Depuis plus de onze ans maintenant, Iron Man et tous les films du Marvel Cinematic Universe (MCU) nous enchantent avec une aventure XXL narrée sur le long terme. On parle souvent des cinéastes et des acteurs, mais dans l’ombre de ces stars, se cache un paquet d’artistes essentiels au MCU.
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Nous vous avions déjà parlé de Stéphane Ceretti, le Français qui supervise les effets spéciaux de vos films préférés. Mais avant qu’il ne rentre dans l’arène, un autre homme a designé la plupart des personnages des films du MCU : Ryan Meinerding.
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Alors que sort en vidéo le monstrueux Avengers : Endgame, et avant de le retrouver au Comic-Con de Paris en octobre prochain, nous avons discuté avec ce dernier. L’occasion de revenir sur son arrivée dans le MCU, la conception du premier Iron Man et le challenge d’amener une soixantaine de personnages à l’écran.
Konbini | Pour commencer, comment en êtes-vous arrivé à bosser sur le premier Iron Man ? Il me semble que vous travailliez à l’époque sur un film auquel Jon Favreau a participé, John Carter.
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Ryan Meinerding | Oui, exactement ! Je travaillais avec Iain McCaig – qui était le directeur des designs des prequels Star Wars –, sur plusieurs projets, dont John Carter. Il était l’un de mes héros, donc qu’il me recrute était un rêve [rires].
John Carter était censé être réalisé par Jon Favreau, qui avait recruté une petite équipe de designers. Il y avait Iain McCaig, David Grant, Ryan Church et Phil Saunders. On se ramenait dans la maison de Jon tous les vendredis pour montrer ce qu’on avait dessiné pendant la semaine. Mais ça n’a pas duré longtemps, pas plus de six ou sept semaines. Mais je travaillais à fond. Je ne devais bosser sur le projet que deux jours par semaine, mais je bossais finalement sept jours sur sept, pour faire de mon mieux.
Jon appréciait mon travail, et quand le projet est tombé à l’eau, il a commencé à enchaîner sur un autre film, qui était Iron Man. Et il m’a recruté pour ça !
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Quand vous êtes arrivés sur ce projet, quel était votre poste, concrètement ? Vous n’étiez pas encore le chef du département visuel comme c’est le cas actuellement.
Bien sûr ! À Hollywood, tu as tout un tas de strates dans les départements artistiques. Tu as un directeur des designs, qui est à la tête d’un département de design, où l’on trouve tout un tas d’illustrateurs et de designers. C’était mon cas à l’époque. Je suis arrivé avec Phil Saunders. On était une petite équipe principale à plancher sur le design des personnages.
Je m’occupais notamment de la première armure, Mark 1, et j’ai bossé avec Audi pour faire Iron Monger [le vilain joué par Jeff Bridges, ndlr]. Puis on a bossé à plusieurs sur les armures Mark 2 et 3. On a eu beaucoup d’allers-retours avec Jon, pour comprendre sa vision et ce qu’il voulait faire avec le personnage. Quand on pensait avoir vraiment ce qu’il voulait, on le montrait à Jon et aux producteurs, puis on avançait.
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Il y a eu aussi des scènes du film où j’ai aidé. Jon m’a notamment demandé de trouver ce que Tony ferait dans son garage quand il construit ses armures. J’ai donné quelques idées, notamment pour les séquences de test des chaussures. Il y a eu aussi l’évasion de la caverne, le réacteur Arc… Tous les dessins que fait Tony quand il conçoit son amure sont de moi. Ce qui est assez stressant, parce qu’ils étaient en train de tourner les séquences : j’étais donc sur le tournage, à dessiner, très rapidement… J’ai aussi bossé sur les décors.
J’ai fait plein de choses sur ce film, en vérité [rires].
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Quand vous bossiez sur les premières versions de l’armure Mark 1, à quel point vous êtes vous appuyé sur les comics (tout en gardant en tête qu’il fallait que l’armure soit un minimum réaliste) ?
Le processus est resté plus ou moins le même sur le reste du MCU depuis le premier Iron Man : en les réajustant, bien sûr. Plusieurs choses. D’abord, on se plonge dans tous les comics : on essaye de bien comprendre ce qui fait le personnage, son costume, ses outils, les choses à mettre en avant. Puis on regarde ce qui est nécessaire à l’histoire, au scénario.
L’idée que Tony ait construit sa première armure dans une cave, à partir de rien, sans aucun modèle au préalable, fait qu’on a créé l’armure comme si elle n’était que des bouts de métal collés les uns aux autres. L’armure Mark 1 des comics donne l’impression que c’est une version très propre et définitive – et même si elle est grise et faite de métal brut, ça fait poli. Jon préférait quelque chose de plus artisanal, car le personnage n’a pas accès à tous les outils possibles.
On a quand même fait attention aux gants, aux chaussures et même au casque (avec l’ouverture pour les yeux) des comics. Mais le scénario fait qu’on a dû faire la devanture plus solide, car il est censé se manger des salves de tirs d’armes à feu en pleine face – il fallait donc que l’armure soit assez résistante sur le devant, par exemple.
Après ce film et sa suite, vous êtes devenu superviseur du développement visuel de Thor. Qu’est-ce que ça changeait dans votre quotidien ?
Ah… C’est une très bonne question. En réalité, c’était peu ou prou le même job. J’avais peut-être plus de responsabilités qu’auparavant. Notamment sur Captain America : The First Avenger, où j’ai bossé avec Charlie Wen sur le design de tous les personnages. On a trouvé une équipe, et on a dû quasiment tout faire seuls. Je m’occupais des héros et Charlie des vilains, en gros.
Mais en dehors de ça, après Captain America, les boss de Marvel ont recruté une grosse équipe pour le film Avengers. Il allait y avoir plus de héros, plus de personnages, plus de vilains, et donc beaucoup plus de boulot. C’est vraiment le film où mon rôle a changé, car je suis devenu le manager de cette équipe à partir de ce moment-là.
Pour le premier Avengers, avez-vous exploité vos brouillons des films précédents ou avez-vous tout retravaillé ?
Un des avantages d’avoir bossé sur les films précédents, c’est qu’on a la chance d’exploiter tout ce qu’on a fait avant. Habituellement, sur n’importe quel projet, on vient à la toute première réunion avec les producteurs et les réalisateurs avec tout ce qu’on a fait auparavant. On montre à quoi ressemblaient les personnages dans les films précédents, on montre des croquis qu’on n’a jamais exploités – même si ce n’est pas très pertinent, ça montre des exemples de ce qu’on peut ou veut faire.
Pour le premier Iron Man, vous pouviez vraiment faire ce que vous vouliez, vu que c’était le premier film sur ce personnage. Par contre, ce fut plus compliqué de ramener Hulk dans le premier Avengers : il y avait déjà eu deux films, et le design ainsi que l’acteur avaient une nouvelle fois changé. Comment avez-vous abordé les modifications de ce personnage, qui devait mine de rien rester un peu proche de la version d’Edward Norton ?
Je pense que c’était le personnage pour lequel les producteurs, et tout le monde en vérité, étaient le plus inquiets. Parce qu’il est vrai que tous les autres personnages étaient plus ou moins les mêmes que ceux que l’on a vus auparavant. Le seul qui était vraiment nouveau était Hawkeye, dont on avait peu exploité son costume jusque-là [il n’apparaît que brièvement dans Thor, ndlr].
Hulk était l’un de ceux qu’on devait changer. L’une des premières idées que j’ai pitchée à Joss [Whedon, réalisateur du premier Avengers, ndlr], est qu’il devait ressembler à un monstre. Qu’il soit moins un héros comme les autres, mais vraiment un monstre incontrôlable. Donc on a rapidement été dans cette direction.
Je crois que ça a bien marché pour le premier Avengers. Cela a été assez compliqué de trouver le juste milieu, parce qu’il faut quand même s’attacher au personnage et donc qu’il ne soit pas trop monstrueux – mais l’équipe des effets visuels a vraiment réussi son coup.
Et depuis, on a juste affiné notre vision de Hulk, encore et encore, jusqu’à la version intelligente d’Endgame, où il n’est plus vraiment monstrueux. On a beaucoup plus travaillé pour qu’il ressemble vraiment à Mark Ruffalo.
Quand on regarde votre filmographie, on imagine que votre travail s’est franchement complexifié, avec toujours plus de personnages, notamment en ce qui concerne Civil War, Infinity War et maintenant Endgame. Est-ce le cas ?
Oh que oui ! [Rires.] Vous avez tout à fait raison ! Car en plus de la quantité de personnages, il y avait à chaque fois de nouveaux costumes pour tous les héros déjà introduits dans l’univers. Ce n’était pas juste se baser sur les croquis des anciens et ajouter des nouveaux, au contraire. Et ce, dès Civil War.
D’ailleurs, dans celui-ci, les nouveaux étaient particulièrement importants pour le reste du MCU : Black Panther et Spider-Man. La pression était vraiment forte autour de ces deux personnages. On a dû beaucoup travailler pour donner l’esthétique de ce que ce seraient les films à venir. C’était assez incroyable.
Mais le travail sur Endgame était pharamineux. C’est simple : entre Infinity War et Endgame, on a eu 60 designs de personnages à finaliser, sans parler de toutes les illustrations et tout ce que ça implique. Cela a été monstrueux, mais on en est tellement fier.
Je me doute que vous ne pouvez pas trop en parler, mais sur quoi travaillez-vous actuellement ?
C’est une très bonne question [rires], parce que je ne sais pas à quel point je peux parler de ce sur quoi je travaille. Je suis sur plusieurs projets. Je peux probablement parler des Eternals, qui est particulièrement excitant. En réalité, c’est un projet assez unique et Chloé Zhao est incroyable !
C’est fun de travailler avec une nouvelle personne à la réalisation, car vu qu’on bosse en étroite relation avec eux, et que chaque personne est différente dans sa façon de travailler, ça change beaucoup de choses pour nous ! Elle a une manière de trouver des solutions à chaque problème qui est dingue.
Pour le coup, j’ai vraiment hâte qu’il sorte !
Avengers : Endgame est disponible en DVD et Blu-ray.