique, malheureusement.

C’est un métier artistique, mais c’est lié aussi à des résultats, comme n’importe quel métier marketing. Du coup, il y a aussi cette pression-là. Par exemple, quand on connaît un succès et que l’album d’après on n’en connaît plus. Tout d’un coup, l’attention qui est portée sur nous, elle change. Un concert devant 1 500 personnes c’est une énorme dose d’adrénaline et d’amour. Et après, on se retrouve seule et on est en mode : “Qui suis-je ?”. Il y a donc pas mal de choses au quotidien qui, dans l’industrie de la musique, sont un challenge pour la santé mentale. Tu es dans un rythme pas du tout sain. Moi, j’ai souvent l’impression de porter sur mes épaules le poids de l’univers entier. J’ai souvent cette impression que tout le monde attend quelque chose de moi. Alors que quelqu’un qui n’est pas connu a peut-être moins cette sensation-là, d’arriver quelque part et de se dire : “On attend quelque chose de moi”. C’est quand même propre à l’industrie de l’art.

Maintenant que tu as vécu un épisode comme celui-ci, est-ce que tu penses que tu es mieux protégée face à ce genre de risque ?

Non, je ne me sens pas forcément plus protégée parce que l’année dernière, c’était une perte de repères, et aussi le fait d’encaisser les deux années d’avant, parce que je n’avais jamais eu le temps de prendre du recul parce que j’avais un rythme anormal. Je ne suis pas du tout à l’abri de ça, par contre, j’ai les outils pour que si ça arrive, ça ne me fasse pas paniquer. Déjà, je continue à voir la psy. Même si je me sens super bien, mieux vaut avoir ta psy, et le jour où tu ne te sens pas bien, tu lui en parles. Moi, ça m’a pris un mois, déjà, de trouver une psy quand j’étais mal. Il y a donc tout ce temps-là que tu perds.

C’est bien que tu parles de psy parce que pour beaucoup, la psy, tu vas la voir quand tu es malade.

Bah non, pas du tout. Dans le même ordre d’idée, il y a aussi les médicaments pour la santé mentale, que tout le monde stigmatise. On a l’impression que c’est hyper grave de prendre des médicaments. Moi j’ai plein d’amis, très proches, qui prennent des médicaments pour se sentir mieux, parce que leur vie était invivable. Et à un moment donné, ça peut devenir une maladie, donc il faut s’en guérir. J’ai déjà entendu des discours où on dit que les médicaments c’est mauvais.

C’est hyper dangereux de penser ça. Il y a plein de gens qui en ont besoin parce qu’ils ont des troubles de santé mentaux, qui ne se règlent pas tout seuls.

Même si toi tu n’arrivais pas à te livrer à tes proches, est-ce que tu es quand même dans un environnement où la santé mentale c’est un sujet dont on peut parler ? Est-ce que tu as pu parler de ce que tu as vécu à ce moment-là ?

Oui, en fait, dans mes amis proches et dans ma vie intime, c’est un sujet dont on parle énormément. J’ai une de mes meilleures amies qui a un trouble borderline, qui est un trouble très compliqué à gérer. J’ai d’autres amis qui prennent des antidépresseurs. Globalement, c’est quand même un sujet dans ma génération et mon entourage amical qui est beaucoup plus facile à aborder. Après, c’est plus difficile d’en parler avec mes parents ou des gens d’autres milieux. Mais, en tout cas, dans mes amis proches, du milieu artistique, on en parle énormément. Moi, je me suis mise à en parler et à m’y intéresser depuis que je suis allée au Canada, parce que c’est beaucoup moins tabou là-bas, la santé mentale. Ça m’a aidée à déstigmatiser ma vision de la santé mentale.

On aimerait que ce genre d’interview puisse permettre à des gens qui ne vont pas bien, mais qui ne s’en rendent pas compte, de se dire “mince, moi aussi j’avais ça, mais je n’ai pas pu mettre les mots dessus”. Qu’est-ce que tu dirais à ces gens-là ?

Le premier conseil que je donnerais, c’est d’en parler à quelqu’un de confiance et de demander de l’aide. Le pire dans ces cas-là, c’est d’être tout seul et d’avoir l’impression que c’est sans issue. Je pense que parler, rien qu’à une personne de confiance, c’est déjà énorme. Ça peut juste permettre de se sentir moins seul et de voir quelles sont les solutions. En fait, ce n’est pas grave, ça arrive à tout le monde de se sentir mal. Ça n’existe pas de se sentir bien toute sa vie. Et c’est important de ne pas rester seul dans ces moments-là. Rester seul, ça veut juste dire subir et ça ne fera qu’empirer la situation. Alors que le fait de juste communiquer avec une personne, c’est, je pense, le début d’une solution.

Si vous ne vous sentez pas bien, les amis, ne restez pas tout seul.