Ce lundi, le DVM Show, une émission lancée sur Twitch il y a quelques mois et qui connaît un engouement chez les auditeur·rice·s rap en manque de formats live et originaux, a reçu cette invitée inattendue qui a suscité de vives réactions. Medja, le fondateur du média, l’annonçait sur X/Twitter quelques heures avant le live : “Ce soir DVM prend une autre dimension […], il y a un invité surprise, moi le premier, je n’y crois pas”. Effectivement, on ne l’aurait pas prédit.
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On a donc pu voir Rachida Dati, qui aurait, selon les dires de l’hôte, demandé à venir avec les invités prévus ce soir-là (Tayc et Dadju venus performer leurs titres collaboratifs), prendre part à cette ambiance festive dans le studio d’Aulnay-sous-Bois et danser aux côtés des artistes et de la grande équipe DVM Corp, visiblement tous très heureux de sa présence.
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Au-delà de produire une émission ambitieuse pour un genre musical souvent relayé au second plan, le succès de cette émission vient surtout du lien créé avec son public. Ce public rap qui se sent mis de côté ou qui estime manquer de représentations dans les médias, a plébiscité la proposition authentique du collectif. Le fameux “pour nous, par nous” qui peine à prendre une place médiatique solide semblait avoir trouvé ses nouveaux challengers.
Un tollé sur les réseaux sociaux
Si l’émission ne fait qu’accroître sa popularité et élargir son spectre en recevant de nombreux·ses artistes comme Freeze Corleone, Aya Nakamura ou Kaaris, la visite de l’ancienne conseillère de Nicolas Sarkozy a provoqué un tollé sur les réseaux sociaux. Une honte, de la déception, un scandale, c’est ce qu’on pouvait lire hier soir sur X/Twitter qui s’est enflammé et en a profité pour resituer qui est réellement Rachida Dati.
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On est notamment retombé sur une vidéo, datée de 2007 et fortement relayée, où Rachida Dati, alors porte-parole de Nicolas Sarkozy, blague en se présentant en tant que ministre de “la rénovation urbaine à coups de Karcher”. Malgré une nomination surprise à la Culture, c’est au ministère de la Justice que Rachida Dati a connu ses plus grandes heures, notamment avec une loi qui porte son nom, instaurant les “peines-planchers” et l’exclusion possible de “l’excuse de minorité” pour les récidivistes.
“Elle fait partie de la droite réactionnaire, cette droite raciste qui a criminalisé les jeunes de quartiers populaires, une droite qui nous a traités de racailles. Je fais partie d’une génération qui a écouté Tandem, qui était anti-sarkozyste. Le DVM, c’est des mecs d’Aulnay, du 93. Je pensais qu’on était tous d’accord là-dessus”, témoigne Mekolo Biligui, journaliste musicale interrogée aujourd’hui par Konbini.
“On vit une droitisation de la pensée, de la société”
Outre ce qu’on pourrait considérer comme un mauvais choix d’une équipe jeune, certain·e·s pensent qu’il faut y voir une problématique plus profonde : “On vit une droitisation de la pensée, de la société et naturellement, on voit toutes ses questions infusées dans le rap. Il y a une perméabilité et un auditoire prêt à accueillir ce discours, c’est la conséquence de la popularisation du rap à grande échelle”.
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La question de la responsabilité d’un média est alors posée. Rapidement interpellé par le public, Medja répondra à la suite du live : “C’est la ministre de la Culture, elle demande à venir dans une émission culturelle, on ne va pas dire non”. Et d’ajouter : “Elle est la bienvenue, elle revient quand elle veut, si on écoute les gens, faut qu’on reste enfermés, si vous voulez qu’on soit écoutés, le meilleur moyen, c’est qu’on discute”.
Cette position est largement commentée sur les réseaux sociaux depuis hier : “On n’a pas envie d’avoir ces responsabilités mais le fait est qu’elles existent, c’est ça d’être un adulte. Est-ce que dans le rap, on a voulu grandir ? Est-ce qu’on s’est responsabilisés ? Tout le monde n’est pas pertinent pour s’exprimer sur tous les sujets mais s’il y a une chose sur laquelle on peut se positionner, c’est le ‘cordon sanitaire’ et s’exprimer sur le fait que les idées de droite et d’extrême droite, c’est non”, affirme Mekolo.
Les retours évoquent également un problème de passation générationnelle sur ces sujets. “Je suis déçue de voir des rappeurs qui ont eu leur âge d’or dans les années 2000 ne pas dénoncer, ne pas s’exprimer. Dans ces situations, juste un tweet de Mac Tyer serait bienvenu. J’ai l’impression qu’ils sont de plus en plus bienveillants envers la nouvelle génération mais être le grand de quelqu’un, c’est aussi les gronder quand ils font des bêtises. Le rôle des aînés, c’est de nous pousser mais de nous dire aussi quand on se trompe.”
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