Quand on entre au BAL, des photos de cabanes enfantines abritant des adultes nous accueillent. À côté, des vidéos en boucle montrent des gestes de tendresse ou de violence répétés. C’est dans la tension constante ressentie au sein de la cellule familiale que se construit l’exposition “Entre nous” de Joanna Piotrowska, photographe qui emprunte à l’art de la performance pour ses mises en scène composées de vidéos et de photographies souvent monochromes.
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Comme une autopsie, explique LE BAL, sa série Frowst – commencée en 2014 et présentée dans le cadre de cette exposition qui court jusqu’au 21 mai 2023 – explore les “relations complexes et ambiguës” de la famille où se jouent le traumatisme, l’emprise, la suffocation, l’enfermement, la violence, le silence, la colère et la tendresse. Des sentiments et rapports de force qui agissent “comme un miroir de la société tout entière” et de ses “multiples systèmes de domination”.
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Les postures des modèles sont acrobates, jouées ou chétives, le décor est toujours domestique et ces mises en scène bâtissent un album de famille nucléaire d’un genre singulier. Pour réaliser ces images, l’artiste d’origine polonaise s’est “inspirée des pratiques thérapeutiques de groupes”, “des écrits de la psychologue féministe états-unienne Carol Gilligan et de manuels d’autodéfense”, et a “demandé à des proches de poser en famille”.
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“Certaines ‘situations’ m’ont été inspirées par les constellations familiales de Bert Hellinger, qui met en évidence des gestes spécifiques, des positions de corps par rapport à d’autres corps ou des jeux de regard. […] Les participants, si l’on en croit la méthode Hellinger, se tiennent debout en formant un cercle, sur une sorte de scène où les corps, exactement comme dans l’autodéfense, manifestent un langage qui leur est propre, souvent par la répétition de gestes. Cela a été une source d’inspiration de voir un langage corporel inédit s’exprimer dans le cadre d’une méthode qui accorde une grande importance au contexte historique et social. […]
J’ai demandé à des amis de concevoir avec moi des situations dans lesquelles ils poseraient avec des membres de leur famille dans des positions parfois empruntées à des sessions de ‘thérapie’ et parfois inspirées par des photographies d’eux-mêmes dans un cadre familial. En résulte des situations complètement fictionnelles photographiées selon les conventions du documentaire. […] Il m’est important de passer de l’animal à l’humain, de l’humain au foyer, du foyer à la cage, de la cage au refuge, à la sécurité, à l’intimité, au toucher. Je navigue entre ces différents points de référence, tout en essayant de mettre au jour leurs ramifications”, raconte-t-elle à Magdalena Komornicka, commissaire de son exposition qui s’est tenue en 2020 à la Zachęta National Gallery of Art de Varsovie.
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“Remarquée à la dernière Biennale de Venise et lauréate du Lewis Baltz Research Fund 2018 initié par LE BAL”, Joanna Piotrowska se plaît à brouiller les pistes de ces partitions jouées à deux ou à trois. S’agit-il du réel ou de la fiction ? S’agit-il d’une scène d’amour ou de désamour ? S’agit-il d’une menace ou d’une réconciliation ? S’agit-il d’une oppression ou d’une protection ? Comme l’exprime LE BAL, “ces images de corps étrangement entrelacés, où la ligne ténue entre étreinte et contrainte n’est plus si claire, font ressentir toute l’ambiguïté qui habite son œuvre”.
Pour compléter cette étude de l’intime et de la famille, Joanna Piotrowska achève son exposition avec des images très personnelles qu’elle a découvertes récemment dans ses propres archives : celles que son père a prises quelques années avant qu’elle naisse. À partir de ces photos et grâce à un téléobjectif, elle zoome sur les détails constituant l’ensemble de ce passé, des vases posés sur des buffets, des mains qui s’enlacent. Des détails qui existaient bien avant que l’artiste n’ait vu le jour.
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