Pendant les quatre mois à venir, une des façades de l’imposant centre Barbican pour les arts se retrouve enveloppée de 2 000 mètres carrés de tissu rose. Une façon de “contraster avec le gris du ciel britannique”, sourit Ibrahim Mahama, l’artiste auteur de l’œuvre, auprès du Guardian, mais aussi de mettre en lumière l’histoire du lieu et les inégalités qui découlent du capitalisme globalisé. L’œuvre textile a été cousue à la main, “en collaboration” avec des centaines d’artisan·e·s de Tamale, la ville du Ghana d’où est originaire Ibrahim Mahama. Elle est taillée sur mesure d’après le bâtiment brutaliste et brodée de 130 batakaris, “des robes portées par des monarques du nord du Ghana et des habitant·e·s”.
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Les batakaris se transmettent et se chérissent de génération en génération. L’artiste tenait à incorporer à son œuvre des batakaris appartenant à des particulier·ère·s, afin qu’elles portent en elles des souvenirs authentiques et des valeurs sincères. Ainsi, il met en lumière “l’endurance de systèmes de croyances traditionnelles et l’importance du savoir intergénérationnel”. “Intégrer ces habits au projet célèbre l’intérêt de Mahama pour les cycles de vie des textiles et ce qu’on peut apprendre des mémoires historiques qu’ils contiennent”, détaille le Barbican.
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Étant donné la charge émotionnelle qui pèse sur les batakaris, il n’a pas été facile pour Ibrahim Mahama de se les procurer. Les discussions avec leurs propriétaires ont été longues, et l’artiste échangeait à chaque fois des batakaris usées contre des neuves. Cette collaboration et les échanges opérés par Ibrahim Mahama interrogent l’économie du textile, sa production et les inégalités, à l’échelle mondiale, qui l’accompagnent. Le fait que le Barbican ait été édifié dans le quartier de Londres où, avant la Seconde Guerre mondiale, était concentré le rag trade (l’industrie textile) ajoute une couche symbolique à la compréhension du projet.
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Habitué à empaqueter des bâtiments dans des œuvres textiles, Ibrahim Mahama pare ses œuvres de dimensions politiques et sociales. Fervent promoteur de l’idée que “l’art appartient à tout le monde”, il cherche à lier ses créations aux économies locales qui les sous-tendent : il lui était impensable de concevoir une œuvre qui rende hommage aux traditions textiles ghanéennes sans en faire profiter, concrètement, les artisan·e·s textiles ghanéen·ne·s. Fidèle à son habitude de célébrer des auteur·rice·s du continent africain, Ibrahim Mahama a nommé son œuvre Purple Hibiscus, en écho au roman éponyme de Chimamanda Ngozi Adichie, note le Guardian. Dans le fond comme dans la forme, aux échelles économiques et artistiques, son œuvre vise à créer des ponts entre les communautés et les esprits.
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Purple Hibiscus, d’Ibrahim Mahama, est visible au Barbican, au niveau de sa Lakeside Terrace, jusqu’au 18 août 2024.