Le tableau est décrit comme “l’œuvre star de la collection” du musée d’art Sompo, situé dans le quartier tokyoïte de Nishi-Shinjuku. Cette version des Tournesols de Vincent van Gogh, une parmi les six encore existantes, pourrait cependant bientôt quitter la salle des natures mortes qui l’accueille depuis des décennies, après que la compagnie d’assurances Yasuda – par la suite incorporée à la holding Sompo, qui a ouvert un musée à son nom en 1976 – l’a achetée chez Christie’s en 1987.
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Après une petite quarantaine d’années passées à Tokyo, le bouquet de fleurs solaires pourrait bien partir pour un aller sans retour vers la famille qui s’estime être son propriétaire légitime. En décembre 2022, un tribunal de Chicago recevait une “plainte en restitution et pour enrichissement illégitime” déposée par trois descendant·e·s de Paul von Mendelssohn-Bartholdy, un “banquier juif berlinois” qui possédait l’œuvre jusque dans les années 1930, avant de s’en débarrasser face à la menace nazie, rapporte Le Monde.
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Dans leur dossier, les héritier·ère·s du collectionneur accusent le musée japonais d’avoir acquis la toile “au mépris de sa provenance, notamment la vente forcée de la toile par l’Allemagne nazie en 1934”, ajoute le quotidien. Les trois personnes demandent la restitution du célèbre tableau ainsi que des dédommagements s’élevant à 750 millions de dollars (soit 675 millions d’euros), calculés sur les “recettes tirées des nombreux produits dérivés commercialisés par Sompo depuis 1987”.
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Un sujet récurrent
Interrogé par Le Monde, l’avocat spécialiste du marché de l’art Makoto Shimada a partagé sa réaction, loin d’être étonnée : “Lorsque j’ai entendu parler de l’affaire, je me suis dit : ‘Enfin, le Japon est confronté à ce type de litige, une œuvre pillée par les nazis et réclamée à un musée’.” Connaissance des arts note qu’en 2001, le musée avait fait part de ses interrogations concernant la provenance de ses Tournesols : “Nous sommes profondément préoccupés par la provenance de nos tableaux de Van Gogh et Gauguin. Nous pensons que nos deux œuvres n’ont rien à voir avec l’art pillé par les nazis, mais nous n’en sommes pas sûrs à 100 %”, écrivait le musée tokyoïte au Van Gogh Museum, figure d’autorité concernant le travail du peintre néerlandais.
Le courriel fait désormais partie du dossier déposé auprès du tribunal de Chicago, comme une preuve de la connaissance du contexte de spoliation entourant l’achat. La restitution des biens spoliés par les nazis est un sujet récurrent du marché de l’art, et ce à l’international. En août 2022, le Parlement français adoptait unanimement une “loi-cadre pour faciliter la restitution par les collections publiques françaises des biens culturels dont les Juif·ve·s furent spolié·e·s sous l’Allemagne nazie”.
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Cette “loi d’action” visait “des actes concrets de justice”, rapportait alors la ministre de la Culture. Après l’adoption de ce texte “historique et hautement symbolique”, selon ses propres termes, la rapporteure au Sénat Béatrice Gosselin (apparentée LR) affirmait : “Si le rôle du législateur n’est pas de réécrire l’Histoire, il peut être de sa responsabilité de faire en sorte de panser certaines plaies du passé.”