Il est costaud, le crâne chauve et a une allure de bad boy. Pourtant, le rappeur belge vient de sortir un album énigmatique, sincère et thérapeutique. Sorti le 31 mars, Masque de chair va creuser au plus profond des entrailles de l’artiste pour dévoiler une sensibilité accrue et une plume poétique.
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Avant de réagir aux morceaux de Masque de Chair, il est important de se poser quelques secondes et d’observer la cover. Que ressentez-vous face à cet enfant au regard pensif mais interrogateur ? Qui est-il ? Se cherche-t-il ?
La réponse est oui. Ce petit garçon représente Scylla, Gilles de son vrai prénom, âgé de 36 ans. Il a choisi d’être représenté par un minot car il a encore tout à apprendre, il n’est pas conditionné par la vie. Il apprend de ce qu’il voit, il pense par ce qu’il vit. L’artiste cherche à rembobiner la machine du temps, à revenir à ce stade de l’innocence, lorsque le cerveau n’est pas encore pourri par les opinions des autres.
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Son premier titre se nomme “Qui suis-je ?” et annonce directement la couleur.
“Comme toi je ne suis peut-être pas ce que je semble être. Je me croyais différent des autres mais cette enveloppe charnelle est un masque et je porte en moi les chromosomes de l’humanité entière.”
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D’emblée, Scylla dissocie la chair et l’esprit, l’apparence et l’authenticité, le vrai du faux. L’artiste dénonce un monde trop focalisé sur l’apparence, éloigné de la réalité.
Scylla est guidé par un fil invisible qui l’accompagne dans tous ses mouvements
Il poursuit avec un morceau qu’il dédie à son “groupe d’âmes”. Scylla se sent et se sait connecté à des inconnus. Il décrit une sensation que beaucoup d’entre nous ont déjà connu : croiser une personne, et ressentir que quelque chose se passe. Vous vous êtes peut-être déjà croisés dans une autre vie, explique Scylla. En tout cas, lui a envie d’y croire parce que “l’idée lui plaît”.
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Se taire pour laisser parler le silence
Le Bruxellois rend ensuite hommage à sa “bonne étoile”. Le regard levé vers le ciel, Scylla l’a constamment et n’hésite pas à le dire dans ses morceaux. Il exprime davantage son respect et son attachement pour les défunts partis trop tôt dans “Vivre”. Un titre qu’il adresse à sa maman, décédée il y a deux ans.
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“Quand je ne sais pas plus quoi dire, je me tais autant qu’il faut. Je me souviens à quel point deux êtres s’aiment. Réponds-moi, est-ce que tu me vois vivre ? Est-ce que tu nous vois vivre ? Comme je t’ai vu mourir.”
Dans “Vivre”, l’artiste dit “tendre le micro vers le ciel lorsqu’il ne sait plus quoi dire”. Un geste symbolique pour permettre une reconnexion avec celle qu’il aimait tant.
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Si les mots ont un impact, pour Scylla le silence est plus fort. C’est pourquoi il laisse place au calme dans ses morceaux. Il donne sa chance à la mélodie de devenir reine le temps d’un titre. “Masque de Chair” raconte le quotidien de ceux qui se cachent. Ils préfèrent porter un masque qui n’est pas le leur pour paraître plus forts, intéressants, ou tout simplement moins tristes. Ils dissimulent une vie faussée sous une apparence plus “tolérable”.
“Sans visage tu m’as l’air vide. Tu ne peux plus te cacher sous un masque de chair. Ça fait quoi d’avoir l’esprit à l’air libre. Vertige. L’air libre.”
Et toi ? Qui es-tu vraiment ?
“Et toi” interroge sur la question la plus existentielle possible : “Qui es-tu vraiment ?” Ce morceau a été écrit d’une traite. Son pianiste, Sofiane Pamart a débuté la mélodie, et Scylla a tout de suite trouver les mots pour l’accompagner. Il entraîne un réel enchaînement de questions mais Scylla a la capacité de rendre libre l’interprétation de chacun de ses projets.
“La tête ailleurs” est une nouvelle façon d’affirmer son attrait et sa croyance pour la spiritualité. Il se rappelle de ce moment où il était assis sur une chaise, pendant que son esprit était parti vagabonder dans d’autres horizons.
“Il est parti au royaume des morts pour leur crier à quel point j’aime ma vie.”
Le morceau pour délirer : “Arrête tes couilles”
Comme Scylla sort un album profond, aux lyrics engagés, il s’autorise quand même un délire avec “Arrête tes couilles !” Cette expression belge signifie “arrête tes mensonges”. Scylla se dit “dégoûté de vivre dans un monde où les gens racontent de plus en plus de conneries.”
Il a toutefois trop de choses à dire pour sortir d’autres morceaux “légers”. Alors, il adresse un message aux “Victimes et bourreaux”, un des titres de l’album. Il dit que peu importe l’endroit, le contexte, l’époque, il y a et aura toujours deux catégories de personnes : celles qui subissent et celles qui font subir.
Le Bruxellois préfère des collaborations sincères plutôt que des grands noms pour faire du buzz
Dans “Esprits fraternels”, Scylla ne savait pas ce qu’allait donner le titre mais savait qu’il allait bien rendre car il partage ce morceau avec son ami depuis 10 ans, B-lel. Une belle déclaration d’amitié que seule la musique leur permet d’exprimer.
“Je pense qu’on ne peut pas se rater quand on lance un délire entre frangins, parce que la musique passe après le fait d’être des frangins.”
En route vers un futur album
Scylla clôt cet album avec son 15ème son : “En attendant une prochaine vie.” Encore une fois, il fait un clin d’œil à l’au-delà et ressent même l’impression de ne pas être à sa première existence. Il se dit prêt à être transporté dans un autre corps, dans une autre âme.
“Pour l’instant je suis ici, je devrai peut-être bientôt m’absenter. Je me considère comme en simple visite, mais est-ce quelqu’un m’attendait ?”
Pour sûr, si vous attendez son prochain album, Scylla a promis de ne pas mettre 4 ans entre les deux projets et a même commencé l’écriture. Si Gilles a l’esprit furtif et voyageur, il compte bien satisfaire son public dans un futur très proche.