Quelques jours après avoir envahi l’Ukraine, les forces russes ont tiré des roquettes sur un musée abritant des peintures hautes en couleur de l’artiste ukrainienne Maria Prymatchenko, admirée par Pablo Picasso et Marc Chagall. Le bâtiment a brûlé mais les œuvres gaies de cette artiste, morte en 1997, ont survécu. Les habitant·e·s de la ville d’Ivankiv, dans le Nord de l’Ukraine, ont réussi à sauver ces peintures, faisant de cette artiste imaginative un symbole d’endurance et d’espoir.
Publicité
L’œuvre de Maria Prymatchenko, empreinte de lumière malgré une vie marquée par les difficultés, peut être appréciée à Varsovie, qui accueille aujourd’hui des milliers de réfugié·e·s de l’Ukraine voisine. L’exposition présente des dizaines de peintures à la gouache représentant la vie rurale et des créatures fantastiques dans un style enfantin avec des couleurs vives telles que des rose fluo, jaune tournesol et orange sanguine.
Publicité
“En plus d’être une peintre célèbre, Maria Prymatchenko est aussi un grand symbole de l’échec de la Russie dans sa tentative d’effacer l’identité et la culture ukrainiennes”, a déclaré Vitalii Bilyi, conseiller à l’ambassade d’Ukraine dans la capitale polonaise. “Et grâce à cette exposition, nous pouvons faire passer le message”, a-t-il dit à l’AFP à l’occasion de l’avant-première de l’exposition intitulée “Un tigre est entré dans le jardin”, qui se déroule jusqu’à fin juin au Musée d’art moderne de Varsovie.
Publicité
“Bouquet au soldat inconnu”
Maria Prymatchenko est née dans le village de Bolotnia en 1909 et, pendant les près de neuf décennies où elle a vécu, elle a survécu à la poliomyélite, à la grande famine (“Holodomor”) dans les années 1932 et 1933, aux deux Guerres mondiales – elle a perdu son mari au cours de la Seconde – et enfin à la catastrophe nucléaire de Tchernobyl. “Elle a fait preuve d’une grande force d’esprit et a peint toute sa vie. Les peintures, bien que colorées, montrent différents aspects de la vie et de la tragédie ukrainiennes”, a raconté Myroslava Keryk, la directrice de la fondation Ukrainian House, qui promeut la culture de son pays en Pologne. “Et ils donnent l’espoir de la victoire, que nous persévérerons et que la guerre se terminera”, a-t-elle confié à l’AFP.
Maria Prymatchenko associait aussi ses images d’animaux ou de la nature à de petits poèmes commentant la vie quotidienne. Ils étaient souvent truffés de fautes de grammaire en raison de son manque d’éducation, a souligné Myroslava Keryk. Une œuvre présente à l’exposition exprime une méditation sur la faim avec une représentation jaune et rose joyeuse d’un caprin et le titre Chère petite chèvre, as-tu mangé, as-tu bu ?. Une autre peinture sur papier fait apparaître des tulipes rose vif sur un fond sombre, avec une légende qui commence ainsi : “Un bouquet au Soldat inconnu. Honneur et gloire à vous, chers guerriers !”
Publicité
“Vivre comme les fleurs”
Ayant perdu son mari à la guerre, l’artiste a peint toute une série consacrée aux combattant·e·s, qui, plusieurs décennies plus tard, “a un message anti-guerre incroyablement actuel”, a relevé le cocommissaire Szymon Maliborski. “Ce sont des œuvres qui permettent à Prymatchenko, d’une part, d’éviter de représenter directement la guerre et, d’autre part, de montrer la lutte avec la perte, la mort d’un être cher”, a-t-il déclaré à l’AFP.
Publicité
Une peinture ensoleillée d’oiseaux bleus exotiques est contrebalancée par le poème suivant : “Quatre perroquets sont assis dans un cerisier et fredonnent. Les garçons partent à l’armée et les filles les accompagnent en leur souhaitant bonne chance.” Ce contraste entre optimisme et traumatisme est typique de l’artiste qui souhaitait que “les gens vivent comme les fleurs s’épanouissent”. Elle a souvent “mélangé le solennel et le comique, ajoutant une touche d’humour ou d’acceptation à ses critiques”, a expliqué Szymon Maliborski. “Il y a une sorte d’acceptation du monde et de volonté de le changer en même temps”, a encore dit le commissaire.