Arnaud Khayadjanian est un réalisateur français de 28 ans. Il dévoile aujourd’hui Bad Girl, un court métrage qui souligne avec esthétisme et justesse le vide que peuvent ressentir les filles jugées trop belles, trop séduisantes. Moteur.
En 1971, le chanteur de soul américain Lee Moses dévoilait son premier et unique album, Time and Place. Si ce dernier s’avère être un magnifique disque, et un trésor pour les diggers de vinyles, il n’empêche qu’à l’époque, il fut un échec commercial. Aujourd’hui, Lee Moses, qui nous a quitté en 1997, est principalement connu pour un titre : “Bad Girl”.
À travers l’une des plus tristes chansons d’amour que l’industrie musicale ait fait naître, Lee Moses et sa voix déchirante content l’histoire d’une femme fatale des années 60. Une femme qui brise les cœurs, une femme méprisée pour son manque de morale. Le chanteur américain tente de la défendre, arguant qu’elle souhaite simplement être libre, et que “un de ces jours, le monde entier comprendra” (“one of these days, the whole world will understand“).
Près de cinquante ans se sont écoulées depuis que Lee Moses a écrit ce chef-d’œuvre, et depuis, la perception et la place de la femme dans nos sociétés ont considérablement évolué.
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Un film sur la bad girl des temps modernes
Mais en 2015, à Paris, à des kilomètres du New York des 60’s, des millers de filles sont encore victimes d’a-priori absurdes et dépassés. Face à cette situation, le réalisateur français Arnaud Khayadjanian tente une nouvelle fois de briser les préjugés avec un magnifique court métrage : Bad Girl.
Pour parler de cet éternel sujet, Arnaud Khayadjanian utilise une esthétique léchée, modernisée à l’extrême. Incarné par l’exquise Mathilde Roux, la bad girl contemporaine a les cheveux bleus, porte une mini jupe en plastique rose, une petite culotte marquée d’un immense et ironique “#SWAG” et ère dans les rues du quartier de Château d’Eau, telle un fantôme.
Surtout, la bad girl est jolie, elle a 17 ans et elle souffre d’un des maux de notre siècle : elle est physiquement trop séduisante. Disons-le ainsi : elle est trop sexy. Cet inconfort peut facilement être moqué, y compris par le propre réalisateur du court métrage :
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Il y a deux ans, à Amsterdam, je suis allé voir le film Jeune et Jolie de François Ozon, avec une copine. À la sortie de la séance, je lui lâche une pauvre réflexion du genre : “C’est pas un peu surfait ces filles qui souffrent d’être trop belles ?“. Et là, ma copine a fondu en larmes.
Le long métrage de François Ozon, qui parle de la prostitution chez une adolescente, rappelle en quelque sorte le Bad Girl d’Arnaud Khayadjanian. Marine Vatch, qui a le rôle principal dans le premier film, présente les mêmes troubles que l’héroïne de notre court métrage. Elle est diaboliquement sexy tout en paraissant étrangement jeune. Finalement, la bad girl est la combinaison parfaite entre la femme fatale et la femme enfant. Elle inspire à la fois quelque chose de terriblement sexuel, et d’infiniment tendre.
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Inspiré d’un monologue
Toutefois, le film d’Arnaud Khayadjanian n’a pas directement été inspiré par celui de François Ozon, mais par une pièce que Mathilde Roux elle-même lui a fait découvrir :
Mon amie comédienne, Mathilde Roux, m’a fait lire la pièce de théâtre “Cœurs sourds”, un texte hyper réaliste sur des ados, écrit par Laura Desprein. J’ai flashé sur le monologue d’une adolescente, pur et brutal, un cri dans la nuit. À partir de ce monologue, j’ai écrit le scénario en y apportant une dimension onirique.
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Inspiré par le travail de l’artiste américain James Turrell, Bad Girl a reçu un accueil plus que chaleureux dans de nombreux festivals de films. Alors que nous en faisons l’avant-première sur la Toile, le film a déjà été projeté en Pologne, en Irlande, au Mexique, aux Pays-Bas, en Inde et en Suède, où il fut la première partie du prochain film de Gregg Araki, White Bird, avec Eva Green. Jusqu’ici, Arnaud n’a finalement eu que des retours positifs :
Souvent les spectateurs croient que le film a été réalisé par une femme. Merci pour le compliment.
Arnaud n’est pas encore une femme, mais il semble les comprendre mieux que la plupart des hommes. Avec Bad Girl, il pourrait sûrement aider quelques-uns de ses confrères. Avec Bad Girl, peut-être que le rêve de Lee Moses deviendra finalement réalité, et qu’ “un de ces jours, le monde entier comprendra“.
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Le lookbook de Bad Girl
Article traduit de l’anglais par Naomi Clément