Le précurseur de la sculpture moderne Constantin Brâncuși, à l’honneur d’une exposition d’une ampleur inédite en Roumanie depuis cinquante ans, a attiré des dizaines de milliers de visiteur·se·s. Le musée national d’art de Timisoara referme ce week-end les portes de cet événement “historique” ouvert en septembre, dans le cadre des festivités de la Capitale européenne de la culture. Plus de 100 000 personnes venues de toute l’Europe se sont pressées dans le palais baroque, bien au-delà des 70 000 espérées, pour découvrir cent pièces de l’artiste dans une atmosphère sombre et intimiste.
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Né en 1876 dans les Carpathes roumaines, Brâncuși émigre à Paris en 1904 où il mourra en 1957. Et c’est là que la plupart de ses œuvres, léguées à l’État français par l’artiste, sont conservées. Au grand dam des Roumain·e·s, frustré·e·s d’en être privé·e·s. Cette exposition, intitulée “Sources roumaines et perspectives universelles”, “a un peu adouci leur peine”, veut croire la commissaire Doïna Lemny, interrogée par l’AFP. Cette spécialiste de Brâncuși a réussi à convaincre le Centre Pompidou, dont elle est conservatrice honoraire, de prêter certaines de ses précieuses sculptures avant une grande rétrospective prévue à Paris en mars 2024. D’autres viennent de la Tate Gallery de Londres ou encore de la Fondation Guggenheim de Venise.
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Éclairage, sécurité, mise aux normes… pour pouvoir accueillir ces 22 “fragiles” chefs-d’œuvre de calcaire, marbre ou bronze, le musée a dû entreprendre une coûteuse rénovation de 2,5 millions d’euros. Des photos et vidéos prises par l’artiste lui-même viennent compléter l’exposition. Le public, souvent ému aux larmes, a pu découvrir “ses pièces majeures”, se félicite Mme Lemny, soucieuse de rappeler au fil du parcours l’attachement de Brâncuși à la Roumanie.
La célèbre Muse endormie lui a ainsi été inspirée par une baronne française gravitant dans les cercles roumains. Maiastra, représentation abstraite d’un oiseau d’or, fait écho à une légende roumaine, tandis que Borne-frontière dessine un baiser symbole de paix après une Seconde Guerre mondiale qui a vu la Roumanie céder deux territoires à l’Union soviétique. “Il n’a jamais renié son pays et a gardé la nationalité roumaine après avoir été naturalisé français”, raconte-t-elle.
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Après l’avoir banni, le régime communiste lui a accordé une grande exposition dans les années 1950, puis “en 1970 quand la Roumanie a amorcé une ouverture sur le plan politique”. La muséographe Andreea Foanene dit elle aussi avoir été “touchée” par l’attitude de visiteur·se·s “murmurant, comme dans un temple”. Comme pour saluer le talent de cet “artiste total, qui a marqué l’histoire de l’art”.