Suzanne Valadon (1865-1938) fait l’objet d’une rétrospective au Centre Pompidou-Metz. “Superstar” de la Belle Époque, comme la qualifie Chiara Parisi, directrice du musée, la peintre était liée au milieu bohème de Montmartre, où elle a côtoyé Picasso, Braque ou le compositeur Erik Satie.
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Du 15 avril au 11 septembre 2023, l’exposition “Suzanne Valadon. Un monde à soi” redonne ses lettres de noblesse à cette artiste à la destinée unique, passeuse d’un siècle à l’autre, dont l’indépendance vis-à-vis des avant-gardes lui a valu une reconnaissance tardive en histoire de l’art.
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Modèle vivante dès 15 ans
Née en 1865, Marie-Clémentine Valadon quitte la Haute-Vienne pour s’installer avec sa mère à Montmartre. Au marché des modèles, place Pigalle, elle commence à poser dès ses 15 ans pour des artistes comme Auguste Renoir, Henri de Toulouse-Lautrec ou Pierre Puvis de Chavannes.
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Elle se fait alors appeler “Maria” avant de devenir “Suzanne” (en tout, elle changera quatre fois de nom). L’exposition rassemble plusieurs œuvres de ces grands peintres qui l’ont représentée, comme la Danse à la ville (1883) de Renoir ou La Grosse Maria (1884) de Toulouse-Lautrec.
Interdite aux Beaux-Arts
Sans être leur élève, c’est en posant pour eux qu’elle prend ses premières leçons de dessin et de peinture, car elle est trop pauvre pour entrer à l’Académie Julian, une école privée. Sa condition de femme l’empêche de s’inscrire aux Beaux-Arts. Son amitié avec Edgar Degas, qui lui enseigne la gravure en taille-douce, sera un tournant dans sa vie. De 31 ans sa cadette, elle est rapidement admise par le peintre qui la considère comme son égale.
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Un ensemble d’œuvres de Valadon, issu de la collection personnelle de Degas, soit une trentaine de gravures et de dessins, est d’ailleurs présenté à Metz. “C’est rare de rencontrer une artiste aussi géniale du point de vue de la couleur et du dessin”, observe Mme Parisi. L’exposition montre l’importance du noyau familial pour Suzanne Valadon, que ce soit sa mère, son fils, le peintre Maurice Utrillo, ou son amant André Utter, représentés dans son Portrait de famille (1912). Avec Utrillo et Utter, elle formera “un trio infernal” à Montmartre.
En 1909, elle est la première femme dans l’histoire de l’art à peindre le corps d’un homme nu. Son Adam et Ève la représente avec son futur mari André Utter, de 21 ans son cadet, à l’anatomie cachée sous quelques feuilles de vigne. D’autres grands nus en extérieur suivront, comme Le Lancement de filet (1914), toile monumentale prêtée par le Centre Pompidou parisien. “Je suis sûre et certaine que le public peut rester longtemps devant un tableau de Suzanne Valadon même s’il n’aime pas la peinture”, veut croire Mme Parisi.