Peintre fétiche de Kendrick Lamar et Pharrell Williams : 5 choses à savoir sur Henry Taylor

Publié le par Lise Lanot,

© wolrdwidezem

Peintre de la condition humaine et de l’expérience noire, Henry Taylor est devenu le chouchou des stars et des collectionneurs.

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Déroulées de façon magistrale sur d’immenses tissus, ses toiles ont accompagné les dernières dates de Kendrick Lamar. On a également vu son travail lors du défilé Louis Vuitton présenté par le nouveau directeur artistique de la marque, Pharrell Williams, en juin dernier. À 65 ans, Henry Taylor voit son nom passer sur toutes les lèvres, de la hype du hip-hop aux grandes institutions muséales qui s’arrachent son travail.

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Même intérêt croissant chez les collectionneur·se·s : en 2018, son tableau de 2004 I’ll Put a Spell on You partait pour 1 million de dollars, après une bataille entre 11 enchérisseur·se·s chez Sotheby’s. Voici 5 choses à savoir sur un artiste pluriel, qui ne laisse personne – et surtout pas lui-même – s’enfermer dans des cases.

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Il s’est mis assez tardivement à la peinture

Surnommé “Henry VIII” parce qu’il est le plus jeune d’une fratrie de huit enfants, le jeune Henry Taylor est né et a grandi en Californie. Friand d’histoires, il gagne un prix au lycée pour le livre pour enfants qu’il écrit, Caesar the Centipede Knight. Il étudie le journalisme, l’anthropologie et le set design avant de devenir “technicien en psychiatrie” au Camarillo State Mental Hospital. Là-bas, il prend pour habitude de peindre les patient·e·s qu’il rencontre.

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C’est à ce moment qu’il développe un intérêt profond pour la condition humaine et les personnes laissées “à la marge”, tel que le note le collectionneur Bernard Lumpkin auprès du New York Times. Après dix ans de pratique hospitalière, il troque l’ordonnancier pour les toiles blanches et met à profit la licence en beaux-arts obtenue alors qu’il travaillait encore en blouse blanche.

Il est un poil obsessionnel

Comme bon nombre de passionné·e·s, Henry Taylor ne peut s’empêcher de s’adonner à sa pratique créative. On raconte qu’il peint partout, tout le temps, sur tous les supports. Paquets de cigarettes, de lessive, valises ou cartons : tout y passe, en plus, évidemment, de toiles blanches traditionnelles. En plus de peindre, il crée des installations et des sculptures faites d’objets et matériaux collectés au fil de ses voyages, rencontres et balades dans des marchés aux puces.

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L’art est partout pour Henry Taylor. Preuve en est, il est constamment en train de créer, croquant des silhouettes au restaurant, dessinant ses ami·e·s sur le pouce ou peignant “en plein milieu d’une réunion”, tel que le décrit Bennett Simpson, conservateur de la grande rétrospective organisée en son honneur au MOCA l’année passée.

En multipliant les supports, les matières et les formes, l’artiste crée un dialogue constant entre le monde réel, immédiat, et celui, rêvé, façonné, qui naît sous ses doigts. Conversent aussi “l’histoire, la culture populaire et son propre vécu afin de présenter un commentaire social complexe”, élabore la maison d’art Sotheby’s. Ces multiples couches assurent au travail de l’artiste un regard frais et fécond où les récits ont tout le loisir de se multiplier et s’épanouir dans toute leur authenticité et sincérité.

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Il “refuse l’étiquette de portraitiste” et préfère celle de raconteur d’histoires

Ses toiles sont peuplées de visages et de personnes pourtant, Henry Taylor “refuse l’étiquette de portraitiste”, souligne la maison Hauser & Wirth. Ce rejet de l’étiquette est synonyme, pour l’artiste, d’un respect infini envers les individus qu’il raconte en peinture. Il ne peint pas des personnages : il narre des histoires complexes. “C’est sur une surface en deux dimensions, mais ce sont des êtres en trois dimensions”, appuie-t-il.

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Ces histoires narrées, ce sont celles de ses proches, de membres de sa famille mais aussi d’inconnu·e·s (sur lesquel·le·s il se renseigne et qu’il apprend à connaître), dont les visages remplissent son studio. Véritable “chasseur-cueilleur”, selon ses propres termes, il amasse activement “des coupures de journaux, des photographies historiques de figures des droits civiques [et] des clichés de personnes étrangères ou familières”. Chargées d’aplats vifs, d’objets disparates et de symboles, chaque œuvre encapsule des palimpsestes de récits que des mots pourraient difficilement contenir.

Ses œuvres racontent l’expérience noire

Les êtres qui occupent les toiles de Henry Taylor sont Noirs. Anonymes ou célèbres, jeunes ou âgé·e·s, seul·e·s ou à plusieurs, militant·e·s ou pas, ses modèles racontent les histoires plurielles de la Black experience aux États-Unis et au-delà. Le peintre célèbre des moments simples du quotidien autant qu’il dénonce racisme et discriminations. Le New York Times rappelle qu’il est l’auteur d’un portrait de Philando Castile, homme noir tué par la police en 2016, ainsi que de Every Brother Has a Record, un tableau qui dénonce les inégalités du système carcéral chez l’Oncle Sam.

Avec ses toiles figuratives, Henry Taylor s’inscrit au sein d’une génération prolifique d’artistes noir·e·s (comme Faith Ringgold, Kerry James Marshall ou Marcus Brutus) qui œuvrent à montrer la réalité noire par des voix concernées, longtemps exclu·e·s des musées. Dans la lignée du pouvoir narratif des quilts des siècles derniers et de la Harlem Renaissance (ce mouvement de renouveau de la culture africaine-américaine insufflé par des intellectuel·le·s noir·e·s au début du XXe siècle, qui revendiquaient une solidarité et une identité forte à travers les sphères artistiques et politiques), Henry Taylor ancre dans l’histoire visuelle états-unienne des récits silenciés, sous-représentés.

Il collabore avec les plus grands de ce monde

C’est sûrement sa volonté de raconter des histoires fortes et multidimensionnelles qui a convaincu de grands noms de l’art de collaborer avec lui. Il partage nombre de points communs avec Kendrick Lamar, qui a décidé d’accompagner ses derniers lives (à Lollapalooza par exemple) de toiles du peintre. Les deux artistes partagent la caractéristique de ne pas vouloir se limiter, ni à un genre musical pour l’un ni à un médium pour l’autre. Ils vouent leur œuvre et leur vie à raconter leurs expériences personnelles et celles de leur communauté. Leur travail a une portée artistique, sociale et historique.

En juin dernier, Pharrell Williams a lui aussi décidé de mettre à l’honneur le travail d’Henry Taylor. Des versions miniatures de ses œuvres ornaient la collection hommes Printemps-Été 2024 de Louis Vuitton. “Henry est un génie […]. On a plein d’êtres humains différents dans le rôle d’ambassadeur mais j’aime me concentrer sur les personnes afrodescendantes. On pourrait croire que j’ai un objectif spécifique mais ce n’est pas le cas. C’est moi, l’objectif”, déclarait alors la moitié des Neptunes à WallpaperDes arts visuels au textile en passant par la musique, Henry Taylor semble avoir le don d’ubiquité, nous poussant à abolir les frontières entre les arts et les êtres.

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