En presque cinquante ans de hip-hop, nombreux ont été les rappeurs (dont Nas, MF Doom ou Big Pun) à se revendiquer du prestigieux Prix Pultizer, dans leurs morceaux ou leurs interviews. Ce lundi 16 avril, c’est finalement Kendrick Lamar qui est entré dans l’histoire, là où tous avaient échoué. Car la prouesse est bien là. Non content d’avoir obtenu cette récompense face à deux grands de la musique (Michael Gilbertson et Ted Hearne), le prodige de Compton est le premier rappeur (et même le premier artiste dit “populaire”) à y parvenir.
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Concernant son dernier album, DAMN., le jury du prix est formel : il s’agit “d’une composition musicale éminente de taille significative par un Américain. Une collection de titres emplis de virtuosité, unis par l’authenticité de son langage et une dynamique de rythmes qui offrent des images marquantes, immortalisant la complexité de la vie moderne de la communauté Afro-Américaine”. En somme, une bien belle définition de l’œuvre de l’artiste.
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Grâce à son talent au micro et à la force de son storytelling, Kendrick a su faire de DAMN. un véritable chef-d’œuvre. Mais voyons plus grand et regardons plus loin : ce prix n’est-il pas le symbole d’un nouveau cap pour le rap ?
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Kendrick sur le toit du monde
À l’aube des années 2000, Eminem participait à la popularisation du rap. Presque vingt ans plus tard, Kendrick Lamar Duckworth vient de lui donner ses lettres de noblesse. Aujourd’hui, l’artiste domine non seulement les charts mais aussi les esprits. Que l’on jette la première pierre à celui qui niera que Kendrick est actuellement la plus grande star du rap. Sa visite à la Maison-Blanche, sous la présidence de Barack Obama, avait déjà consacré son statut d’acteur culturel de premier plan.
Ce prix historique, plus qu’un énième succès personnel pour l’artiste, représente une victoire décisive pour le hip-hop dans son éternel combat pour sa légitimité institutionnelle. En outre, l’engagement politique de Kendrick a un rôle à jouer dans les heures sombres que traversent les Afro-Américains aux États-Unis. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que son morceau “Alright”, extrait de l’album To Pimp a Butterfly, est devenu l’un des hymnes du mouvement Black Lives Matter, lors des manifestations de Cleveland contre les violences policières, en 2015.
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Une victoire pour le rap
N’oublions pas non plus que Kendrick, maintenant couronné par l’institution Pulitzer, pourrait permettre au genre musical le plus écouté au monde d’élargir encore plus ses horizons. Le hip-hop pourrait ainsi gagner en légitimité auprès de tranches de la population américaine qui le connaissaient mal auparavant (voire y étaient hostiles). Quelle sera la prochaine étape pour le rappeur ? Enseigner à Harvard ? Se lancer en politique ? Les paris sont ouverts.
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Déjà l’année dernière, l’intronisation de Jay Z par Obama au Songwriters Hall of Fame (le panthéon des auteurs de chansons) envoyait un message au monde entier. Le président de Warner Chappell Music, Jon Platt, avait alors déclaré : “À tous les auteurs et artistes de notre communauté et de notre génération, Jay veut que vous sachiez que cette introduction est un signe que votre temps est venu, que votre heure c’est maintenant.”
Le temps où le rap était discriminé semble être révolu. Ses mots et ses histoires ont le pouvoir de transformer le monde, de bousculer les hiérarchies et les hégémonies, et d’influencer durablement et profondément la société. Les artistes, quoi qu’on en dise, aident à construire notre monde et le rap n’a pas fini de s’imposer. Une révolution douce est en marche et Kendrick en est incontestablement le leader.
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