Entre collecte de témoignages de violences sexuelles et travail de fond pour l’accession des femmes à des postes à responsabilités, une vague #MeToo pourrait bien déferler sur la filière musicale, amplifiée par les réseaux sociaux. D’autant plus que plusieurs artistes ont pris publiquement la parole à ce sujet ce week-end, à commencer par Pomme.
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Dans un post Instagram, la chanteuse française rend hommage aux “femmes infiniment courageuses qui parlent et dénoncent”, avant de remettre en question le rôle des hommes : “Vous faites quoi là-dedans ?” Elle enchaîne : “Il n’y a que moi que ça dérange que malgré toutes ces dénonciations, rien ne change ? Malgré tous ces efforts, les personnes au pouvoir, qui ont les rênes (les hommes), ne bougent pas un orteil ?”
Avant de faire référence aux accusations contre Moha La Squale et Roméo Elvis : “Wtf ? Coucou les labels produisant des présumés violeurs/harceleurs/agresseurs ? […] Dans quelques siècles, vous voulez qu’on se rappelle de vous comment ?” Puis elle conclut en conseillant de se renseigner sur le “féminisme intersectionnel”.
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Quelques heures après, c’est le musicien Waxx qui y est allé de son post sur le même réseau social. Il y affirme “avoir si honte d’être un homme parfois” et évoque des situations de harcèlement sexuel tout en appelant les hommes à se remettre en question. “On ne peut plus rien dire ? Mais je n’ai jamais entendu autant d’insanités que ces dernières années…” Il développe : “L’autocritique est le plus dur […]. Il est important que les hommes qui soutiennent les femmes se manifestent dans leur quotidien et pas seulement en leur présence.”
Les réseaux sociaux montent le son
Des prises de position fortes qui font suite à des mois de contestation sur les réseaux sociaux. #MusicToo, apparu au cours de l’été sur Instagram, est la plateforme qui fait le plus parler. Ce collectif anonyme, assisté d’“avocates”, recueille, via un formulaire, les récits de victimes ou témoins de violences sexistes et sexuelles jusqu’au 30 septembre pour “commencer à dessiner des profils et rassembler des plaintes”.
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Le but est que “la peur change de camp”. Les statistiques font froid dans le dos : “31 % des femmes travaillant dans le secteur musical (artistes ou professionnelles) disent avoir été victimes, au moins une fois, de harcèlement sexuel”, selon une étude de 2019 de la Cura (Collectif pour la santé des artistes et des professionnels de la musique) et de la Gam (Guilde des artistes de la musique).
“Problème systémique”
La page Instagram de “Balance ta major” cible, elle, les méfaits dans les grosses maisons de disques et publie directement des témoignages, anonymes. D’autres plateformes vont plus loin, à l’instar de DIVA – “Informations et ressources sur le sexisme et les violences sexuelles dans l’industrie de la musique” – et Change de disque – “Nous luttons contre les problèmes structurels (rémunération, progression de carrière) et les violences sexistes et sexuelles systémiques dans la musique”. Les deux sont liées.
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“Nous avons créé une association loi 1901 pour être la passerelle entre les tonnes de collectifs qui existent et pour s’attaquer à un problème systémique”, expose à l’AFP Emily Gonneau (Change de disque). Elle avait dévoilé sur les réseaux il y a quelques années avoir été agressée sexuellement et dissuadée par sa direction de l’époque de porter plainte. “Avec #MusicToo – je ne suis pas derrière cette plateforme –, les agresseurs à leur tour ne dorment pas très bien, ça fait bouger les choses, mais il faut aller au-delà, poursuit-elle. Si on s’attaque seulement à quelques cas, c’est comme les têtes d’une hydre, ça va repousser.”
À ses yeux, “les violences sexistes sont corrélées à des écarts de rémunération : c’est un problème de fond. Les agressions sexuelles sont des abus de pouvoir, il faut donc des contre-pouvoirs, il faut passer par le système pour que le système change, il faut aller au structurel”, assène-t-elle.
“Ne pas s’auto-censurer”
Une donnée illustre l’ampleur de la tâche : seuls 14 % des postes de direction dans les labels sont occupés par des femmes, selon une étude en 2019 de l’Irma (centre d’information et de ressources pour les musiques actuelles). C’est un travail à la racine, que mène par exemple Aurélie Hannedouche, du Sma (Syndicat des musiques actuelles). “Il faut inciter les femmes à ne pas s’auto-censurer. Certaines me disent : ‘Tu me vois à la tête d’une salle ? J’ai les gamins à garder le soir…’ Mais, ton mari peut les garder aussi, non ?”, rapporte-t-elle à l’AFP. Le dispositif Wah !, mentorat de et pour les femmes, a d’ailleurs été lancé face à ce constat dans les musiques actuelles.
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Pour Corinne Sadki, du Bureau Export (structure d’aide à la filière musicale française à l’international), les réseaux sociaux qui se sont emparés de toutes ces questions sont des “catalyseurs” et il “ne faut pas laisser passer l’occasion de changer les choses dans un milieu majoritairement masculin”, dit-elle à l’AFP. “Il faut une meilleure accession des femmes aux postes de direction et une vraie égalité des salaires”, plaide-t-elle. Et de conclure : “Au sein du CNM (Centre national de la musique), avec la démarche Diversité-Egalité du ministère de la Culture, nous nous mettons en action sur ces sujets.”
Konbini avec AFP