Clash des Titans : qui est le meilleur des Migos ?

Publié le par Aurélien Chapuis,

Alors que le trio vient de sortir Culture III, penchons-nous sur leurs atouts et faiblesses de chacun pour savoir qui est le boss.

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“Migos, c’est un seul rappeur, non ?” “De toute façon, ils chantent tous pareil.” “Tu sais lequel des trois rappe, là ? Moi, non.” Le trio Migos est sûrement un des plus difficiles à définir. Alors qu’ils ont influencé une grande partie du rap mondial actuel, nombreux sont ceux qui ne peuvent pas vraiment identifier Quavo, Offset et Takeoff, les trois rappeurs du groupe d’Atlanta.

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Pourtant, ils ont tous leurs atouts et leurs faiblesses, leurs caractéristiques et leurs différences. Après leur album commun Culture II, ils ont tous les trois choisi de sortir un album solo. Alors qu’ils se réunissent de nouveau pour un Culture III toujours dans le même esprit avec les éternels Drake, Future ou Justin Bieber, voici l’occasion rêvée de faire le point sur chaque membre du groupe et de les mettre un peu en compétition. Ainsi, avec quelques notes approximatives et un sens du détail aléatoire, définissons ensemble qui est le meilleur des Migos !

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Quavo

Musicalité : 9/10
Technique : 7/10
Vision : 4/10

Fun : 3/10

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Quavo a été le premier des Migos à se lancer en solo. Son album Quavo Huncho, sorti le 12 octobre 2018, était extrêmement attendu. Et pour cause : Quavo a toujours été le membre le plus en vue des Migos, souvent invité sur les grosses sorties pop et rap de ces dernières années.

Sa force réside dans son sens de la mélodie très aiguisé et ses gimmicks très courts qui restent en tête. Au sein du trio, Quavo s’occupe souvent des refrains et porte à lui seul nombre des succès des Migos. Ces derniers temps, il s’est même allié avec Travis Scott pour faire évoluer sa signature vocale. Avec leur album Huncho Jack, Jack Huncho, ils ont fini par créer une entité organique, quelque part entre leurs deux personnalités, une fusion dragonballesque.

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Depuis, plus rien n’est pareil : les ad libs quasi grégoriens, gonflés à la reverb de Travis Scott, se sont greffés à la formule de Quavo, et les attaques saccadées du chanteur des Migos squattent maintenant la vision de Travis.

Même si leur album commun était très loin d’être à la hauteur, il a servi de laboratoire pour parvenir d’un côté à Astroworld pour Travis Scott, grand shaker de références multicolores, et de l’autre côté à Quavo Huncho, premier solo au long cours de Quavo.

Et c’est là que le bât blesse. Si l’on doit comparer ces deux albums, sortis à quelques semaines d’intervalle, la différence est criante, tant dans l’ambition que la réalisation. Sur Astroworld, chaque morceau a son univers propre et ses multiples variations internes. Chaque invité a une direction, un but. Dans Quavo Huncho, tout est interchangeable, ou presque. Les premiers extraits, comme “Lamb Talk” ou “Workin Me”, semblent juste être des morceaux égarés de Culture II.

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Même quand Quavo réussit le défi de mixer Madonna et Cardi B sur “Champagne Rosé”, le résultat est mi-figue mi-raisin, sans réelle saveur et très frugal. L’alliance avec Kid Cudi est plus inspirée sur “Lost”, même si toujours caricaturale. Surtout qu’aucun titre vraiment puissant sort du lot, malgré la présence de 21 Savage, Drake ou Travis Scott justement. Chaque titre a l’air de partir dans toutes les directions, comme un poulet sans tête.

En dépit d’une réalisation inexistante, les qualités de Quavo sont décuplées sur ce premier album solo. Les mélodies sont faciles et reconnaissables entre toutes et le choix des productions, bien que paresseux, semble évident : tout est en place, comme dans une grande aventure Lego. Mais la magie manque. Même quand il retrouve ses deux acolytes, Offset et Takeoff, l’ennui se fait ressentir face à un schéma déjà bien rodé.

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Quavo Huncho ne fait pas le poids face aux autres grands albums sortis en 2018 – que ce soit Astroworld, mais aussi Invasion of Privacy de Cardi B, Scorpion de Drake, ou I am > I was de 21 Savage. En fait, presque tous les invités de Quavo ont sorti des albums plus compacts et inspirants que Quavo Huncho.

Le premier solo des Migos est un prolongement de Culture I et II, mais sans personnalisation et souffle supplémentaire. À l’image de sa pochette baroque reprenant les visages-natures mortes de Giuseppe Arcimboldo, Quavo Huncho a une ambition royale mais un arrière-goût rance. Comme du champagne rosé.

En bref : on s’est ennuyé à mort.

Takeoff

Musicalité : 7/10
Technique : 9/10
Vision : 5/10

Fun : 8/10

Takeoff, le plus jeune des Migos (par ailleurs neveu de Quavo et cousin d’Offset), est sûrement le moins identifié du trio. Pourtant, c’est à lui qu’on doit la plupart des meilleurs couplets de Migos, notamment l’emblématique intro de “T-Shirt”. Son débit est le plus impressionnant, créant une rythmique supplémentaire et hachurant les instrumentales par petites touches.

Concrètement, le flow que tout le monde associe à Migos, c’est celui de Takeoff : régulier, impressionnant et intact dans n’importe quelle situation. Étant le moins populaire des trois, Takeoff était donc moins attendu que Quavo ou Offset en solo. Si bien que quand il a débarqué sur la Lune avec son album The Last Rocket, en novembre 2018, le grand public n’était pas aux aguets. Mais comme son nom l’indique, il s’agissait d’envoyer “la dernière fusée”, celle que tout le monde omet mais qui peut aussi partir le plus loin.

Et de fait, le projet est parfaitement à sa place et fonctionne comme une sorte de visite spatiale qui commence sur Mars et se termine dans le sillage de Batman. Alors que Quavo a décliné à toutes les sauces son unique formule, Takeoff a pris les meilleurs atouts de ses deux acolytes pour les intégrer à ses morceaux, tous efficaces dès lors, et avec une identité plus marquée. Sur “Last Memory” ou “Lead the Wave”, on est sur du pur Migos, et le rappeur ne cherche pas la fulgurance à tout prix. Sur “I Remember”, Takeoff mange ses mots et marmonne pour rendre ses souvenirs aussi précis que vaporeux – un moment fort.

“Casper” est sûrement le morceau le plus emblématique de The Last Rocket. Avec ses triolets éclatants, Takeoff devient un fantôme sonore, hantant les inconscients avec ses mélodies accrocheuses. À côté de “Space Cadet” de Gunna et Metro Boomin, “Casper” est un superbe tube cotonneux. Il n’éclate jamais, mais on s’y sent bien, comme dans une bulle.

Mais ce qui rend vraiment l’album spécial, c’est sa fin, en particulier le morceau “Infatuation”. Ce duo avec le chanteur Dayytona Fox emporte Takeoff vers la funk galactique époque 80’s. Pas très éloigné du “Sexual Eruption” de Snoop, cet ovni coloré a donné une nouvelle orientation au flow strict du rappeur. C’est ce genre de petits détails qui rend l’album et la musique de Takeoff plus libérée et inspirante que celles de ses collègues.

En terminant avec le duo “Soul Plane” et “Bruce Wayne”, le rappeur ralentit encore sa cadence, laissant plus de rondeur à sa voix enveloppante. Au final, si Takeoff reste le talent caché du groupe, il est autant capable de prouesses techniques et d’idées farfelues que de réalisme désarmant.

The Last Rocket manque un peu d’ambition mais, avec quasiment aucun invité, il nous surprend là où l’album de Quavo nous avait laissé de marbre. Une petite défaite dans le milieu du rap, mais une grande victoire pour la dynastie Migos. 

En bref : on s’est bien marré.

Offset

Musicalité : 7/10
Technique : 8/10
Vision : 9/10

Fun : 6/10

L’album solo d’Offset, enfin, était peut-être le plus attendu, le rappeur étant réputé pour avoir les meilleurs textes, et donc les meilleures rimes du trio. Plus dur et profond, Offset a toujours été le plus sombre, et ce dès les premiers succès du groupe, alors qu’il séjournait en prison. Quelque part, Offset est un peu l’âme damnée de Migos : il est du même calibre que Gucci Mane ou Boosie, un bluesman moderne dont les semelles sont usées jusqu’à la corde. Le véritable Robert Johnson de cette génération.

Ironiquement, l’album solo d’Offset fut aussi attendu qu’en retard. Comme son titre l’indique, Father of 4, sorti le 22 février, aborde la paternité du rappeur et sa position dans notre société actuelle. Sur la pochette de l’album, on retrouve d’ailleurs ses quatre enfants, nés de quatre mères différentes, posant dans un décor venu tout droit de l’Égypte antique. Un premier album solo qui prend donc la forme d’un manifeste de père noir vivant dans l’Amérique d’aujourd’hui.

Ténébreux et contemplatif, l’univers du disque s’est aussi construit à travers des collaborations avec des stars comme Travis Scott, J. Cole, 21 Savage, Gunna ou Gucci Mane. En intro, on retrouve aussi Big Rube, l’un des piliers de la Dungeon Family, le crew légendaire d’Atlanta dont sont issus notamment OutKast, Goodie Mob, Killer Mike ou Future. Un discours de Big Rube en ouverture est toujours la marque d’un disque différent, une brèche temporelle vers la dynastie ATLienne.

En s’inscrivant dans leur lignée, Offset cherche à acquérir une stature plus grande et différente de celle des Migos. Stature qu’il confirme notamment grâce au morceau “North Star”, en featuring avec CeeLo Green, qui réunit la spiritualité un peu folle de Goodie Mob et le code de conduite des rues du nord d’Atlanta. Avec une structure en deux temps, ce morceau est assez révélateur de la réussite de Father of 4.

Quand Offset raconte des histoires très personnelles avec une voix d’outre-tombe, le résultat est au-delà des espérances. Sur “After Dark” ou “Don’t Lose Me”, ce mix entre blues nouvelle génération et ambition interstellaire fait mouche. C’est d’autant plus le cas sur le morceau à tiroirs “Red Room”, un véritable labyrinthe qui rappelle les visions hors du temps de Purple Haze dans la dernière saison de True Detective.

Malheureusement, l’album ne tient pas toujours sa ligne. Sur certains morceaux, comme “On Fleek” ou “Legacy”, Offset semble en roue libre, sans direction ou but. En proposant du Migos générique, il perd l’essence de son projet, même si au final ces sons risquent d’être les plus populaires. Souvent, les couplets sonnent comme des justifications à son statut de star ou ses égarements avec Cardi B. Fabriquées, ces affirmations tombent à plat, comme de la musique sans vie.

Pourtant, quand il parle de sa famille, de ses relations amoureuses ou de ses failles, Offset est imbattable, touchant et distant à la fois. Trop fourni mais réussi en bien des points, Father of 4 est un album en forme de dédale où on risque de se perdre encore longtemps.

En bref : ça fait réfléchir.

Pour conclure cette bataille de titans un peu vaine et sans réel fondement, disons surtout qu’il est difficile de dissocier Quavo, Takeoff et Offset. Pas parce qu’ils ne sont pas différents, mais parce qu’ils sont meilleurs ensemble. La seule vraie leçon qu’on peut tirer de leurs trois albums solos, c’est que leur alliance reste plus forte et qu’ils sont vraiment complémentaires sur leurs projets communs, les fameux Culture dont on attend maintenant le troisième volume.

Sur ces albums, les travers de chacun sont gommés par la force des autres et la musique s’en trouve bonifiée dans son ensemble. La musicalité hors norme de Quavo, la technique jouissive de Takeoff et la profondeur abyssale d’Offset : voici le tiercé gagnant de cette analyse.

En bref : Takeoff.