Depuis le 17 février, le Palais de Tokyo présente dans ses espaces “Exposé·es”, une exposition qui s’interroge sur l’impact que l’épidémie du VIH a eu sur une génération d’artistes frappé·e·s directement ou non par ce fléau, “ce qu’elle a changé dans les consciences, dans la société, dans la création”. Le sida est abordé ici “non pas comme un sujet, mais comme grille de lecture pour reconsidérer un grand nombre de pratiques artistiques exposées à l’épidémie. La beauté vient comme recours face aux conséquences politiques et sociales des pandémies qui se superposent”, détaille le communiqué de presse.
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Jusqu’au 14 mai 2023, des projets touchants, intimes ou conceptuels sont mis à l’honneur et répondent de près ou de loin à l’ouvrage d’Élisabeth Lebovici, Ce que le sida m’a fait. Art et activisme à la fin du XXe siècle (2017). “À l’opposé d’une commémoration, l’exposition brouille les temporalités, et porte un discours au présent, en demandant à des artistes d’interroger depuis aujourd’hui leur histoire et ce qui leur a été transmis du siècle passé.” Parmi ces projets, on retrouve une performance forte de Zoe Leonard. Focus.
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Le male gaze ? À la cave !
En 1992, Zoe Leonard frappe fort lors du festival documenta XI, à la Neue Galerie de Kassel, en Allemagne, où étaient exposées les collections classiques et romantiques du musée qui, pour la plupart, représentaient des hommes. Pour sa performance Untitled, l’artiste états-unienne était intervenue dans cinq salles du musée pour retirer “des tableaux au sein desquels la masculinité se faisait la plus triomphante”, rapporte le Palais de Tokyo qui a remis en jeu son installation à travers le récit d’archives Art History, spécialement composé pour “Exposé·es”.
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À la place de ces mâles, elle affichait des photographies frontales, en noir et blanc et sans cadre, révélant les vulves zoomées de ses amies et amantes, façon L’Origine du monde. “Cette double opération de soustraction et de substitution avait pour effet de rendre visible le canon patriarcal du musée, tout en offrant une chorégraphie de regards et de désirs entre les corps féminins figurés et les visiteur·rice·s”, complète le Palais.
Seules les peintures où les femmes étaient le sujet central étaient autorisées à rester accrochées, nous informe la plateforme Aware. Au moment où elle réalisait cette performance photographique qui inversait “le genre des représentations muséales et le point de vue de l’hétérosexualité”, Zoe Leonard faisait culminer son art sur la scène internationale.
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Connue pour ses travaux engagés dans la lutte contre le sida (comme Strange Fruit (for David)), elle qui a vu un bon nombre de ses ami·e·s frappé·e·s par le virus, l’artiste lesbienne et féministe interroge ici le male gaze, le manque flagrant d’artistes femmes au sein des collections institutionnelles, mais aussi les représentations picturales réservées aux femmes, souvent dominées et relayées au second plan.
À propos de sa démarche artistique, Leonard a expliqué qu’elle étudiait toujours la relation entre le public et le monde : “Plutôt que n’importe quel sujet ou genre (paysage, portrait, nature morte, etc.), j’étais et je suis toujours engagée dans une réflexion simultanée sur le sujet et son point d’observation, la relation entre le spectateur et le monde — en bref, la subjectivité et comment celle-ci influence notre expérience du monde.”