Alors, tu es plutôt East Coast ou West Coast ? Ce choix cornélien est devenu un signe de ralliement, un drapeau, une conviction, un parti du rap dans les années 1990, jusqu’à devenir une véritable guerre planant sur toute l’industrie et tuant au passage plusieurs légendes du milieu, notamment les icônes 2Pac et Biggie. Aujourd’hui, pour les 50 ans du hip-hop, on vous parle de la cérémonie qui a tout changé, celle qui cristallise tous les enjeux du rap des années 1990, les Source Awards de 1995.
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À la fin des années 1980, un groupe californien attire toutes les attentions : N.W.A. Tout le monde du rap a les yeux rivés sur Los Angeles, sur la West Coast, c’est totalement nouveau, et la East Coast, notamment les rappeurs originaires de New York, commence à prendre le seum. En 1991, Tim Dog lance les hostilités avec son violent “Fuck Compton” qui attaque N.W.A. en citant Eazy-E ou Dr.Dre, membres du groupe.
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La montée californienne
Le même Dr.Dre quitte N.W.A. quelques mois plus tard pour créer Death Row avec Suge Knight, un garde du corps membre du gang des Bloods, les rouges, devenu force d’intimidation dans l’industrie musicale. Death Row lance The Chronic, l’album classique de Dr.Dre en 1992 avec une réponse à Tim Dog au passage puis Doggystyle, le premier album de Snoop Doggy Dogg en 1993, un nouveau classique. Death Row débarque en trombe et la West Coast n’a jamais été aussi haute.
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Du côté Est, Puff Daddy, un jeune producteur qui a fait ses armes dans le R&B et le new jack du label Uptown crée son propre label Bad Boy Records en 1993 avec deux artistes : Craig Mack et Notorious B.I.G. En 1994, le premier album de Biggie sort, Ready to Die, avec quelques sonorités proches des sorties de Death Row. La East Coast reprend ses droits, la guerre des idées est lancée.
Notorious B.I.G. est proche d’un rappeur né à New York mais devenu totalement californien : 2Pac. 2Pac n’est pas un tendre, il dérange pas mal de monde mais reste proche de New York et de ses rappeurs. Mais le 30 novembre 1994, 2Pac se fait tirer dessus dans l’ascenseur d’un studio d’enregistrement à New York. Il accuse Biggie, Puff Daddy et Bad Boy Records d’être derrière tout ça. La tension monte des deux côtes. Ça, c’est le décor. Maintenant le pitch.
Chaque discours met de l’huile sur le feu
En 1995, le magazine The Source est la référence absolue en matière de rap. Ses chroniques d’albums notées avec cinq micros deviennent le véritable Graal de tous les artistes. Pour continuer cette omniprésence culturelle, The Source lance ses Awards en 1994, des récompenses spécifiques au rap. Le 3 août 1995 a donc lieu la deuxième édition au Paramount Theater de New York. Alors que ce n’était pas vraiment prévu, cet événement devient le pic de la rivalité entre East Coast et West Coast.
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Le label Death Row est venu en force à cet événement, fort des succès de Dr.Dre et de Snoop Dogg. De l’autre côté, Puff Daddy et son label Bad Boy marquent les rangs avec le succès fulgurant de Notorious B.I.G. sur les derniers mois. Alors que la récompense de meilleur groupe de l’année est attribuée au Wu-Tang Clan alors au top, la tension monte car la plupart des autres récompenses sont données soit aux artistes Death Row, soit aux artistes Bad Boy. Et chaque discours rajoute de l’huile sur le feu.
Quand Suge Knight monte pour accepter la bande originale de film de l’année, il propose dans son discours aux artistes intègres de venir dans son label car il leur promet que lui ne dansera pas bêtement dans leurs clips vidéo. Ouch, attaque directe à Puff Daddy réputé pour faire ça. Problème : on est à New York, toute l’assistance le hue. Alors que Dr Dre récupère la récompense de producteur de l’année, Snoop Dogg se fait huer aussi en disant la phrase légendaire : “Alors, la East Coast n’aime pas Dr.Dre et Snoop Dogg ??”
L’ambiance est lourde, violente, le mouvement hip-hop n’existe plus, le rap est morcelé. Plus tard, alors que Biggie récupère la plupart des autres récompenses, Puff Daddy fait un discours d’apaisement, Snoop essaie aussi mais rien n’y fait, le monde entier du rap a été témoin de la violence et de la guerre fratricide qui se mettait en place. Le hip-hop avait été créé pour stopper la violence, elle lui revenait en pleine face.
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Après cette déclaration de guerre à la vue de tous, Suge Knight signe 2Pac sur Death Row quelques semaines plus tard et l’artiste va tirer à boulets rouges sur Biggie, Puff Daddy et Bad Boy dans une lutte quasi suicidaire jusqu’à sa mort par balle, le 13 septembre 1996. Quelques mois plus tard, le 9 mars 1997, Biggie meurt lui aussi par balle lors d’une fusillade à Los Angeles. Ces deux meurtres et plein d’autres à côté comme ceux de Big Jake ou de Stretch font suite à l’escalade des Source Awards de 1995.
Le Sud a quelque chose à dire
Pendant ces mêmes Source Awards, un jeune duo obtient la récompense de Meilleur nouveau groupe. Il s’agit de Big Boi et André 3000 du groupe OutKast. Et OutKast n’est pas East Coast, OutKast n’est pas West Coast. Alors qu’il est hué par la foule (oui encore), André 3000 donne un discours fort en disant juste : “Le Sud a quelque chose à dire”. En effet, quelques années plus tard, le sud des États-Unis va devenir le centre du rap avec des villes comme la Nouvelle-Orléans, Houston ou surtout Atlanta dont sont issus OutKast. Les Source Awards de 1995 marquent aussi la lente fin de l’hégémonie de Los Angeles et de New York sur le rap. Bientôt, le Sud va prendre le pouvoir. Mais ça, c’est une autre histoire. Et au final…
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