Petite histoire des adaptations (souvent ratées) de jeux vidéo au cinéma

Publié le par Leonard Desbrieres,

(© Metropolitan FilmExport / UIP / Universal Pictures / Pathé)

Fiascos, nanars et nouvel espoir : voyage dans un monde à part.

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Des centaines d’adaptations développées à ce jour, des dizaines d’autres en préparation en ce moment même, depuis que le jeu vidéo existe, il obsède les studios d’Hollywood qui voient en lui une inestimable poule aux œufs d’or. Mais si jeu vidéo et cinéma sont les deux faces d’une même pièce et qu’en apparence ils se ressemblent, ils sont en vérité régis par des codes de narration, d’incarnation et de réalisation très différents, ce qui rend l’exercice d’adaptation particulièrement périlleux. La preuve, en 30 ans, les bons films se comptent sur les doigts d’une main. Comment recréer les univers de jeu vidéo au cinéma sans se fourvoyer ? Comment réinventer sans dénaturer ? Comment prolonger l’expérience du joueur en proposant une nouvelle manière de filmer ?

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Une course au nanar

Au milieu des années 1990, en plein boom du jeu vidéo, les studios hollywoodiens commencent à se tourner vers l’industrie vidéoludique pour trouver la bonne idée qui assurerait le succès de leur prochain film. Avec un objectif simple en tête : puiser dans les merveilles du jeu vidéo pour trouver un matériau solide, un terreau narratif riche auquel se fier pour bâtir des œuvres puissantes sans avoir à créer un monde ex nihilo tout en appliquant une évidente logique commerciale qui consiste à puiser parmi les joueurs fidèles pour constituer une audience importante.

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Sur le papier, la stratégie est attrayante et pourrait s’avérer payante mais dans les faits, c’est une autre histoire. Producteurs et réalisateurs ne semblent pas savoir comment appréhender les codes du jeu vidéo pour les porter à l’écran et se lancent dans une folle course au nanar, un concours du film le plus délirant.

Symbole de l’hérésie artistique qui s’empare d’Hollywood au moment de transposer les univers vidéoludiques au cinéma, Super Mario Bros. (1994), la première adaptation de l’Histoire est un monument de grotesque qui vire au fil des minutes au grand raté honteusement génial. Sur le papier, le film reste fidèle à l’histoire du jeu Nintendo. Deux frères plombiers partent en mission pour délivrer la princesse Daisy, prisonnière du roi Koopa, dictateur d’un peuple constitué de dinosaures.

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Mais pour tout le reste, rien ne va. Propulsés dans le Brooklyn des années 1990, Bob Hoskins et John Leguizamo, salopettes premier prix atroces et ventouse à la main en guise d’arme, surjouent absolument tout. Face à eux, Dennis Hopper – comment en est-il arrivé là ? – en grand méchant hystérique provoque l’hilarité à chaque scène. Les effets spéciaux catastrophiques, l’utilisation d’armes loufoques qui ne sont rien d’autre que des accessoires Nintendo et les dialogues effarants viennent se mêler à la fête et renforcent notre sentiment d’assister à une très grosse blague de cinéma.

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Autre accident industriel représentatif de ces balbutiements, le film Mortal Kombat (1995). Jeu vidéo culte développé par Capcom qui met en scène un univers fantastique à part, il a un potentiel cinématographique énorme que va s’empresser de ruiner Paul W.S Anderson, un réalisateur criminel dont on reparlera plus tard tant il est spécialisé dans le saccage de sagas vidéoludiques.

Même recette que pour Super Mario Bros. mais en pire. Prenez des costumes cheap, des images de synthèse complètement ratées, un Christophe Lambert déguisé en Gandalf le Blanc et des scènes de combat hallucinantes rythmées par une horrible musique eurodance, vous obtenez un bijou délicieusement ridicule qui aura même le droit à sa suite en 1997. Quand on aime, on ne compte pas.

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Gros budget, grand spectacle mais blockbusters ratés

Au tournant des années 2000, les studios changent d’approche et surtout de braquet. Hors de question de tomber dans le ridicule et de jouer petit bras. Pour réussir une adaptation de jeu vidéo, il faut se donner les moyens d’y arriver et mettre le paquet sur les budgets. C’est alors le début d’une longue liste de blockbusters décomplexés qui misent tout sur un gros casting, de l’action en pagaille et du grand spectacle.

En 2001, Simon West, grand spécialiste du cinéma d’action (Les Ailes de l’enfer, Expendables) transforme Angelina Jolie en Lara Croft aussi sexy que redoutable dans une première adaptation de Tomb Raider. Avec près de 100 millions de dollars de budget, il fabrique un divertissement efficace qui plaît au public mais qui ne restera pas dans les annales. Angelina Jolie renfilera le costume deux ans plus tard avec une suite fade réalisée par un autre mastodonte de l’action, Jan de Bont (Speed). Le reboot de 2018, porté par Alicia Vikander sera de meilleure facture mais le verdict est sans appel : Lara Croft aurait mérité meilleur sort.

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Paul W.S Anderson, encore lui, signe en 2002 l’adaptation d’un jeu adoré des fans, la saga horrifique Resident Evil et choisit sa femme, Milla Jovovich, pour incarner le rôle-titre. Le résultat est plus que décevant mais constitue pour autant le point de départ d’une série d’adaptations interminables pour la franchise dont la saga sera massacrée au total sept fois dont quatre fois par P.W.S Anderson.

Tout au long de la décennie 2000, des blockbusters insipides de ce type, directement adaptés de jeux vidéo, envahissent les salles de cinéma. Le Doom (2005) d’Andrzej Bartkowiak avec Dwayne Johnson et Rosamund Pike, le Hitman (2007) du français Xavier Gens avec Timothy Olyphant, le Max Payne (2008) de John Moore avec Mark Wahlberg et même le Prince of Persia (2010) de Mike Newell avec Jake Gyllenhaal : tous sont des divertissements passables qui ne rendent pas hommage au génie des jeux dont ils sont inspirés. Dernier exemple en date, Uncharted (2022) de Ruben Fleischer, a suivi la même voie toute tracée.

Seul film de cette époque qui tire son épingle du jeu, le plutôt réussi Silent Hill, réalisé par le français Christophe Gans, tout juste auréolé du succès du Pacte des loups. Ici, pas de costumes loufoques et de kung-fu contre des monstres mais un tableau subtil et malaisant où le réalisateur parvient à recréer l’ambiance unique du jeu de Konami. Un film d’horreur angoissant peuplé de créatures esthétiquement réussies. Et en plus, il n’a pas trop mal vieilli.

Autre cas à part, Assassin’s Creed. Dès l’annonce de sa production, le film suscite énormément d’attente parce qu’il s’empare d’un univers majestueux doté d’un énorme potentiel cinématographique et parce qu’il est confié au réalisateur prodige australien Justin Kurzel, qui s’est entouré d’un casting cinq étoiles porté par le trio Michael Fassbender, Marion Cotillard et Jeremy Irons.

Mais, malheureusement, la déception est à la hauteur des espoirs placés dans cette adaptation. Le recours massif aux images de synthèse est désastreux et le scénario manque cruellement de mordant. Surtout, le film se prend beaucoup trop au sérieux, se la joue Da Vinci Code et passe à côté de ce qui fait le sel d’une adaptation de jeu vidéo : recréer un univers et un dispositif de jeu qui entraînent le spectateur, le fait retomber en enfance.

Retrouver son âme d’enfant

Remettre le jeu au centre du processus créatif. C’est la grande prise de conscience de ces dernières années. Une révélation qui embellit peu à peu les rapports tumultueux entre cinéma et jeu vidéo. En ce sens, Warcraft : Le commencement a été un pionnier. Même si le film ne manque pas de défauts, Duncan Jones parvient à donner vie à la franchise culte avec soin et lui confère un supplément d’âme grâce à la magie du septième art.

Certes, on ne progresse pas dans le film manette en mains, mais il y a un aspect ludique non négligeable qui donne à croire que les héros évoluent avec nous. Les scènes de combat surtout, ont ce petit truc dans la mise en scène qui casse les frontières entre jeu vidéo et cinéma.

Parce que le jeu vidéo, comme le cinéma, c’est d’abord une histoire de caméra. Hasard du calendrier, quelques jours après la sortie du film, HBO diffusait un épisode Game of Thrones qui allait rester dans les mémoires, “La Bataille des bâtards”. Au-delà de la tension intenable, de la défaite d’un ennemi redoutable, ce qu’on allait retenir de ce moment de bravoure télévisuelle, c’était une manière de filmer le combat. Une troisième personne en caméra embarquée qui concerne le spectateur. Comme si l’on était nous-même le héros au cœur du combat.

De quoi donner du grain à moudre aux réalisateurs qui voudraient sauter le pas.

Dans un tout autre registre, ce sont aujourd’hui les films hybrides, à mi-chemin entre l’animation et le live action, qui règnent en maîtres sur les adaptations vidéoludiques. Force est de constater que ce format parvient parfaitement à recréer l’imaginaire magique du jeu vidéo. Des films comme Pokémon : Détective Pikachu (2019) de Rob Letterman ou la saga Sonic (2020) de Jeff Fowler se démarquent par un plaisir visuel incontestable et surtout une énergie et une générosité qui font du bien.

La nouvelle mouture de Super Mario Bros., fruit d’une collaboration active entre Nintendo et Illumination, studio créateur des Minions, fait quant à elle le pari du tout animation et c’est une franche réussite, peut-être une des plus belles adaptations à ce jour.

Ces adaptations ludiques et enfantines sont, certes, savoureuses mais n’empêchent pas un public plus adulte, demandeur d’une vraie grande œuvre de genre, de rester sur sa faim et d’attendre désespérément le chef-d’œuvre qui pourrait tout changer.

Les séries : nouvel eldorado des adaptations de jeux vidéo ?

Et si les séries volaient à la rescousse du cinéma ? Adaptée d’un jeu vidéo, lui-même adapté d’une saga romanesque, The Witcher, diffusée depuis 2019 sur Netflix, a prouvé la première combien le format sériel avait tout pour plaire quand il s’agissait d’adapter un jeu vidéo.

Parce qu’elle bénéficie du temps long pour installer une histoire et bâtir des univers, parce qu’elle peut proposer des pas de côté visuels et oser déranger, parce qu’elle est séquencée et chapitrée un peu à la manière des grands opus vidéoludiques, la série semble être un terrain de jeu plus propice. Et ce n’est pas la glorieuse réussite de The Last of Us cette année qui nous dira le contraire.

Grâce au travail brillant des deux showrunners, Craig Mazin, créateur reconnu de la série Chernobyl, et Neil Druckmann, le développeur du jeu original, The Last of Us est devenu la plus belle réussite de l’histoire des adaptations et a connu un succès retentissant. La preuve flamboyante qu’il est possible de porter un univers vidéoludique à l’écran en restant fidèle à son identité mais en osant aller plus loin pour nous embarquer.

Grâce à la magie des séries, tout devient possible. Même la série Halo développée par Paramount+ a été l’année dernière une agréable surprise. En plus de sa réussite visuelle, elle est parvenue à apporter une richesse narrative à un jeu bourrin essentiellement axé sur le tir.

Pas étonnant alors de voir fleurir sur les plateformes les projets les plus excitants. Amazon Prime a d’ores et déjà annoncé deux très grosses sorties : l’adaptation de Fallout par Jonathan Nolan et Lisa Joy, les créateurs de Westworld, et celle de God of War par Rafe Judkins (La Roue du temps). De son côté, Netflix compte également frapper un grand coup puisque des suites sont déjà prévues pour les animes Arcane et Castlevania et que d’ambitieux projets sont en préparation comme Horizon Zero Dawn, Gears of War et un très attendu come-back cinématographique : Assassin’s Creed.