Ils sont jeunes, viennent d’un peu partout et vont prendre la relève du cinéma français. Finnegan Oldfield est le premier de ces dix talents prometteurs à avoir répondu présent à notre nouvelle série d’interviews ciné : “NEW WAVE”.
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Avec un pied en Angleterre et l’autre à Paris, Finnegan Oldfield a accepté très vite notre invitation pour rejoindre les dix actrices et acteurs de notre projet “NEW WAVE”. Le Parisien de 26 ans ouvre notre nouvelle série d’interviews ciné, en posant sa voix sur “Réseaux”, à la place de Niska – une perf’ décalée à base de “Pouloulou” et “Skuuu” déjà cultes.
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Après son brillant passage dans notre studio, on s’est retrouvés le lendemain matin en speed, dans un café. Un peu timide, très drôle et handicapé d’une attelle au poignet après un foot, Finnegan Oldfield est revenu sur son adolescence et ses premiers rôles au cinéma.
Du petit au grand écran, l’acteur au charme sulfureux navigue désormais entre grands noms et films d’auteur. Son récit est à découvrir dans une chouette interview, juste après la vidéo de sa performance (avec ses meilleures bourdes, compilées à la toute fin) :
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En 2016, il avait été nommé pour le César du meilleur espoir pour Les Cowboys, mais finalement c’est Rod Paradot (La Tête haute) qui avait raflé le prix. Depuis, il s’est consolé avec plusieurs beaux films : Nocturama de Bertrand Bonello, Réparer les vivants de Katell Quillévéré, Une vie de Stéphane Brizé… Sans oublier son rôle osé dans Bang Gang (une histoire d’amour moderne).
Doucement, Finnegan Oldfield est en train de suivre les traces d’un Tahar Rahim ou d’un Reda Kateb – qu’il a croisés en bossant sur La Commune et Engrenages. Plus de dix ans après ses débuts, le voilà déjà aux côtés d’Isabelle Huppert dans le prochain film d’Anne Fontaine, Marvin ou la belle éducation, qui sortira fin novembre.
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Konbini | Quel âge as-tu ?
Finnegan Oldfield| J’ai… Putain… J’ai 26 ans. Je suis né le 10 janvier 1991. [Rires].
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T’essayes de me piéger, là ?
Non, je regarde juste si t’es bien réveillé !
Si, si, grave. Mais ouais, t’inquiète.
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Tes surnoms ?
J’en ai pas mal : “Finn”, “Finou”, mais bon, ça c’est pour les plus intimes. En primaire c’était “Fifi” mais ça, je suis moins fan.
D’où vient ta famille ?
Je suis franco-anglais. Je suis né à Paris et mon père est anglais. Il vient du Sud de l’Angleterre. Il est né à Brighton et a grandi dans une région qui s’appelle le Sussex. Il habite en France depuis environ 35 ans. Il parle bien français et n’a aucun accent.
Tu es bilingue ?
Pas à la base, mais maintenant oui, parce que je suis allé vivre à Bristol et à Londres.
Tes parents ont-ils un lien avec le cinéma ?
Non du tout. Ils aiment tous les deux le cinoche, mais ma mère est institutrice en primaire à Paris et mon père bosse dans la musique. Quand il était plus jeune, il faisait des dubplates avec des artistes. Il organisait les premiers sound system de ragga et reggae, genre dancehall, dans les années 1990. Du coup, il m’a filé toute sa collec’ de vinyles, c’est cool.
Moi je fais des petits mix de temps en temps, pour faire ma petite promo de DJ [rires]. Je fais des petits sets de temps en temps, mais c’est une autre histoire.
On a justement retrouvé les petits mix de Finnegan Oldfield, aka Prince Dragon :
As-tu des frères et sœurs ?
Ouais, je viens une famille recomposée : j’ai une sœur de sang de 23 ans, comme on dit. J’ai également une demi-sœur et un frère par alliance. Genre le mec qui a six mois de plus que moi et qui ne me ressemble pas du tout et fait un peu mexicain, mais qui est vraiment mon frère.
Ils font quoi, eux ?
Ma sœur fait de la médiation culturelle, mon frangin est régisseur général dans un théâtre et ma plus petite sœur de 16 ans est sur Instagram [Rires]. Elle est archi-mignonne et très intelligente, et fait beaucoup de duckfaces (Big Up Penelope) !
“Tu ne veux pas suivre les rails et pas avoir ton bac, mais tu te retrouves sur des rails désaffectés”
La légende raconte qu’à son âge tu fumais beaucoup de joints…
Ouais, ouais c’était vrai [rires]. J’étais productif, mais c’était plus compliqué. C’est le cas de pas mal de jeunes.
Ça allait les cours ? Tu as eu ton bac ?
Ah non, non, non, non, je n’ai même pas eu mon brevet des collèges en fait. C’est pour ça que je chante Niska. [Rires] Non mais en vrai, à cette époque je n’étais plus à l’école. Je suis parti grosso modo en 4e, et je traînais à la Petite ceinture avec mon meilleur pote. On a fait ça tous les jours pendant trois ans.
C’était pas un peu lassant, à force ?
Si, mais à un moment tu t’y retrouves un peu. Tu kiffes. Avec du recul, c’était hyper cool. C’était un moment hors du temps.
Ça fait vraiment école buissonnière.
Ouais, grave. C’est un peu un délire à la con : tu ne veux pas suivre les rails et pas avoir ton bac, mais tu te retrouves sur des rails désaffectés. Sans vouloir faire le philosophe à deux balles.
C’est là que tu as décidé de partir à Bristol ?
Non, ça c’était bien longtemps après. Je suis resté à Paname et les choses ont commencé à prendre, notamment grâce au court-métrage Ce n’est pas un film de cow-boys. Avant ça j’avais fait quelques longs-métrages, comme Mineur 27 de Tristan Aurouet.
Comment as-tu été attiré par le cinéma ?
Je regardais pas mal de films quand j’étais petit. Ma mère me montrait beaucoup de David Lynch. Je me suis aussi tapé La Petite Sirène, hein. Star Wars m’a beaucoup marqué aussi. Ils avaient restauré les anciens films parce que les nouveaux allaient sortir. Du coup, on a pu les voir au cinoche – j’étais comme un ouf !
Tu te souviens du premier film que tu as vu ?
Euh… ouais, c’était Mars Attacks !, mais je suis parti de la salle… J’avais 6 ans et quand j’ai vu les mecs commencer à se faire cramer et se transformer en squelettes roses j’ai flippé. Pareil, je n’avais aucun recul. Le militaire joué par Jack Black : je croyais que c’était un héros qui était trop cool, mais il se fait dézinguer direct. Normal, c’est une espèce de gros beauf, de mec dégueulasse.
Mais mon gros classico quand j’étais tout petit, c’était Le Bon, la brute et le truand. J’adorais Orange mécanique aussi – mais pareil, à cet âge, j’avais pas trop de recul.
“Tout petit” c’est quel âge ? Moi je l’ai vu trop jeune, ça m’a traumatisée.
Ouais, moi aussi. Je devais avoir 15 ans. Pour moi, c’était juste des héros purs et durs. Puis, quand je l’ai revu, plus mature, je me suis dit : “Ah ouais, c’est un peu des violeurs en fait.”
En tout cas, à une époque, j’essayais de jouer comme Malcolm McDowell [l’acteur principal d’Orange mécanique, ndlr] pour mes castings. Comme j’avais 14 ans, je ne pense pas que ça marchait. [Rires]
Justement, tu te souviens de ton tout premier casting ?
À l’époque, ma sœur faisait de la danse dans un petit conservatoire de quartier, à Ménilmontant. J’allais la chercher avec ma mère. Un jour, j’ai vu une petite affiche sur le mur :
“Casting sauvage : recherche enfant de 10 à 13 ans.”
Sur les conseils de ma mère, j’ai fait le casting. Direct, ça m’a éclaté de me voir devant une caméra. Je n’avais pas fait de théâtre, mais ça m’a trop branché, ça m’a bien fait marrer. Je me souviens de chaque détail. Même le tournage était ouf.
Au début c’était un peu la colo, tu vois. Quand on a été pris, on nous a tous parqués dans une espèce de gymnase, à devoir attendre des heures. Je trouvais ça long, tellement long. Les gens de l’équipe nous disaient :
“Alors là, on va installer les caméras, installer les machins… Faire des films vous savez, c’est hyper long, bla bla bla…”. [Rires]
Je me rappelle aussi la première fois qu’on m’a foutu un micro HF, c’était le gros kif. T’es un peu comme James Bond : “Et là, tu m’entends ?” [Rires]
C’est une très bonne ambiance, mais il faut se méfier : tu bosses quand même.
Et c’est là que t’as voulu être acteur ?
Non, à ce moment-là, pour Pas de pitié, j’avais dix ans. Je suis retourné à l’école après. Par contre, à 14 ans, j’ai fait un téléfilm : j’avais un rôle principal dans L’Île Atlantique, avec 30 jours de tournage. C’est là que je me suis dit :
“Vraiment, c’était trop bien. Pourquoi est-ce que je ferais autre chose ? Pourquoi est-ce que j’irais à l’école ? Pourquoi je me ferais chier à aller jusqu’au bac et compagnie ?”
Ça m’a mordu, quoi.
“Plusieurs fois, j’ai cru que c’était mort”
Tu n’as pas peur qu’un jour tout s’arrête brutalement ?
Non, je n’ai pas de problème avec ça parce qu’avec ce taf, mine de rien, tu apprends beaucoup de choses, si tu n’es pas trop centré sur toi-même… Après, en dehors de ça, je trouve ça méga important de faire d’autres choses. De ne pas juste courir après les castings, de passer sa vie d’intermittent à lire des bouquins et boire des cafés.
C’est bien beau de faire genre que tu vas écrire ton truc, mais en France j’ai l’impression qu’on ne considère pas le métier d’acteur comme un vrai métier. Moi, des fois, j’ai peur que ce soit de la branlette de faire ça, alors qu’en fait ça ne l’est pas.
Je pense que c’est important de se structurer, de faire d’autres choses. C’est pour ça que j’aime bien partir en Angleterre. Là-bas, je bosse dans des pubs, j’essaye de prendre des cours de théâtre… J’essaye vraiment de m’investir.
Ah, tu continues encore le théâtre ?
Je fais du coaching. Je prends trois cours de trois heures par semaine. Je trouve ça super important, mais tu n’es pas obligé de le faire, chacun sa méthode. Quand tu arrives sur un tournage et que tu es en galère, ça t’aide.
Ma prof, Karine Nuris est dure et chanmée : elle me met de grosses tartes dans la gueule.
À la De Niro…
Ouais, enfin pas physiquement ! Elle me met un miroir devant la gueule, pour que je sois face à mes défauts, mes tics, mes façons de me tenir. Sur le moment ça te fait chier, mais en fait ça t’aide énormément.
C’est vrai que ça paye. Pour ton âge, tu as un CV en or…
C’est clair. Plusieurs fois, j’ai cru que c’était mort, hein. J’avais confiance en moi, mais c’est surtout avec Ce n’est pas un film de cow-boys que ça a décollé : c’est ce qui m’a remis dans le truc.
Avant ça, La Commune avec Tahar Rahim et Engrenages m’ont aussi fait reprendre du poil de la bête. Mais je ne te cache pas que quand j’ai fait Mineurs 27 et que l’on m’a donné mon premier “premier rôle”, que j’ai vu qu’on me faisait confiance, ça m’a permis d’y croire, vraiment.
Et puis ensuite, il y a évidemment eu Les Cowboys.
Tu as tourné Les Cowboys en Inde en plus, ça devait être cool.
Ouais, c’était un truc de ouf. C’est pareil : tu kiffes, mais il y a toujours un moment où tu trouves ça ridicule. Tu as faim, c’est la routine, tu regardes ta montre, tu te plains, mais juste après quand tu regardes autour de toi, tu te dis que t’as pas le droit. Tu te rends compte de la chance que tu as.
Pareil, avec Ni le ciel ni la terre : tu as pu profiter du Maroc.
Ouais, tu traverses le désert pour aller travailler, c’est génial. On n’était qu’entre mecs, mais c’était l’un des tournages les plus cool de ma vie.
Le tournage de Geronimo de Tony Gatlif, c’était un truc de malade mental aussi. Il avait loué une espèce de vieil hôpital désaffecté à Saint-Étienne : il y avait une buvette, une cantine, des salles avec des tatamis, plein d’acrobates, des mecs qui dansaient… et puis Tony Gatflif qui vient rythmer tout ça – un truc de fou furieux. C’était la récompense de ma galère !
Ta galère ?
Tu sais, Tony Gatlif, c’est un ouf dans le bon sens du terme, mais il peut être dur. Pour avoir le casting et le rôle, c’était compliqué. Tu te fais virer puis reprendre, même pour des coupes de cheveux ! Il veut te sentir impliqué à 2 000 % sur son projet. Et moi je faisais un autre film en même temps… c’était difficile.
Maintenant que tu as bien décollé et que tu es bilingue, tu vises les États-Unis ?
Oui, même si je sais que c’est un travail de ouf. Je sais qu’il faut que je bosse à fond. Même si je parle bien anglais, il faut vraiment que je me donne.
As-tu des talents cachés ?
Comme je te disais, je suis un peu DJ. Je kiffe tout, mais depuis que je suis bébé je n’écoute que de la musique jamaïcaine. Je joue donc de la dub, du ska, du reggae et tout… J’essaye de propager un peu le truc, car je trouve que ça devient rare à Paris.
Sinon, j’aime beaucoup danser et chanter seul chez oim.
Tu fais du foot aussi, mais t’as pas l’air très fort, vu que tu viens aujourd’hui avec un bandage.
[Rires] Ouais, je ne fais que me tordre le poignet. Mais sinon, je nage pas trop mal !
Bon, pour finir, tu peux nous parler de tes prochains projets ?
Il y a Marvin, le film d’Anne Fontaine, qui sort le 22 novembre. En gros, c’est grave inspiré du livre En finir avec Eddy Bellegueule d’Édouard Louis [édité par les Éditions du Seuil], qui raconte l’histoire d’un jeune gay et prolo de la campagne qui veut s’émanciper à Paris, vivre et raconter son histoire.
Là, le personnage n’écrit pas un livre mais se met en scène. Il commence à traîner avec des gens un peu chics, littéraires… mais il va galérer. Le film essaye de comprendre comment tu peux essayer de te fuir toi-même – que tu sois homo ou prolo, peu importe – comment tu peux un peu t’arracher le cœur…
Sinon, je vais aussi faire une comédie avec un dessinateur de BD, Mathieu Sapin. Ce sera avec Alexandra Lamy et tout un casting assez cool. Ça va être une comédie intelligente.
Une série qu’on a faite en pensant bien fort à Polo <3
Crédits :
- Autrice du projet et journaliste : Lucille Bion
- Direction artistique : Arthur King, Benjamin Marius Petit, Terence Mili
- Photos : Benjamin Marius Petit et Jordan Beline (aka Jordif le roi du gif)
- La Team vidéo : Adrian Platon, Simon Meheust, Maxime Touitou, Mike “Le Châtaigner” Germain, Félix Lenoir, Mathias Holst, Paul Cattelat
- Son : Manuel Lormel et Axel Renault
- Remerciements : aux brillants actrices et acteurs qui ont participé, à Rachid et la team Konbini, aux SR, à Benjamin Dubos, Raphaël Choyé et Anis Aaram, les agents et attachés de presse : Matthieu Derrien, Karolyne Leibovici, Marine Dupont, Pierre Humbertclaude, Nina Veyrier.