Pourquoi tout le monde parle d’un coup de la série Mon petit renne (qui m’a causé des nuits blanches)

Publié le par Mélissa Chevreuil,

© Netflix

Derrière un titre bien cute se cache un programme bien sombre tiré de faits réels.

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Attention, cet article comprendra des spoilers ici et là. Mais la série ne comptant que sept épisodes dont la durée oscille entre 30 et 45 minutes, on ne peut que vous inviter à la binge-watcher, en tout bien tout honneur.

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Je suis une vraie iencli. Perdue sur ma home Netflix, c’est la comparaison faite avec Fleabag dans le descriptif fait par la plateforme qui m’a donné envie de tester cette nouvelle série au si curieux nom. Mon petit renne. Forcément, je m’attendais à un truc un peu cynique mais un minimum kawaï, familial comme il faut, et possiblement en lien avec Noël (même si on est en avril, oui oui). Eh bien, à côté de la plaque. La fiction est parfois drôle, mais le plus souvent dure, difficile à regarder, pour ne pas dire insoutenable lors de certaines scènes poignantes, anxiogènes mais nécessaires à certains égards – tout dépendra de la sensibilité de chacun.

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Mais ça raconte quoi ? Au début, le calvaire quotidien du trentenaire Donny, serveur dans un pub miteux à Londres le jour et humoriste en devenir la nuit. Soudain, débarque une certaine Martha, avocate réputée et, selon ses dires, débordant d’activités mais qui passe ses journées accoudée au bar, incapable de se payer un thé ou un verre de cola light. Pendant six mois, Donny détaille en voix off le harcèlement qu’il subit de la part de la quarantenaire déjà punie par la justice pour des faits similaires. Ses centaines de mails libidineux à toute heure de la journée. Sa façon de le stalker dans la rue, sur son lieu de travail, au comedy club, sur Facebook. À chaque fois que Donny s’éloigne, Martha gagne en dangerosité, allant jusqu’à sympathiser avec son entourage sous une fausse identité.

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Et même quand elle s’approche de son ex ou de Teri, sa copine actuelle. Même quand elle se glisse dans sa chambre, pour y laisser une photo d’elle en sous-vêtements. Même quand elle l’agresse sexuellement dans la rue, touchant délibérément son intimité. Il n’osera réellement y faire quelque chose. Il faudra qu’elle le surprenne avec sa girlfriend et qu’elle agresse cette dernière physiquement et verbalement, prise dans un accès de rage et de jalousie, pour que ce dernier se décide enfin à aller voir la police. Le truc, c’est qu’il ne balance pas grand-chose, hormis les mails, et malgré la liste à rallonge de preuves. C’est là où la série prend tout son sens, devient tristement géniale et profonde, délaissant peu à peu le comique de situation pour gagner toute la teneur qu’elle pense avoir.

Violent mais jamais too much

Pourquoi Donny ne lâche pas tout ce qu’il a aux flics ? On nous fait d’abord comprendre que côté orientation sexuelle, le jeune homme est paumé et honteux. Honteux de dater une femme trans, qu’il maltraitera avec douleur, préférant sortir du métro plutôt que l’embrasser en public. Honteux d’aimer les femmes, mais peut-être aussi d’aimer les hommes. Honteux que ses collègues, teubés et machos, puissent l’apprendre (il leur cache déjà qu’il est humoriste, les secrets s’accumulent). De l’agression sexuelle, il ne veut rien avouer, en ayant subi déjà d’autres, des tas même, par un scénariste véreux et odieux, lui promettant monts et merveilles, en échange de quelques week-ends à le droguer puis le violer pendant qu’il n’est qu’à moitié conscient.

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Ces flash-back sont atroces, violents bien que relativement pudiques mais jamais trash ou sensationnels. La série n’opte jamais pour ce virage de toute manière, à mille lieues d’un You. Il serait préférable de la comparer à la trop sous-cotée I May Destroy You. Surtout, ces moments nous aident à mieux cerner le personnage, sa torture, ses turpitudes. On capte finalement mieux pourquoi Donny ne fait rien pour en découdre avec Martha. Il est brisé, doute, se déteste. Martha, aussi folle soit-elle, a fait de lui le centre de son univers, et le voit comme ce qu’il aimerait être. Un bel homme attirant et sûr de lui, drôle, faillible et vulnérable juste ce qu’il faut, respectueux et gentleman. Capable de nourrir une obsession par son seul charisme. C’est un jeu tordu mais Donny le sait.

Derrière la fiction, les confessions

Si la série tord autant les intestins, c’est qu’elle est adaptée de faits réels. Pour Richard Gadd, à la fois showrunner et interprète de Donny, c’était une façon de partager ce qu’il avait vécu au début de sa carrière, lui-même harcelé. “C’est évidemment tiré de ma propre vie et c’était vraiment quelque chose, à écrire et filmer”, dit-il dans Still Watching Netflix, chaîne YouTube de la firme de Los Gatos. Savoir qu’il ne s’agit pas d’une œuvre de pure fiction fait relativiser et ajoute une saveur amère encore plus particulière au visionnage, qui se veut tout de même plus digeste, grâce à des fulgurances de partout.

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Donny dans “Mon petit renne” (Netflix)

Côté acting évidemment, Richard Gadd n’est pas le seul digne d’être cité. Jessica Gunning en avocate déchue et mentalement instable, brille autant si ce n’est davantage qu’une Kathy Bates dans Misery, référence évidente pour la série. Nava Mau, qui joue Teri, a mille visages. Elle est d’abord captivante et captivée, puisque en tant que thérapeute, elle voit clair dans le jeu douteux entre son mec Donny et son harceleuse. Puis terrifiée par ce qu’il se profile, comprenant que Martha a le don de viser les points faibles sans même les connaître – sa transidentité, en l’occurrence. Enfin, ne pensez pas que vous allez rouler au Xanax et au Prozac après le visionnage. Si la série est teintée de noirceur, elle a aussi une écriture assez fine pour vous dérober un sourire ici ou là… enfin, entre deux bonnes chialades, hein.

Mon petit renne est disponible actuellement sur Netflix.

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