OK, mais en vrai, comment on imagine une torture pour un film Saw ?

Publié le par Arthur Cios,

(© Metropolitan FilmExport)

On a posé la question au réalisateur de Saw 6, 7, et 10, Kevin Greutert, et au production designer du dernier volet, Anthony Stabley.

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C’est quoi, l’ADN, la recette, d’un film Saw ? Déjà, il faut quelqu’un lié d’une manière ou d’une autre à Jigsaw, aka John Kramer, le tueur culte qui sévit depuis 10 films (ou presque) et depuis 20 ans — mais qui se justifie en disant : “gnagnagna je ne tue personne, je les mets juste dans une position horrible où s’ils se torturent inconsciemment de la pire des manières, ils mourront, ce n’est pas pareil”.

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Une fois qu’on a ça, il faut des victimes, liées de près ou de loin à l’histoire de Kramer. Je sais, c’est compliqué, mais c’est la règle. Elle est intangible. Il en faut plusieurs, et il faut qu’à la fin, il n’en reste qu’une, ou pas d’ailleurs, ça, c’est à vous de voir.

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Ensuite, il faut un décor dégueulasse, comme un hangar abandonné ou quelque chose comme ça mais genre sale, abandonné, immonde, une lumière vilaine comme tout. Rajoutez aussi une poupée glauque à vélo, des masques de cochon, un ou deux acolytes (au choix en fonction de l’intrigue).

Il ne vous manquera plus qu’une chose alors : des pièges. Des segments de torture, où la victime est censée pouvoir se sauver — vous apprendrez au fil des films que c’est de moins en moins le cas en réalité.

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Vous me direz : “Oui, mais Arthur, on est au 10e film, on doit pondre de 5/6/7/8 pièges par film, on commence à manquer d’inspiration”. Et je serai bien d’accord avec vous. Autant, l’esprit humain est une terrible machine à inventer des histoires, autant, on peut légitimement se questionner sur comment on conçoit, après tant de films, de nouveaux éléments pour faire joujou avec ses personnages et dégobiller dans la salle obscure.

On s’est aussi posé la question, donc on a fait au plus logique : on a directement demandé à Kevin Greutert, réalisateur de Saw 6, Saw 3D et Saw X, ainsi qu’à Anthony Stabley, production designer de la dernière entrée dans la saga, comment toute la machinerie se faisait.

Et voilà ce qu’on a appris.

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Comment imagine-t-on un piège ?

Kevin Greutert explique ainsi que pour la plupart des films de la saga, les pièges étaient écrits dès le script, sans forcément de détails précis. Si on prend Saw X en exemple, c’est l’exception qui confirme la règle : “Ici, ils étaient quasi tous très détaillés, même si on a dû procéder à des changements, en enlever intégralement certains ou en déplacer. Comme souvent, en réalité“.

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Mais Saw X présente un aspect qui était censé être la norme mais n’a jamais vraiment pu l’être, à savoir que chaque piège ou presque est vraiment connecté à l’intrigue. Pour ne donner qu’un exemple, le premier que l’on voit dans le film concerne un infirmier que Jigsaw voit en train de voler une montre et des bijoux à un patient visiblement dans le coma. Vol avec ses mains, vu par ses yeux. Résultat : le piège consiste à se briser tous les doigts, sinon on se fait avaler les globes oculaires par de grands tubes.

“On a vraiment essayé de faire en sorte qu’il y ait réellement un lien thématique entre le design du piège et le personnage, ses faiblesses, ses péchés […] — et je trouve qu’on a fait un meilleur boulot que d’habitude.”

Après, évidemment, cela ne peut être que pensé par le scénariste. Déjà, Greutert nous explique Tobin Bell, l’acteur iconique qui incarne Jigsaw depuis le premier volet, est très méticuleux sur la question, qu’il s’assure que tout est logique, que ça colle avec les dialogues, et plus encore.

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Mais au-delà de ça, le plus important, après le fait de coller le plus possible à l’intrigue et aux problématiques soulevées, est de faire en sorte de ne pas se répéter par rapport à la quarantaine de pièges déjà existants dans la franchise — “Il n’y a pas tant de manières que ça de tuer une personne, donc on peut vite tomber dans la répétition”, explique Greutert.

Le reste, c’est juste un travail d’imagination, collégial en partie. Mais concrètement, après avoir accouché de l’idée sur papier, que se passe-t-il ?

Comment donne-t-on vie au piège IRL ?

C’est là que Stabley rentre dans l’équation. Le production designer, plus que sur d’autres films, intervient très en amont, puisqu’il participe presque à l’écriture — en même temps, c’est un peu le conseiller technique sur la faisabilité de la chose.

“Ça commence à l’écriture et sur tout ce que l’idée de base nécessite. Puis, on se pose avec Kevin et on discute de ce qu’on aime et aime moins. Puis on fait venir les artistes qui dessinent les concepts, ici Dorian Cleavenger et Gabriel Colin [Cruz, ndlr], qui nous présentent des artworks.”

Ce n’est évidemment que le début d’un long processus de plusieurs mois. Déjà, il faut budgéter tout ça puis, présenter tout ça aux producteurs et à Lionsgate, qui doivent donner leur feu vert. C’est logique, et en même temps, extrêmement procédural.

“Seulement une fois qu’on a passé cette étape on peut alors commencer à construire les pièges. Jose Antonio Ro et Rodolfo Martínez Mijarez s’y mettent [ils font partie de l’équipe des accessoires et décors qui ne s’occupent QUE des pièges, ndlr], et une fois que leur version de travail est assez avancée, alors on ramène le casting pour les essayer sur eux. Et à partir de là, c’est des mois et des mois de tests pour vérifier que les mécanismes fonctionnent, que le timing est bon, que le faux sang va pouvoir couler là où il doit…”

Car oui, tout ceci est un travail collectif. En plus de travailler avec tout ce beau monde, les équipes doivent voir avec le service maquillage/effets spéciaux que les prothèses peuvent rentrer dans les moules des pièges. “Kevin s’en souvient, on a dû attendre pendant un mois à cause d’un problème sur ce point précis”, précise Stabley.

Au total, huit départements sont mobilisés, certains à Los Angeles et certains à Mexico City où était tourné le film, et cela peut prendre plusieurs mois, parfois même années.

Alors, vous me direz, ils pourraient se simplifier la vie en rajoutant pas mal de choses en effets spéciaux numériques, non ? Alors, ça fait partie de la recette, que tout soit réaliste — “Après, il ne faut pas omettre le travail titanesque sur les VFX, parce qu’il y en a beaucoup ; ils corrigent tout ce qui ne colle pas au final […], et n’ont pas assez de reconnaissance”, précise Greutert.

Voilà, tout ce travail, pour un Saw X. Vous saurez désormais ce qui se cache derrière certains pièges du nouveau volet.