Il a des clivages plus ou moins évidents quand on parle de Marvel — et ce, sans parler de ceux qui n’aiment pas du tout le MCU. À peu près tout le monde s’accorde à dire que le premier Gardiens de la Galaxie est une grande réussite, l’un des meilleurs de Marvel, là où sa suite divise — certains trouvant que l’aventure avec Ego a son charme, et est une grande réussite, quand d’autres trouvent ce deuxième volet plutôt mou et pas des plus intéressants.
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Le troisième s’est fait dans la douleur. Avant que ne sorte Avengers: Endgame, Disney virait le réalisateur James Gunn, à cause d’une série de vieux tweets ayant resurgi et faisant polémique. Le casting, et tout Internet, s’est mobilisé pour permettre à ce dernier de revenir quelques mois plus tard, mais entre-temps, sans doute vexé du traitement par la firme aux grandes oreilles et tenté par une proposition fort alléchante, Gunn se retrouve dans l’écurie d’en face, chez DC — d’abord pour un nouveau Suicide Squad, puis pour reprendre les rênes du DCEU.
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L’épisode d’un an où Gunn n’était plus derrière ce nouveau Gardiens a marqué les esprits. On savait que Dave Bautista ne voudrait plus revenir sous les traits de Drax, parce qu’il en a marre d’être un bouffon grimé, mais surtout parce qu’il en a marre de jouer chez Marvel — comme beaucoup d’entre eux. Après 10 ans de blockbuster, on comprend que nombre d’entre eux ne veuillent plus en être. Et Gunn non plus.
Ce troisième volet devait alors être le chant de cygne de la meilleure franchise au sein du MCU. La fin d’une trilogie, la fin de l’aventure en bande, la fin de la plupart des personnes concernées. On s’imaginait des adieux déchirants et un des films les plus émouvants.
Qu’en est-il ?
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Un film d’auteur chez Marvel ? Oui, tout à fait
On ne va pas vous faire attendre trop longtemps : oui, c’est le cas. En comprenant qu’on se fiche un peu de Star-Lord et en ayant l’intelligence de mettre en avant le personnage le plus intéressant et le plus riche de la saga, à savoir Rocket Racoon, James Gunn peut enfin nous tirer de sincères larmes. Il faut dire qu’on avait déjà bien exploré le passé de Peter Quill, et des sœurs Gamora/Nebula.
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En se concentrant sur les origines de Rocket, Gunn peut faire plusieurs choses : s’attacher à donner plus d’épaisseur à un personnage génial, nous montrer que ce personnage aussi a des “daddy issues” comme les autres de la bande, créer un grand méchant, et prolonger un message politique plus prononcé qu’à l’accoutumée — si les Gardiens ont toujours eu pour thème l’acceptation des autres malgré les différences, ce troisième volet est littéralement un pamphlet anti-maltraitance animale et contre l’exploitation et la torture d’êtres pour “la science”.
Pour toute la bande, l’histoire est celle de la guérison, de l’acceptation, de l’émancipation. Pour Star-Lord, il s’agit d’accepter que Gamora ne sera jamais celle qu’il a aimée. Pour Drax, accepter qu’il peut s’attacher à d’autres personnes. Pour Rocket, accepter d’avoir un petit cœur malgré son terrible passé. Pour Mantis, accepter qu’elle peut vivre en dehors d’Ego.
Pour ce faire, Gunn se doit de les séparer. Pas physiquement, mais psychologiquement. C’est le film Marvel le plus mélancolique et solitaire, et de loin. À commencer par cette introduction où sur une version acoustique de “Creep” de Radiohead, chacun vit dans son coin, avec ses regrets et son amertume — Rocket est profondément triste, Star-Lord alcoolique, et très rapidement, l’arrivée d’Adam Warlock détruit leur foyer (et le panneau Gardiens de la Galaxie au passage, symbole pas des plus subtils mais qui en dit long). On s’engueule, on se dit des choses qui font vraiment mal. Douloureux.
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[spoilers à venir]
Évidemment que la résolution sera plus heureuse ; c’est d’ailleurs un des problèmes du film, et de Marvel de manière générale, à vouloir exploiter son univers à fond, elle en oublie qu’il faut parfois aller au bout de ses idées. Le fait que Rocket s’en sorte n’a pas vraiment de sens, tant toute la construction du récit semblait être un adieu déchirant au personnage.
Sans doute parce que ce film est un adieu à toute la saga et plus uniquement à Rocket. On a les larmes aux yeux tout du long. Mais Gunn semble, quitte à parler des gros défauts du film, oublier de construire un vilain réellement écrit. On ne comprend pas les motivations de ce Maître de l’évolution. On pourrait aussi lui reprocher son traitement d’Adam Warlock, immense personnage de comics relégué à un élément comique qui n’est là que pour ses problèmes relationnels avec sa mère.
C’est en réalité un joli pied-de-nez à Marvel. Qui mieux que Gunn peut être impertinent au point de transformer ce qui s’annonçait comme le grand méchant du futur film, teasé dans une scène post-générique du deuxième, de ce personnage culte, en second couteau ridicule ? Et pas si ridicule, car lui aussi à le droit à sa rédemption. Assez malin, frustrant, mais malin. Après tout, on parle de l’auteur de Super, excellente parodie façon Kick-Ass de la figure héroïque.
Une preuve encore que Gunn a réussi l’exploit de faire un film d’auteur (on se comprend) chez Marvel. Mais là où c’est le plus flagrant, c’est dans l’exploitation du body horror, qui a fait les lettres de noblesse de son auteur — revoyez le très bon Horribilis, et le dernier Suicide Squad. C’est le plus craspouille des Marvel. Charnel, visqueux, organique.
Que ce soit avec une planète faite de chair, un méchant à la peau tirée façon RoboCop dégueulasse, des compagnons de cellule pour notre raton laveur préféré rappelant les jouets difformes de Toy Story (en 1 000 fois plus attachants), c’est du jamais-vu dans le MCU — alors même que le dernier Doctor Strange de Raimi poussait déjà les potards à fond.
C’est donc un objet inédit, plus graphique, plus profond, plus mature, plus beau (car oui, il faut aussi souligner des VFX parmi les plus soignés depuis The Eternal), et plus émouvant. Pas le meilleur Marvel, pas exempt de défauts, mais on s’en rapproche. Pas sûr qu’un cinéaste réussira cet exploit à nouveau.