Que disait la dernière lettre inachevée (et déchirante) de Vincent van Gogh à son frère Théo, juste avant sa mort ?

Publié le par Donnia Ghezlane-Lala,

© Vincent van Gogh/Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais/Patrice Schmidt

"Mon cher frère, je voudrais bien t’écrire sur bien des choses mais j’en sens l’inutilité", commence la lettre.

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Le documentaire Van Gogh, deux mois et une éternité, réalisé par Anne Richard et disponible sur Arte, revient sur le rôle qu’a joué Johanna Bonger, l’épouse de Théo van Gogh, dans le succès du grand peintre néerlandais. Au-delà de détailler la détermination de Johanna Bonger pour faire aboutir la promesse qu’elle a faite à son mari avant qu’il ne succombe de la syphilis, “de tristesse et de surmenage”, le documentaire délivre des informations périphériques très intéressantes. Parmi celles-ci, la dernière lettre inachevée que Vincent van Gogh a écrite à son frère Théo, avant de tenter de se donner la mort et de succomber de ses blessures.

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On apprend d’abord qu’à l’enterrement du peintre néerlandais, certains de ses tableaux étaient disposés aux côtés du cercueil, comme Pietà, peint pour sa sœur Willemina, atteinte de démence ; ou encore La Ronde des prisonniers, dans lequel on peut reconnaître le peintre lui-même parmi les détenus. On raconte que le docteur Gachet, l’un de ses modèles et amis, est arrivé ce jour-là avec un grand bouquet de tournesols, des fleurs que le peintre appréciait tout particulièrement. Dans une lettre, on témoigne qu’il y avait “du jaune partout”, sa couleur fétiche. On apprend aussi que le curé du village avait refusé l’accès à l’église car le peintre était un suicidé damné.

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Enterré dans un coin ensoleillé, au milieu des champs de blé qu’il aimait tant peindre, Vincent van Gogh repose aujourd’hui paisiblement aux côtés de son frère Théo, mort six mois après lui. Théo l’a rejoint par exhumation (à la demande de sa femme Johanna Bonger) à Auvers-sur-Oise après avoir été d’abord enterré dans un cimetière néerlandais. Quelques mois avant sa mort, Théo s’est donc occupé de l’enterrement de son propre frère, et c’est en visitant son domicile qu’il a retrouvé une dernière lettre inachevée, et déchirante, qui lui était adressée. Elle disait :

“Mon cher frère, je voudrais bien t’écrire sur bien des choses mais j’en sens l’inutilité. Et bien, vraiment, nous ne pouvons faire parler que nos tableaux, car là où nous en sommes, et c’est là le principal que je puisse avoir à te dire dans un moment de crise relative, dans un moment où les choses sont fort tendues entre le marchand de tableaux d’artistes morts et d’artistes vivants. Et bien, mon travail à moi, j’y risque ma vie, et ma raison y a fondrée à moitié, mais tu n’es pas dans les marchands d’hommes, pour autant que je sache, et puisse prendre parti. Je te trouve agissant réellement avec humanité mais que veux-tu”

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La lettre s’arrête là, d’un coup sec, après ces mots, “que veux-tu”, sans point d’interrogation, sans ponctuation finale, sans notes et brouillons. Il y parle de “crise relative”, et pourtant, il décidera de se suicider immédiatement après. Il évoque aussi des choses […] fort tendues entre le marchand de tableaux d’artistes morts et d’artistes vivants” : on sait que Théo était un marchand d’art et qu’il a tenté de vendre les œuvres de son frère toute sa vie. Peut-être que Vincent van Gogh savait déjà, à ce moment-là, qu’il glissait dans le monde des “artistes morts”, et que la nouvelle tâche de son frère serait de le vendre en tant qu’artiste désormais mort, et non plus vivant. On peut imaginer qu’après avoir écrit ces dernières lignes, Vincent van Gogh s’est dirigé dans ce champ où il s’est tiré une balle dans la poitrine, en laissant une dernière toile derrière lui : des Racines d’arbres.

Si vous voulez voir les dernières œuvres de Vincent van Gogh en vrai, rendez-vous au musée d’Orsay jusqu’au 4 février 2024.