Nous avions très envie de rencontrer Pablo Pauly, à l’affiche de Blanche comme neige, le dernier film d’Anne Fontaine en salles le 10 avril, piqués depuis longtemps par la singularité du jeu de ce jeune acteur. Il est une figure encore discrète dans le cinéma français, mais il a le don de dynamiser les personnages qu’il porte à l’écran.
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Pablo Pauly est en interview comme devant la caméra : il dégage une présence électrique, accompagnée d’un débit de parole impressionnant. Il commence par nous raconter son parcours et comment son désintérêt pour l’école lui a permis de découvrir sa passion, celle du jeu.
“J’étais un cancre. À 16 ans, mon père m’a donc obligé à arrêter l’école. Comme j’étais un peu le rigolo de la bande, on m’a envoyé faire du théâtre. Je n’avais jamais lu un livre de ma vie.”
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Plus tard, alors qu’il n’aura plus les moyens de payer ses cours de théâtre, c’est une de ses professeures, Pétronille de Saint-Rapt, visiblement convaincue par son talent, qui lui financera quelques cours supplémentaires afin de lui offrir l’opportunité de passer le concours de la Classe libre, et ainsi d’intégrer le cours Florent.
L’urgence du jeu
Mais la véritable vocation de Pablo Pauly, c’est le cinéma. Ses cours de théâtre lui ont permis de faire ses armes et d’acquérir la technique nécessaire pour pouvoir faire des films. “J’ai été éduqué à travers le cinéma. J’ai longtemps été très seul et le cinéma m’a beaucoup aidé”, confie-t-il. Au cours Florent, il a appris le rythme, sur lequel il base son jeu d’acteur si singulier.
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On sent d’ailleurs une certaine urgence du jeu chez ce comédien pour qui jouer semble presque vital : “Je pense que je m’épanouirais même dans le doublage.” Et lorsqu’on lui pose la question des réalisateurs avec qui il aimerait travailler, il répond avec beaucoup d’humilité que son seul désir est de jouer.
“J’aurais un peu l’impression de faire mon marché”, plaisante-t-il, avant de finalement admettre qu’il rêverait de tourner avec Paul Thomas Anderson. Mais c’est sous la direction d’un autre Anderson, et non des moindres, qu’on le verra prochainement, pour un petit rôle dans le très attendu The French Dispatch, le prochain film de Wes Anderson tourné à Angoulême.
“Le talent d’un acteur réside dans ses choix”
Malgré cet irrémédiable besoin de jeu, Pablo Pauly veille à se construire une filmographie qui fait sens. Après sa performance bluffante dans Patient, adapté du roman autobiographique de Grand Corps Malade par Mehdi Idir et dans lequel il interprète un jeune homme tétraplégique incomplet, on s’étonne de le voir, depuis, essentiellement dans des rôles secondaires.
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Mais il souhaite prendre son temps et refuse donc de nombreux projets afin de s’investir dans ceux qu’il juge utiles. Utiles non pas pour lui, mais pour le public : “Je vais rarement voir les films que je fais. Ils sont pour le public. Moi, ils m’apportent au moment où je les fais, mais ils ne m’appartiennent pas.”
Son exigence à la sélection porte déjà ses fruits, puisqu’une vraie cohérence se dégage de sa toute jeune filmographie : on y trouve de nombreux films sociaux et sociétaux avec Discount, Les Invisibles, La Fille de Brest ou encore Carole Matthieu, ainsi qu’une thématique récurrente, celle du handicap, avec De toutes nos forces, Patient ou plus récemment Marche ou crève.
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Cependant, faire des choix est un luxe qu’il a acquis au fil du temps. Il cite volontiers Robert de Niro : “Le talent d’un acteur réside dans ses choix : j’essaie de suivre ce principe à la lettre.” Pour lui, peu importe le nombre de jours de tournage, son degré d’implication restera le même. Il est par exemple très fier de son rôle dans Les Invisibles, la comédie sociale de Louis-Julien Petit.
Sortir de sa zone de confort pour se réinventer
C’est grâce à ce rôle dans Patient, pour lequel il a été nommé au César du Meilleur espoir masculin, que Pablo Pauly a pu prouver l’étendue de son talent d’acteur. Un rôle qui a nécessité une transformation physique, où son corps, très affaibli pour l’occasion, est devenu sa principale arme de jeu. Une expérience qu’il aimerait beaucoup pouvoir réitérer.
“Je pense que si tu parviens à trouver ton corps, ta voix suivra car tout réagit en fonction de ton corps. Il est ton premier costume et raconte beaucoup de choses sur ton personnage.”
Au-delà de cette appétence pour la transformation physique, on a l’impression que Pablo Pauly peut tout jouer, du manager aux méthodes cruelles dans Carole Matthieu au prolétaire engagé dans Discount en passant par le ringard de la série Vingt-cinq, récit initiatique et générationnel d’une bande de copains démunis face à la crise existentielle qu’ils traversent à l’orée de leurs 25 ans.
Pablo y campe Adrien, ce pote prématurément installé dans une routine d’adulte, qu’il a pris beaucoup de plaisir à jouer. Le format sériel lui a permis d’installer une véritable évolution pour ce personnage, qui n’est pourtant pas le protagoniste de la série. Mais cette crise des 25 ans, qui s’érige dans la série en nouvelle crise de la quarantaine, le comédien avoue ne pas y avoir été véritablement confronté, ses choix existentiels s’étant imposés à lui à l’âge de 16 ans, lorsqu’il a arrêté l’école.
Avec Blanche comme neige, Pablo Pauly change de registre. Pour ce nouveau film, Anne Fontaine a retrouvé Isabelle Huppert et Lou de Laâge et a complété le casting avec Benoît Poelvoorde, Charles Berling ou encore Vincent Macaigne, avec qui elle a déjà travaillé.
Lui faisait partie des nouvelles recrues, aux côtés notamment de Jonathan Cohen, et parle de ce rôle comme d’un honneur qui lui a été fait. Il admire cette grande cinéaste et le casting qu’elle a réuni pour faire ce film : “J’étais comme au cinéma. Quand je ne tournais pas, je m’asseyais et je regardais.” Comme s’il n’avait rien perdu de l’innocence et de l’émerveillement des débuts.
Pour la suite, il compte varier les projets avec, dans les tuyaux, des films très différents. Il va notamment jouer dans Trois jours et une vie, adapté du romain de Pierre Lemaitre par Nicolas Boukhrief. Il sera également un guitariste raté aux côtés de Philippe Rebbot dans Un temps de chien, “un rôle de mec plus mou”, pour lequel il a dû s’apaiser.
“C’était très plaisant à jouer. Toute l’énergie que tu as, tu ne la mets pas au service de la rapidité ou du volume, mais au service de la densité. Ça commence à me plaire”, sourit-il. Et il continuera certainement à alterner les projets entre cinéma et télévision car, finalement, “la caméra est la même”. Et c’est tout ce qui semble compter pour lui.