On était au Red Bull Batalla de los Gallos, le concours de freestyle des meilleurs rappeurs hispanophones

Publié le par Sophie Laroche,

©Rodrigo Chapa

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“Tout le monde sait parler, certains savent rimer, seuls les meilleurs savent improviser” : c’est la devise du Red Bull Batalla de Los Gallos, une compétition d’impro internationale qui s’est déroulée le dimanche 3 décembre dernier au Mexique. Retour sur cet évènement marquant qu’on a pu vivre depuis les gradins de l’Arena Mexico.

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C’est souvent le souffle coupé qu’on découvre Mexico. Tout d’abord parce que les proportions de la ville, tout comme sa culture, sont incroyables. Mais aussi, et de manière plus pragmatique, car la capitale mexicaine se niche à plus de 2 240 mètres d’altitude. Or, plus on prend de la hauteur, et plus l’air – nécessaire à ceux qui débitent plus vite que leur ombre – se fait rare.

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Cela ne semble pourtant pas être un obstacle pour les seize MCs latino-américains et espagnols qui s’y sont retrouvés le 3 décembre dernier pour se disputer le titre de meilleur freestyler hispanophone de l’année, lors de la finale internationale du Red Bull Batalla de Los Gallos. Et pourtant, l’improvisation est un art qui nécessite du souffle.

Un combat de coqs au sommet

“Je ne dirai pas que ça fait partie de la culture mexicaine, moi-même je ne connaissais pas l’événement avant cette année”, nous confie un membre du public, qui s’est retrouvé là un peu par hasard, invité par son frère. Difficile de croire que ce soit le cas pour les autres spectateurs quand on pénètre dans l’Arena Mexico, une des plus grandes et des plus anciennes salles de lucha libre (lutte libre) du pays.

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Et en ce soir de finale, ce ne sont pas moins de 11 000 personnes qui sont venues acclamer non pas des lutteurs masqués, mais des artistes passés maîtres dans l’art de l’improvisation.

Quand nous arrivons sur place, trente minutes avant le début du show, on constate que la queue devant l’arène est impressionnante, tout comme l’ambiance générale qui émane de la salle. Même avant le début du concours, c’est l’équivalent de deux Zénith qui s’époumonent pour soutenir un champion, dans une atmosphère finalement digne des combats de luchadores.

Après avoir chauffé la salle, lui demandant de faire le maximum de “ruido” (“du bruit” en espagnol), le maître de cérémonie annonce le début de la compétition, qui démarre par les 8e de finale. Le public a déjà ses préférences à en juger par les acclamations à destination des performers locaux. Chauvins mais fair-play, les spectateurs saluent néanmoins les punchlines les plus dévastatrices – peu importe la nationalité de celui qui les prononce.

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Si chaque épreuve comporte ses règles, il en existe pourtant une qui prime sur toutes les autres. Pour les seize MCs en compétition, aucune préparation n’est requise. Les concurrents découvrent les thèmes de leur freestyle, ainsi que les prod’, au dernier moment – en même temps que leur adversaire. Ils disposent ensuite de rounds de 60 à 120 secondes pour faire leurs preuves.

Le jury, composé d’artistes locaux et de membres de l’industrie musicale sud-américaine, va ensuite valoriser et récompenser différents critères tels que le rythme, la créativité, la valeur poétique, la capacité d’improvisation et, bien sûr, le respect des consignes.

Pendant l’heure et demie qu’a duré la finale, il s’agissait donc pour les participants, en fonction des rounds, d’improviser autour d’un seul thème, de placer trois mots imposés, ou encore de lutter contre un adversaire le temps de quatre mesures.

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Pour intimider l’autre, à chacun sa technique. Si certains se toisent du regard, se jaugent et tentent l’intimidation par l’attitude, d’autres se tournent vers le public pour y puiser du soutien. À la fin de chaque épreuve, un concurrent se voit éliminer définitivement, dessinant un peu plus la silhouette du grand vainqueur.

Déjà dix ans d’improvisation

C’est à Porto Rico, berceau du reggaeton et territoire grandement influencé par le hip-hop venu des États-Unis, qu’a été initiée, en 2005, la première édition du Red Bull Batalla de Los Gallos. D’abord mis en place comme un tremplin pour les meilleurs freestylers hispanophones, le concours s’est converti, au fil des années, en événement international majeur dans le monde de l’impro, devenant le plus important d’Amérique latine et d’Espagne.

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Souvent trustée par les artistes espagnols qui ont remporté pas moins de cinq finales en onze ans d’existence du concours, la compétition a cette année sacré un champion mexicain. Prophète en son pays, Aczino, de son vrai nom Mauricio Hernandez, est un jeune homme de 26 ans qui traîne déjà derrière lui une sacrée carrière de freestyler.

Plusieurs fois couronné lors de compétitions nationales, le rappeur, qui vient de sortir son troisième album, Inspiracion Divina, a déjà été sacré trois fois champion du Mexique en 2014, 2015 et 2017. Il repart cette année avec la ceinture internationale, la seule qui lui manquait. Gagnant face à Wos, le jeune outsider argentin qui faisait ses premiers pas dans la compétition, Aczino concédera à son adversaire : “J’ai fini par penser que personne n’allait remporter la victoire.”

En France, la première édition du Red Bull Dernier Mot

Cette année, la France a connu pour la première fois son équivalent national, le Red Bull Dernier Mot. Pas encore une arène de 11 000 personnes, mais déjà un Bataclan complet pour cette compétition qui a réuni à Paris les treize MCs les plus talentueux de France devant un jury assez exceptionnel : le journaliste Mehdi Maizi, les rappeurs Youssoupha et Deen Burbigo, Stéphane de Freitas, le créateur du concours Éloquentia, et Artik, spécialiste de l’impro.

De ce concours hexagonal, c’est le MC Res Turner qui est sorti vainqueur. Battant le Bordelais Fleyo lors d’une finale riche en émotions, le rappeur de 35 ans, tout comme son homologue mexicain, n’est pas nouveau dans le game de l’improvisation. Double champion du monde du battle End of the Weak, un “concours de MC qui met notamment en avant les capacités d’improvisation, ce dernier a aussi brillé lors des Rap Contenders.

Atypique, Res, quand il n’improvise pas sur les mots qu’on lui donne, fait preuve d’éloquence pour défendre les causes qui lui sont chères. Vegan affirmé, le rappeur partage sa vie entre le hip-hop et son emploi au sein de l’association L214, qui milite pour la reconnaissance de la sensibilité des animaux.

Ne pouvant rivaliser en espagnol avec les luchadores locaux, Res s’est néanmoins rendu à Mexico pour assister à l’évènement international. Assez impressionné par les performances qu’il a vues se dérouler devant ses yeux, il nous fait part de son admiration pour le champion mexicain.

À nous entendre débattre en français, des journalistes locaux curieux s’approchent et finissent par demander des photos au champion hexagonal, ravis de voir la compétition s’exporter. Et quand Booska-P demande à Aczino ce qu’il pense de la création d’une édition française, il explique qu’il a regardé la performance de Res et, bien qu’il n’ait pas tout compris, qu’il a trouvé ça assez lourd. Ça tombe bien, nous aussi.