Le 14 mai 2022, Kev Adams organisait un live vidéo en compagnie d’un homme déguisé en nounours pour faire la promotion d’un projet hybride, à la croisée du cinéma, du financement participatif et des cryptomonnaies. L’objectif pour l’humoriste : lever plus de 60 millions d’euros pour réaliser un film d’animation à gros budget baptisé Plush (peluche en anglais), avec des stars comme Éric Judor, Audrey Lamy, Camille Lellouche, Gérard Darmon, Gims et lui-même au casting voix — en plus d’un paquet d’influenceurs qui ont parlé du projet.
Publicité
Au cours de ce live, Kev Adams vantait un projet “absolument inédit”, “une première historique” et la promesse pour les futurs investisseurs “de prendre les décisions avec [eux]” en étant coproducteurs du film. Une condition cependant : Plush sera produit si et seulement si les 50 000 NFT — des images des nounours qui seront les héros du film, facturées l’équivalent de 1 250 euros pièce — sont vendus. Le cas échéant, les potentiels acheteurs se voient promettre d’être crédités au générique, de voter sur le scénario et surtout de toucher 80 % des profits. Mais dans le cas contraire, ils recevront seulement une image de nounours payée 1 250 euros.
Publicité
Mediapart a décidé d’enquêter sur ce projet très opaque.
Excursions de chameaux, pyjamas et Cleaning Bunnies
Derrière le film Plush, il y a la société Illuminart, fondée pour l’occasion, qui a joué sur la confusion avec Illumination — célèbres studios d’animation d’Universal dont les équipes sont basées à Paris — du nom jusqu’aux brochures commerciales qui évoquaient les bons résultats des films d’animation d’Illumination. En réalité, le seul lien avec ces derniers est la société Karlab, fondée par deux anciens des studios, mais qui n’aurait eu qu’un rôle de sous-traitance dans le projet.
Publicité
Vendu comme un projet 100 % français, Illuminart est en réalité immatriculée à Dubaï, célèbre paradis fiscal. Sa business licence et son objet social n’ont rien à voir avec l’animation ou le cinéma, mais avec des excursions de chameaux et des sculptures décoratives. Et surtout, le seul actionnaire d’Illuminart est Fabien Tref, alias Fabi, un ami de Kev Adams aux activités professionnelles obscures.
Ce dernier est un gros joueur de poker et une enquête préliminaire aurait été ouverte à son égard par Bercy en 2016 suite à des gains financiers très importants. Par le passé, il aurait également investi dans les cryptomonnaies, vendu des montres de luxe et fondé plusieurs entreprises — comme Foune Tale, My Cleaning Bunnies, qui fournissait des femmes de ménage déguisées en “bunnies”, ou Zooop it Up, qui vendait des pyjamas — toutes aujourd’hui fermées.
Silence radio
La première vente, organisée du 18 au 25 mai 2022 pour la communauté française, s’est soldée par un échec et Illuminart affirme n’avoir vendu que 1 280 NFT, soit une recette d’environ 1,5 million d’euros. Le mois suivant, seulement une poignée de nounours se sont vendus à l’international. Les quelque 770 personnes qui ont acheté des NFT, pour un total d’environ 1,5 million d’euros, ont perdu la quasi-totalité de leur mise.
Publicité
Près d’un an après son lancement, le projet Plush, censé sortir à l’hiver 2023, semble donc mort et enterré. Depuis neuf mois, silence radio de la part de Kev Adams sur les réseaux sociaux tandis que le forum du projet a été fermé aux commentaires. Il n’est également plus possible d’acheter des NFT sur le site officiel et la société Illuminart n’a pas renouvelé sa business licence, qui a expiré en février.
Sollicités par Mediapart, Kev Adams et les autres célébrités qui ont fait la promotion de Plush ont refusé tout commentaire. Fabien Tref, qui avait accepté de parler au média, a finalement refusé d’être cité si son nom était dévoilé dans l’article. L’enquête complète est à retrouver ici.