Après Marie-Antoinette en 2006, la réalisatrice Sofia Coppola truste la compétition cannoise pour la seconde fois de sa carrière. Les Proies, son nouvel opus, séduit surtout grâce à l’incroyable prestation de Nicole Kidman.
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Souvenez-vous… En 1971, le cinéaste Don Siegel s’emparait du roman Les Proies de Thomas P. Cullinan, plongeant Clint Eastwood dans un pensionnat sudiste pour jeunes filles. Une cinquantaine d’années plus tard, c’est au tour de Sofia Coppola de se frotter à ce récit 100 % girl power. Si l’histoire reste globalement similaire à celle de l’œuvre originelle, malgré les rumeurs laissant croire que la réalisatrice s’en était émancipée, il y a dans cette nouvelle relecture une douceur particulièrement féroce. Et c’est au creux de cet oxymore assez déroutant que la version 2017 cocoone sa singularité bienvenue.
L’intrigue se déroule toujours au crépuscule de la guerre de Sécession, au cœur d’une Amérique blessée dans sa chair. Là, à la lisière d’une nature sublime, où les rayons du soleil se faufilent divinement entre les arbres, une adolescente chante. L’image renvoie d’emblée à l’innocence, à la pureté : se balader, fredonner un air de comptine au rythme des stridulations environnantes… Soudainement, au détour d’une cueillette de champignons, un soldat nordiste blessé au front fait son apparition. Du haut de ses 12 ans, la gamine tressaille avant de proposer son aide à l’éclopé.
Un jeu tout en subtilités
Quasi inconscient, le caporal John McBurney (Colin Farrell) se retrouve ainsi dans un internat tenu par la secrète et austère Miss Martha (Nicole Kidman). Qui habite cette grande demeure ? Pas plus de six filles, d’âges différents, diaphanes. L’arrivée de cet homme du camp ennemi va dès lors semer le trouble le plus total dans un pernicieux goutte-à-goutte. C’est le début d’un réveil collectif et individuel. Corsetée, voire littéralement lyophilisée, la sexualité des unes et des autres émerge. Les attitudes changent, les habitudes aussi : Edwina (Kirsten Dunst) ressort cette broche qu’elle ne porte que pour Noël, tandis qu’Alicia (Elle Fanning) mesure le moindre de ses gestes aguicheurs et aiguise son sens de l’humour. Fascination, séduction et tutti quanti.
Sofia Coppola filme le mystère et la solitude de ce clan féminin avec l’élégance qu’on lui connaît. La photographie impeccable de Philippe Le Sourd sied parfaitement à son univers, apportant un cachet immédiat à l’atmosphère du long-métrage. De quoi permettre au spectateur de s’immiscer sans mal dans l’intimité des décors feutrés et de saisir, grâce au regard de la cinéaste, tous les petits mouvements qui, infailliblement, mèneront à l’implosion, à un nouvel ordre : celui de la chute du patriarcat, celui d’un monde où les femmes rusent et prennent le pouvoir. Nicole Kidman, qui n’a pas été aussi convaincante depuis des lustres, retrouve sa brillance dans une économie jouissive de gestes et de mots. Tout est dans le regard et le sourire en coin. Absolument tout. Pour autant, son interprétation ne masque pas les quelques déceptions qui affleurent. Il aurait effectivement fallu bien plus de transgression, de tension et d’ambiguïté pour que Les Proies soient une pleine réussite. En l’état, c’est une œuvre très honnête. Ni plus ni moins.
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