Samuel Theis, le réalisateur de Party Girl, du très délicat Petite Nature et acteur du succès Anatomie d’une chute, est accusé de viol par un technicien lors du tournage de son troisième long-métrage, Je le jure, un film sur la difficulté à faire justice, tourné l’été dernier dans la région de Metz.
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Selon le jeune homme de 27 ans, qui estime également avoir pu être drogué, ils auraient eu une relation sexuelle non consentie dans la nuit du 30 au 1er juillet lors d’une soirée privée dans l’appartement loué pour le cinéaste. Selon les informations de Télérama qui a enquêté sur l’affaire, le technicien a décidé de quitter le plateau et a ensuite porté plainte.
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Six ans après le début de #MeToo, le débat commence à imprégner le milieu très hermétique du cinéma français. Avenue B Productions, qui produit le film de Samuel Theis, sous l’initiative de sa productrice Caroline Bonmarchand, adhérente de la première heure au collectif féministe 50/50, a pris l’affaire très au sérieux.
Réalisateur confiné
Responsable légale de tous les incidents qui pourraient survenir sur le tournage, soirées compris, elle a confié le dossier à une structure spécialisée dans le droit social afin d’enquêter en interne sur l’affaire. Mais quinze jours de tournage restaient à mettre en boîte, ce qui n’aurait pas permis à l’enquête d’être bouclée. Un protocole inédit a donc été mis en place pour pouvoir finir le tournage tout en protégeant l’équipe le temps des investigations mais aussi protéger les intérêts financiers de la production. “On a cherché le plus petit dénominateur commun qui préserve chacun et n’entame ni la présomption d’innocence ni la possibilité de la culpabilité : un safe space a été aménagé”, a déclaré Caroline Bonmarchand à Libération qui a aussi enquêté sur ce dispositif.
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Le temps de terminer le tournage, Samuel Theis a donc été mis à l’écart, confiné en marge de son plateau. Il dirigeait ses comédiens en communiquant avec ses assistants par talkie-walkie avec l’interdiction de venir sur le plateau sans autorisation afin que les personnes qui refusent de le rencontrer puissent anticiper sa venue. En revanche, tous les membres de l’équipe avaient la possibilité d’aller le consulter directement en cas de besoin. Samuel Theis ne pouvait plus prendre ses repas à la cantine avec les équipes et a également été changé d’hôtel pour ne pas croiser ses collaborateurs. Le dernier jour de tournage, les séquences ont eu lieu en prison et le réalisateur a supervisé les scènes d’une cellule.
En plateau, le dispositif a divisé les employés. Dans les colonnes de Télérama, certains techniciens et comédiens l’ont jugé “disproportionné”, tandis que d’autres affirment qu’il a apporté un “soulagement” et “un sentiment de protection réparateur”. Pour Samuel Theis, qui conteste ces accusations, le protocole est injuste mais il a choisi de l’accepter pour pouvoir finir son film.
Ce dispositif mandaté en urgence est inédit dans le paysage cinématographique français, toujours en partie étanche à la libération de la parole sur les violences sexistes et sexuelles à l’œuvre dans le milieu mais aussi soumis à la politique du réalisateur-auteur, comme le souligne Télérama. Mais aux États-Unis par exemple, les mesures seraient beaucoup plus radicales. “Arrêt du tournage, séances avec des psychologues, des médiateurs : dès lors que des salariés étaient en souffrance, le projet [devient] secondaire”, a témoigné un technicien qui a été employé sur un tournage américain.
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Le film, qui avait trouvé un distributeur avant que l’affaire n’éclate, est actuellement en montage. L’enquête de son côté suit son cours.