Chaque semaine, Aurélien Chapuis, alias Le Captain Nemo, revient sur l’actualité du rap avec ses coups de cœur, ses découvertes et les enjeux du moment.
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L’actualité politique et sociale est extrêmement chargée. Le peuple est dans la rue suite aux interventions à répétition contre son pouvoir face aux réformes. Côté rap, SCH a réagi sur les réseaux sociaux pour prendre parti. Et ça a relancé globalement les débats sur le rap et son engagement, le fait que cette musique doit forcément être politique, révolutionnaire ou virulente. Eh bien, spoiler : non.
Petit retour en arrière avec les balbutiements du hip-hop dans les années 1970 dans le Bronx à New York. La ville est littéralement en feu, proie des multiples gangs qui sévissent chaque jour dans les rues. Tout est violence, entre racket, deal et meurtre. Pourtant, certains de ces gangs décident de mettre en place une trêve, après la mort d’un de leurs chefs, et d’utiliser cette énergie négative en quelque chose de plus positif pour la communauté, autour de la musique, la danse, la compétition non violente et la fête.
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Les débuts du hip-hop puis du rap étaient donc engagés dans la démarche, mais pas dans les paroles ou dans les prises de position. En vrai, le premier tube de rap, c’est “Rapper’s Delight” de Sugarhill Gang, on est très, très loin du rap engagé tel qu’on l’imagine.
C’est quelques années plus tard qu’on aura finalement le premier morceau de rap dit engagé. On peut aller jusqu’à ce gros mot de “conscient”. Le rap conscient, je n’ai jamais vraiment compris ce que ça voulait dire. Conscient de quoi ? Bref, il s’agit de Grandmaster Flash & The Furious Five avec leur fameux “The Message” qui a traversé les époques et les tendances jusqu’à Coi Leray ces dernières semaines. On y retrouve un panorama très dur et glauque du New York du début des années 1980, la fameuse ère du crack.
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Ensuite, bien sûr on peut citer Public Enemy parmi les plus contestataires et les plus virulents mais à la même époque, le rap était aussi très festif et pas forcément engagé, même parfois plus proche du cinéma et des histoires de gangsters que du véritable engagement social et politique. Même quand le rap arrive en France, cette démarche consciente n’est pas si présente, on retrouve tous les mêmes genres de rap présents aux États-Unis et, même si Assassin porte rapidement le flambeau d’un rap très politique à la Public Enemy, il n’est pas vraiment l’apanage de tous.
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Au vu de cet historique, pourquoi le grand public pense que le rap est engagé par nature ? Il y a forcément une notion sociale qui veut que le rap vienne des quartiers populaires et donc par essence, ait des revendications, installe forcément la voix du peuple.
Mais ce poncif se retourne assez souvent contre le mouvement rap dans son ensemble car il le place aussi dans une position moralisatrice et réductrice. Comme tous les autres styles musicaux, le rap est divers et très varié, son engagement n’est pas du tout systématique. Et c’est vraiment une erreur de ne le réserver qu’à ça, en oubliant la musique qui va avec. Autant écouter un discours ou lire un livre, à ce moment-là.
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Le 5 majeur de la semaine
Zola & Damso – “Cœur de Ice”
Tout le monde hurle sur le retour du Damso de Batterie faible. Je ne sais pas si on l’a retrouvé, mais j’ai kiffé l’ambiance de ce morceau. Et l’album de Zola est varié, efficace, il vise juste à chaque fois.
EST Gee – “The One & Only”
J’écoute beaucoup EST Gee en ce moment. Nouvel album, toujours le plus chaud du Kentucky (déso, Jack Harlow).
Cam’ron, Ma$e & Jadakiss – “G.L.H”
Un clip pour la rencontre des rimeurs les plus influents des années 1990 et 2000 ? Je dis oui, bien sûr.
Sadek – “France 24”
L’album de Sadek devient meilleur à chaque écoute. Et ce clip est parfaitement d’actualité, regardez-le !
Couli B – Nasser Al-khelaifi
Je suis toujours friand de tout ce que sort Couli B en ce moment. Pareil pour Rapi Sati, l’album m’a bien énergisé. Allez-y à balle !
Ligne nostalgique
1995 est sûrement une des meilleurs de rap américain. Et en ce moment, je réécoute pas mal Group Home, le summum des productions de DJ Premier. Et même si les rappeurs ne sont pas les plus fous, l’ensemble est vraiment à l’épreuve du temps. J’ai choisi “Suspended in Time” parce que je me sens un peu comme ça en ce moment. Un morceau de Group Home par émotion, voilà un beau programme. À la semaine prochaine !