Le nouveau phénomène de la pop, ancienne égérie Disney, propulsée par son “drivers license” en 2021 continue de dépeindre la teenage angst de la Gen Z en racontant l’année de ses 19 ans sur un deuxième album plus rock, punk et vénère que jamais. L’occasion de nous replonger le temps d’un instant dans nos sentiments adolescents ultra-dramatiques inavouables – et de reconnaître qu’ils ne nous ont finalement jamais vraiment quittés. Entièrement écrit par la jeune autrice-compositrice, GUTS est un hybride pop-punk autofictif qui élève davantage son écriture si spécifique : narrative, osée et résolument moderne.
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“I don’t get angry when I’m pissed/I’m the eternal optimist” (“Je ne m’énerve jamais quand je suis contrariée/Je suis l’éternelle optimiste”), rugit Olivia Rodrigo sur fond de guitares criardes et d’arrangements tapageurs sur “all-american bitch”, le titre introductif de son nouvel album. Un contre-pied qui fait sourire, surtout quand on s’aperçoit de la rage qui coule de la plupart de ces nouveaux morceaux. L’esthétique lolita de la chanteuse reste encore un peu, empruntant à son premier disque Sour l’innocence adolescente et romantique qui avait gagné le cœur du monde entier à ses débuts et qu’on retrouve encore ici sur plusieurs ballades sentimentales accrocheuses. Mais les années ont passé, et comme son titre “brutal” l’indiquait déjà deux ans plus tôt, Olivia Rodrigo a aujourd’hui envie d’exprimer les teintes plus écorchées et matures de son identité.
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L’adolescence ultra-vénère
Sous son esthétique soignée, teintée de violet et d’un style girl next door bien américain, la nouvelle voix pop introduit la jeune génération à la fièvre pop-punk de groupes comme Paramore, Fall Out Boy, ou encore à celle d’Avril Lavigne, dont l’influence se fait évidente sur GUTS. D’entrée de jeu, le morceau introductif de l’opus, “all-american bitch”, offre une progression à l’image de la mue d’Olivia Rodrigo, une première minute légère reposant sur un riff de guitare sèche jovial, avant de basculer dans un registre plus frontal de percussions et de gratte électrique, qu’on retrouve plus fort et contagieux encore sur “ballad of a homeschooled girl”.
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Des titres comme “bad idea right?” ou “get him back!” canalisent cette même rage exaltante pour la laisser s’abattre sur les sentiments amoureux niais. Olivia Rodrigo délaisse la sagesse de son romantisme pour embrasser des notions comme le désir, l’erreur assumée et le lâcher-prise. Des notions qui collent parfaitement à cette nouvelle mouture rock. “Do I love him? Do I hate him?” (“Est-ce que je l’aime ? Est-ce que je le déteste ?”) se demande-t-elle, avant de se résoudre à seulement suivre son instinct : elle le veut sur-le-champ, aussi imparfait soit-il. Un discours qui fait sourire, spontané et naturel, et qui la défait enfin de son étreinte victimisante de cœur brisé, largement exploitée sur SOUR.
L’adolescence ultra-drama
“vampire”, le premier single de cette nouvelle ère, l’annonçait déjà : Olivia Rodrigo n’a rien perdu du côté drama queen dans lequel on avait toutes et tous reconnu une part de nous sur le précédent album, cette façon de romantiser les banalités de nos vies, de dramatiser la moindre romance (même fictive) ou de trouver du sens à nos moindres ruminations, même les plus futiles. Olivia Rodrigo légitime ce langage de l’extra, de l’autofiction, en rajoutant des couleurs à son vécu et ses histoires.
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Et même si on partage des quotidiens diamétralement opposés à celui de la nouvelle pop star montante, on se retrouve tout de même dans ces histoires universelles : dans les gros chagrins ouin-ouin, les désillusions sentimentales de “the grudge” et “logical”, la relation à soi de “pretty isn’t pretty” ou encore la crise identitaire de “making the bed” – l’un des meilleurs textes de l’opus. On a toutes et tous en nous quelque chose d’Olivia Rodrigo.
On retient finalement une tristesse inattendue, plus mature que tout ce qu’elle a pu nous offrir jusqu’ici, et qui explose sur “teenage dream”, qui conclut l’album. Le morceau se démarque du lot par son authenticité frissonnante, l’artiste s’y confiant sans filtre sur la mélancolie qui accompagne son ascension fulgurante et son passage à l’âge adulte. “Got your whole life ahead of you, you’re only nineteen/But I fear that they already got all the best parts of me” (“Tu as toute la vie devant toi, tu n’as que 19 ans/Mais j’ai peur qu’ils n’aient déjà volé toutes les meilleures parties de moi”), chante Olivia, sur un arrangement piano-voix délicat. Notre ballade pop “crève-cœur” de l’année.
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Même si on regrette certains titres oubliables, comme “lacy” ou “love is embarassing” qui se révèlent moins affirmés que le reste du disque, GUTS prouve que l’efficacité de la pop d’Olivia Rodrigo n’a pas perdu de son souffle et ne s’est décidément pas laissé impressionner par l’exercice du second album. Un disque qui confirme les suppositions que Sour avait fait germer : elle est bel et bien la voix d’une génération, mais également d’un sentiment. Celui de l’adolescence qui, à tout âge, résonne encore et toujours.
GUTS est dispo sur toutes les plateformes de streaming.
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