Moi aussi je veux penser à l’Empire romain tous les jours mais Gladiator 2 ne m’a rien fait ressentir

Publié le par Manon Marcillat,

Le péplum a toujours été la parfaite arène à l’homoérotisme et Gladiator II en manque cruellement.

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“How gay is the Roman Empire?” Telle est la vaste question posée par une journaliste de Gayety qui a interrogé Denzel Washington sur le sous-texte homoérotique du péplum de Ridley Scott et ses gladiateurs musclés et huilés en jupette. L’acteur, qui incarne le dresseur d’esclaves Macrinus, a révélé qu’il avait tourné une séquence de baiser gay mais que la scène avait finalement été coupée au montage, à l’instar d’une séquence similaire entre Paul Mescal et Pedro Pascal. “J’embrassais un homme dans le film mais ils l’ont retiré du montage final, je pense qu’ils ont eu peur”, rapporte Denzel Washington.

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Et c’est peut-être l’ingrédient manquant à cette suite bien plate d’un premier volet chargé de lyrisme, qui réhabilitait le péplum, un genre alors bien poussiéreux à la veille du XXIe siècle. En 2000, le réalisateur américain exhibait simplement un Russell Crowe tout en muscles mais qui parvenait à humaniser l’archétype de pur héros de film d’action en un gladiateur certes héroïque mais également impitoyable et tourmenté. Face à lui, Joaquin Phoenix interprétait le plus grand antihéros du cinéma, tantôt déchirant en fils déchu à la pâleur extrême, tantôt tyrannique au regard perçant, mais toujours imprévisible et inquiétant, incarnation d’une masculinité totalement malade. Et ces deux partis pris suffisaient à faire de Gladiator un film résolument moderne.

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Un quart de siècle plus tard, en 2024, le monde a changé et on en veut désormais plus. Un Empire romain parodiquement homoérotique était ce qu’on espérait pour cette suite imprévue (a minima, un bisou entre Pedro Pascal et Paul Mescal, espoir qui nous a poussés à aller voir le film sur l’immense écran Grand Large du Grand Rex). Car le péplum a toujours été la parfaite arène à l’homoérotisme et on aimerait nous aussi penser à l’Empire romain tous les jours.

Masculinité moderne

“Jusqu’au début des années 1960, le péplum était un espace de liberté pour les fantasmes homo­érotiques, le prétexte antique rendant acceptable que des hommes se baladent en toge et en jupette, avant de se dénuder pour des corps-à-corps virils. Des soldats et des gladiateurs dévoilent ce qui n’est montré nulle part ailleurs : des poitrails musclés, des cuisses épaisses, des abdominaux saillants. Bref, de la peau, de la chair, des canons masculins de l’époque”, explique Didier Roth-Bettoni dans un article pour Têtu intitulé “De Spartacus à Gladiator II, le péplum, éternel réservoir à fantasmes homoérotiques“.

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Dans les années 1930 à 1950, l’âge d’or du péplum, les films de gladiateurs étaient alors l’un des rares endroits où pouvaient s’exprimer ces fantasmes sans subir la censure du code Hays qui encadrait drastiquement les productions hollywoodiennes, et lorsque l’ère héroïque du péplum touche à sa fin à Hollywood au début des années 1960, le genre renaît alors en Italie, “débarrassé de prétentions scénaristiques […] que le puritanisme américain et les récits bibliques rendaient toujours un peu trop sages [pour laisser la] place à des réalisations beaucoup plus fauchées et baroques où les rêves humides des spectateurs gays trouvent un inépuisable réservoir”, poursuit Didier Roth-Bettoni dans son article.

Si les Troie et autres Alexandre étaient aussi et surtout de parfaits terrains de jeu pour des sex-symbols contemporains comme Brad Pitt pour apparaître sous leur meilleur jour, on espérait que Paul Mescal, acteur dont la douceur et la masculinité très modernes avaient illuminé Normal People, Aftersun ou Sans jamais nous connaître, offrirait à Lucius l’étoffe d’un vrai héros contemporain. Malheureusement, il n’a jamais l’occasion de donner corps à une quelconque épaisseur ou sensibilité et finit englouti par le chaos du film. La surenchère est ici davantage viriliste qu’homoérotique, et Gladiator II, une véritable occasion manquée.