Loin de ce Vincennes au ciel grisâtre, c’est sur la pelouse de l’université de Middlebury, dans le Vermont, aux États-Unis, par un dimanche ensoleillé de 2005, que Xander Manshel et Alex Benepe, deux étudiants, ont “inventé” la version moldue du quidditch. Onze ans plus tard, l’initiative a pris une ampleur inespérée : institutionnalisée, avec des championnats, des fédérations et autres structures, la discipline compte plus de 300 équipes dans une vingtaine de pays différents.
Rien qu’en France, il y aurait environ 400 adhérents, la première délégation francophone ayant été montée à Nantes. Depuis, 30 équipes, dont 10 officielles ont vu le jour. Pour ce qui concerne les Titans, c’est une suite de malentendus au sein des Phénix, une autre formation parisienne, qui sera à l’origine de l’équipe menée par Albert.
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“Moi au départ, je fais du basket, comme beaucoup de gens ici. C’est un ami qui montait l’équipe et qui m’a demandé un coup de main. J’ai joué deux mois, puis l’entraîneur a eu un empêchement, je l’ai remplacé, et les choses n’ont jamais vraiment changé depuis. Il faut dire que c’est une lourde tâche, et je ne suis pas sûr que beaucoup de gens aient vraiment envie de s’en charger.”
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Chez les Titans, le système D prime sur la magie. De Harry Potter au château de Vincennes, il n’y a finalement qu’un pas : les trois cognards, lourds ballons en cuir volant et fonçant sur les joueurs, sont remplacés par des balles de dodgeball (balle au prisonnier) ; le souafle, servant à marquer des buts, est ici une balle de volley, et pour les balais, on retrouve une fois encore de longs morceaux de PVC. Pour Albert, c’est avant tout une question pratique :
“Des vrais balais de compétition à la Harry Potter, ça coûte assez cher. Vu la violence des plaquages et des arrêts, péter à chaque entraînement des balais à 60 euros l’unité alors que c’est le prix de mes crampons, ça serait compliqué.”
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Des règles de jeu tarabiscotées
Des libertés prises avec les romans
“Dans tout sport, tu as un handicap. Par exemple, pour le basket et le handball, c’est l’obligation de dribbler. Là, le fait d’avoir un balai t’oblige logiquement à le tenir, donc tout se passe quasiment avec une seule main. Ça rajoute un challenge vraiment intéressant.”
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“Il est où Harry ?”
Il est 16 heures, le vent se fait de plus en plus froid, et les Titans courent partout, s’envoient des balles, se font des passes d’un bout de terrain à l’autre, lèvent les mains, se plaquent, et crient. Assis côte à côte, avec un confrère du Parisien qui semble aussi perdu que moi, nous suivons ce match en nous posant pas mal de questions. Mais nous ne sommes pas les seuls.
Tout le long de l’entraînement, des dizaines de personnes – en couples, en famille ou entre amis – se rapprochent, intriguées par ce qu’elles voient sur cette friche d’herbe, et posent des questions. Parfois moqueuses, mais surtout pleines de curiosité, les questions qui reviennent le plus souvent concernent Harry Potter : “Il est où Harry? Vous êtes Gryffondor ? Bah, et vos balais, ils volent pas ?” Ce qui, personnellement, me fatigue au bout de quelques heures semble toujours autant amuser Amélie, qui joue d’habitude à Lyon.
“Les gens sont surpris par ce qu’ils voient, et certains sont même intéressés. Moi j’ai commencé comme ça ! J’étais curieuse, j’aimais Harry Potter, alors j’ai voulu regarder un match et j’ai été impressionnée par l’aspect sportif. J’ai voulu essayer et voilà où je suis maintenant [rires].”
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Amélie est loin d’être un cas unique mais, tous les joueurs ne sont pas des potterheads pour autant. Selon les dires d’Albert, on trouve de tout dans l’équipe : des fans de Harry Potter qui ont sauté le pas, des gens n’ayant aucune attache particulière à la saga mais qui ont vu dans le quidditch un nouveau sport d’endurance intéressant, et ceux qui se trouvent entre les deux. Albert admet même n’avoir jamais lu tous les bouquins.
“Ce n’est vraiment pas l’aspect fan qui prime, au contraire. Ici, on a des profs de sport, des coachs sportifs. Des gens qui aiment le sport. Pour te dire, je serais presque incapable de te dire qui est vraiment fan, parce qu’à un moment, on ne pense plus à ça.”