Notre dernière rencontre avec Slimka remonte au mois de juin dernier. Entouré de ses potes, Di-Meh et Makala, le jeune Suisse donnait alors à La Maroquinerie le type de concert endiablé que seul le trio sait faire. Il y avait interprété des titres de No Bad, Vol. 1, son premier projet sorti quelques mois auparavant.
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Composé de 10 titres, l’EP offrait un bel aperçu de la large palette des goûts et des talents du jeune homme. Sans couleur dominante, passant d’atmosphères chill à d’autres plus énervées avec une spontanéité inimitable, il se voyait cohérent grâce à son incroyable énergie et son sens du groove.
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No Bad, Vol. 2, la continuité ?
Un an plus tard, c’est la suite que Slimka présente. Alors qu’on le rencontre pour en parler avec lui, on constate que le jeune homme a pas mal évolué, du moins physiquement. Fini les dreads, le Suisse s’est rasé le crâne et arbore désormais des tatouages sur le visage et des vêtements de marque. Toujours le même mais plus travaillé, à l’image de son nouveau projet, qu’il présentait lors de sa release party parisienne : “Je pense que l’EP se situe dans une même continuité que No Bad, Vol. 1, mais je pense aussi que c’est un level au-dessus. Les sons sont plus travaillés.”
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No Bad, Vol. 2 compte un morceau de plus que le précédent, mais conserve la même volonté de s’aventurer un peu partout, et peut-être ici plus loin. Slimka continue d’explorer des horizons musicaux assez larges sans se poser de limites, si ce n’est rassembler des morceaux aux sonorités ou aux couleurs plus ou moins similaires.
La première partie de ce deuxième volet, menée par le single “George de la Dew” − que Slimka a choisi de clipper d’un bleu assez froid − mise sur des sonorités trap, tandis que la seconde partie, introduite par le très littéral “Milieu”, se fait plus chaleureuse, chill et légèrement funk, et est imprégnée de la probable influence de Varnish La Piscine − lequel avait déjà apporté son groove dans plusieurs sons du dernier EP de Makala. Une sorte de sandwich musical qui se structure grâce à un pain de saturation, de reverb et de synthé, présent du début à la fin, qui apporte une touche de psychédélisme.
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Dans No Bad, Vol. 1, l’énergie dévastatrice et le flow intuitif de Slimka faisait passer les paroles au second plan. Le jeune rappeur pouvait bien écrire ce qu’il voulait, ce n’était pas forcément ce que l’on retenait. Le gros challenge de cette suite résidait donc en partie dans l’écriture. S’il reste une sorte de littéralité assumée (“On me dit : ‘T’es mignon comme un cookie’ en DM sur Instagram, franchement j’trouve ça cool”), on perçoit aussi un véritable effort pour construire des punchlines mémorables (“S/O séchoir”) :
“J’ai plus travaillé certaines phrases, c’est un peu plus recherché. Il y a un peu plus de punchlines dans ce projet. Il faut dire que moi, à la base, les punchlines, tous ces trucs-là, j’en ai rien à cirer. Pour moi, la punch, c’est comment tu vis ta musique, comment tu la racontes, si c’est réel ce que tu dis. C’est vraiment ce que j’ai essayé de travailler, encore plus que dans le premier.”
“Je n’ai pas peur de changer de flow”
Quand on écoute le projet, on est frappé par la facilité déconcertante avec laquelle le flow de Slimka glisse sur les différentes prods. Un sens du rythme dont il a parfaitement conscience : “Je crois que c’est automatique, j’ai ce feeling.”
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“J’ai plus de facilité pour ce qui est du flow”, avance-t-il lors d’une interview donnée à l’émission La Sauce sur OKLM Radio. Tour à tour furieux, calme ou mielleux, le jeune homme fait varier ses interprétations en fonction des prods, des moods, mais aussi des personnages qu’il incarne.
Comme beaucoup de rappeurs, Slimka est un féru de cinéma, il n’y a qu’à écouter les références dans ses morceaux ou jeter tout simplement un œil à sa tracklist pour le comprendre : “Fantasia”, “Fast & Furious”, “Wes Anderson”… Les clins d’œil pullulent. Comme ses potes Makala ou Varnish La Piscine, Slimka multiplie les alter ego − qu’il nomme George de la Dew et Diego. Dans l’ambiance fleur bleue de “Fantasia” (“Petite fleur, j’apprécie la couleur de ton cœur”), l’artiste se la joue lover transi et use d’un flow complètement niais, mais finit par le dynamiter.
“George, c’est quand je suis en mode foncedé de ouf, quand je mange des gros sandwichs. Diego, c’est le mec un peu plus clean. Ce sont les deux personnages que je me suis créés. Je ne me suis pas dit que j’allais créer deux perso, non, ça s’est fait automatiquement. En réalité, c’est plusieurs facettes de moi.”
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Il n’est donc pas étonnant de le voir faire l’acteur dans ses propres clips, passant de l’agent secret un peu bancal dans “Wes Anderson” au prince versaillais plutôt street dans “Diego”. Il nous confie d’ailleurs qu’il aimerait faire du cinéma, mais chaque chose en son temps.
“L’art du non-style”
Dans cet album schizophrène que le rappeur décrit lui-même comme “multicolore”, l’esprit d’équipe et la présence de son entourage viennent renforcer la structure du projet. Di-Meh, Makala et Varnish La Piscine sont présents sur trois featurings, et les dédicaces à la SuperWak sont constantes. En dehors des tournées, Slimka n’enregistre jamais sans ses camarades :
“Ils écoutent toujours ce que je produis. De toute façon, on est toujours au studio. On sait qui fait quoi, on écoute, et on se valide mutuellement. S’il y a des soucis, on se conseille, mais la plupart du temps, quand on fait des sons, c’est toujours cool. Enfin, je trouve que les sons de mon frère sont toujours bien. C’est vraiment sincère, et si le son me plaît, je vais le dire.”
Une vraie forteresse relationnelle qui lui permet de s’affranchir des doutes et des modes. Avec la validation de ses potes, il peut faire ce qu’il veut, et c’est là toute la recette du kid. Pour ce projet comme pour le précédent, Slimka a principalement fonctionné au feeling, qu’il s’agisse des featurings avec ses potes ou de celui avec Roméo Elvis : “Roméo, c’est un bon G. Je ne me suis pas posé la question une seule seconde. Je ne me suis même pas demandé qui je voulais en featuring.” Il procède de la même façon pour les prods ou le choix des titres :
“Je me suis posé au studio, j’ai écouté les sons, et j’ai choisi les 11 qui me frappaient le plus. Pas forcément en mode banger, mais ceux que je me prenais le plus, je les gardais. J’ai ma façon de réagir, quand je le prends, je le ressens vraiment.
Ces choix, ça se fait naturellement finalement. On sait ce qu’on veut. Tant que tu fais les trucs bien, que tu crois à ce que tu fais, ça marche. C’est ma façon de penser. Comme Makala le disait, c’est le style du non-style. C’est le style de pas avoir de style. On peut faire ce qu’on veut. Je peux faire ce que j’ai envie de faire si j’aime ce que je fais. Je ne vais pas me mettre des barrières en me disant : ‘Je vais faire tel ou tel style.’ Ce n’est même pas une question.”
Si Slimka est devenu maître dans l’art de faire confiance à son intuition et de ne pas trop se poser de questions, peut-être que les choses changeront pour son prochain album. Bien que nous n’y soyons pas encore, le jeune rappeur a déjà quelques convictions. Il sait déjà qu’il ne le nommera pas No Bad, Vol. 3, mais pas que :
“Pour les No Bad, j’ai peut-être pris peu de temps, mais pour les prochains projets, je prendrai plus mon temps, je vais peut-être plus réfléchir. Je vais essayer de donner une vraie couleur, alors que là, c’est vraiment multicolore.”
En attendant son troisième album, concentrons-nous sur le présent : No Bad, Vol. 2 est disponible depuis le 23 février et se trouve en écoute ci-dessous.