Plus important que jamais, Princesse Mononoké fête aujourd’hui ses 22 ans

Publié le par Eléna Pougin,

Le film d'Hayao Miyazaki résonne plus encore qu'à sa sortie.

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Quand Hayao Miyazaki sort le film d’animation Princesse Mononoké le 12 juillet 1997, les réactions sont déjà impressionnantes. Très vite, le film devient un grand succès commercial et propulse le Studio Ghibli parmi les plus grands studios de réalisation au monde. Pour autant, le conte mystique n’a rien d’anodin. Miyazaki y prend des positions qu’il conservera durant tout le reste de sa carrière, à savoir le respect de l’environnement et l’égalité entre les hommes et les femmes. Deux dominantes avant-gardistes pour l’époque, mais qui en 2019 prennent tout leur sens.

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Oui, car Hayao Miyazaki était un grand précurseur. Et ses dessins animés font aujourd’hui écho dans l’esprit de toute une génération, pour qui ils ont marqué l’enfance. Ceux-ci ont mûri dans l’imaginaire collectif, et sont devenus pour ces jeunes adultes, des clés de compréhension face aux principaux défis que le monde connaît. 

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Une dimension écologique

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Aujourd’hui, la lutte entre les activités humaines et la préservation de la faune et de la flore s’est d’autant plus exacerbée. Jusqu’à atteindre un point critique, voire fatal : certains, comme Greta Thunberg, s’inquiètent et tentent à coups de pétitions, vidéos et protestations dans les rues de rétablir l’équilibre entre la nature et les hommes. Mais d’autres, à l’image de Donald Trump, qui se retirait de la COP21 en 2017 en dépit de l’urgence climatique, ne semblent se soucier que très peu du bien-être des animaux et de l’avenir de la planète. 

22 ans après le constat alarmant dressé par l’illustre réalisateur japonais dans Princesse Mononoké, l’humanité ne semble pas encore prête à se mettre d’accord pour agir afin de préserver la Terre. Pour autant, sur cet équilibre repose aussi l’avenir des hommes, pour qui le réchauffement climatique aurait, et a déjà, des conséquences dévastatrices. 

Dès lors, regarder Princesse Mononoké a une portée bien plus importante en 2019. Le récit conté par Miyazaki est en effet un véritable cercle vicieux. Un jeune prince d’un village japonais reçoit la malédiction d’un sanglier en le tuant parce que celui-ci voulait détruire son village. Lorsqu’il part à la recherche de l’origine de la miséricorde qui s’abat sur son village, le prince découvre le village des forges, et comprend que c’est une invention humaine, celle de la balle d’une arme, qui est responsable de la souffrance qui a amené le sanglier à attaquer le village.

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Le film montre comment les hommes, face à la menace, doivent apprendre à vivre aux côtés de la nature et non pas contre elle. C’est dans ce chaos qu’émerge la princesse Mononoké, personnage élevé par des loups, qui tente de rendre justice à ses amis les animaux. Initiatique, shintoïste et égalitaire, Princesse Mononoké offre une belle leçon sur l’acceptation de l’autre, de sa différence, tout en montrant que pour vivre en harmonie, la compréhension entre les êtres est indispensable.

Féministe

Profondément féministe, le film dépeint un monde matriarcal dans lequel les femmes possèdent les postes à responsabilité tandis que les hommes sont présentés comme plus naïfs, moins robustes. Avec le personnage de Dame Eboshi, qui forme les femmes à devenir plus fortes, Hayao Miyazaki renonce à une vision patriarcale que 22 années n’auront pas suffi à déconstruire.

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Loin d’insinuer que les femmes vaudraient mieux que les hommes, le cinéaste montre surtout que la suprématie des hommes dans notre société est une construction sociale, et non pas biologique. Il rappelle que d’autres contrées ont choisi de mettre davantage les femmes en avant, mais aussi et surtout qu’elles seraient tout aussi capables que les hommes si on leur laissait la chance de le montrer. Un parti pris révolutionnaire sur les rapports humains, qui prend une tout autre dimension dans l’après #Metoo.

Et humaine

© Studios Ghibli

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Cette image de la femme forte fait écho au reste du film, surtout axé sur l’hyper puissance injustifiée de l’homme sur les autres entités de la planète. Princesse Mononoké amène à réfléchir sur nos rapports avec l’environnement, et présente un monde dans lequel la nature est en guerre avec l’homme et ses industries. Mieux encore, il propose une solution, celle d’instaurer un monde où les libertés des hommes ne surpasseraient pas celles du reste de la planète. 

Déjà en juin, les chercheurs de l’université d’Alaska à Fairbanks annonçaient que le Groenland pourrait bien être privé de toute sa glace d’ici la fin du millénaire. Dans un pareil contexte, difficile de ne pas se rappeler de cette mise en garde laissée par Miyazaki au début des années 2000 avec Princesse Mononoké. Tout au moins, le regarder aujourd’hui serait une piqûre de rappel inquiétante, mais peut-être aussi nécessaire. Pour le respect de la nature, comme pour celui des hommes.

L’héritage laissé par Miyazaki pourrait aussi, dans une certaine mesure, rappeler la lutte entre certaines ethnies. Dans le sens où le film promeut l’acceptation et la compréhension, il incite en effet à réfléchir sur la crise migratoire tout comme sur le racisme. Pas à pas, le prince du dessin animé s’ouvre au monde et s’efforce tant bien que mal de comprendre que lui et son peuple pourraient être heureux tout en laissant la nature s’exprimer pleinement. Sans la contraindre. Bref, Princesse Mononoké est une œuvre politique, qui laisse croire qu’un monde où tous parviendraient à vivre en communauté est possible. En respectant les besoins de chacun.