PornHub lance son label
PornHub annonçait il y a quelques mois la création de son propre label : PornHub Records. Après avoir dévoilé ce projet en septembre, le site de vidéos pour adultes faisait son entrée fracassante dans le biz de la musique la semaine dernière. Que pense Mark Ronson de la dilution de l’industrie musicale vers des plateformes qui ne lui sont pas dédiées originellement ?
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J’imagine que des disques se sont vendus grâce à des starlettes sexy depuis toujours. Je trouve ça amusant, après tout. PornHub se dit sans doute “Nous avons cette gigantesque audience, pourquoi ne pas en faire bon usage ?” Et puis tu n’as pas à chercher bien plus loin que le Top 40 des charts avant de réaliser “Mince, s’ils peuvent le faire, je peux le faire aussi”.
Des millions de mâles influençables atterrissent tous les jours sur leur site. Hey, j’y suis probablement allé moi-même une ou deux fois. Je trouve ça fou tous ces impresarios d’Internet, qui manient aujourd’hui autant d’argent et de force créatrice que l’industrie du disque à une époque.
Pour le coup c’est rigolo, ça fait sourire, mais c’est tout. Les gens ne sont pas aussi influençables, je ne pense pas qu’ils souhaitent que leur porn et leur musique viennent de la même source.
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Le probable rachat de SoundCloud par Twitter
En 2014, Twitter a tenté de racheter la plateforme musicale SoundCloud. Un partenariat avec iTunes parachevant l’affaire, cette décision du réseau social à l’oiseau bleu risque de faire disparaître beaucoup de comptes indépendants, clé du succès du site à l’origine. Même si l’acquisition n’a finalement pas été réalisée, nous avons demandé à Mark Ronson si une telle alliance pouvait inquiéter.
Pas vraiment :
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Je ne suis pas si inquiet à propos de SoundCloud et Twitter qui fusionnent. Quand de grosses radios et des majors fusionnent, quand des gens perdent leur emploi à cause de cela, c’est inquiétant. Ça peut devenir dangereux si on tend vers une situation de monopole. Je trouve ça bien plus grave que deux compagnies qui tentent de travailler ensemble.
Le fait que tu aies du succès dans un domaine avec ta boîte ne veut pas nécessairement dire que les autres entreprises vont disparaître. Pourtant, ça a rendu tout le monde nerveux quand Twitter a annoncé l’ajout de la fonction vidéo, ou par exemple quand Vine s’est lancé.
Les Victoires de la Musique
Que connaît Mark Ronson de la scène musicale de l’Hexagone ? Avec les nominations des artistes aux Victoires de la Musique 2015 survenue début janvier, c’est l’occasion de mesurer les connaissances et les goûts du producteur en matière de musique “à la française”, de Gainsbourg à Maître Gims :
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Je me sens moi-même influencé par certains artistes français, comme Jacques Dutronc, Serge Gainsbourg ou Jean-Jacques Perrey. J’adore la musique psychédélique des années 60, alors l’un de mes albums préférés est naturellement Histoire de Melody Nelson de Gainsbourg. Enfin, peu importe quel style c’est, en vérité, pour moi c’est même plutôt du funk parce que la section rythmique est hyper bonne.
Évidemment, toute ma génération subit l’influence de Daft Punk ou Stardust, et il y a ensuite mes contemporains, des gens comme Pedro Winter et certains rappeurs comme Maître Gims. Il y a quelque chose de grandiose dans le hip-hop français : d’abord ça sonne bien avec la langue française, ensuite le rap parle de lutte et c’est quelque chose qui se trouve dans la culture de la France. Bon, aussi ma femme est Française et elle me passe des chansons d’artistes français parfois. Tiens, j’aime beaucoup La Femme aussi.
Je trouve sa voix super. Je comprends tout à fois pourquoi Christine and the Queens cartonne ici. C’est exactement le genre de voix que j’aime, c’est graveleux, ça a de la texture… Le clip est très bien, aussi. C’est quelque chose que vous faites super bien, vous les Français : les visuels et l’esthétique. [Il se replonge dans le clip, un temps, puis…] Je me disais “Mince, j’aimerais bien lui piquer cette idée, j’espère que ça ne deviendra pas un tube au Royaume-Uni”, haha.
La place des femmes dans l’electro
En abordant le cas d’une femme musicienne, on tombe naturellement sur le sujet de la place de la gent féminine dans le milieu de la musique électronique.
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C’est une vraie question, pourquoi n’y a-t-il pas plus de femmes dans l’electro ? Je ne sais pas. J’en parlais avec Giorgio Moroder, quand nous avons abordé les artistes qui ont collaboré à son nouvel album. Aujourd’hui, les compositeurs les plus importants dans le milieu sont des compositrices : Sia, Karen Pool, etc. Mais quand Giorgio travaillait dans les années 70, il n’y avait pas vraiment de femmes qui écrivaient, à l’époque.
Je ne sais pas pourquoi il n’y a pas plus de femmes DJs. Il y en a quelques-unes évidemment, certaines comme Annie Mac sont même plutôt importantes. Mais ça me semble être typiquement le genre de sujet sur lequel quelqu’un devrait écrire un bouquin. Quand j’allais dans les clubs hip-hop à New York, il y avait des tonnes de DJs féminins très valables. Il y avait DJ Kaori, un peu la version japonaise de Funkmaster Flex, et puis une fille appelée Beverly Bond, ils jouaient de super classiques soul/funk.
Le tournant pris par le hip-hop dans les années 2010
Mark Ronson et le hip-hop ? Une histoire d’amour. Alors que Konbini vous a souvent parlé des jeunes pousses du peu-ra, aux États-Unis mais aussi en France, il semblait judicieux de demander à ce grand faiseur de hits son point de vue sur le renouveau du hip-hop sous le signe des années deux-mille-dix :
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Quand Kanye est arrivé avec son album 808s and Heartbreaks, personne n’a rien compris. Il chantait, il y avait plein d’auto-tune, il parlait de ses émotions… c’était si frais ! Cinq années plus tard, tout le monde fait la même chose. Ce n’est pas uniquement Drake et The Weeknd, y a aussi des types comme Rich Homie Quan et d’autres que tu associerais plutôt à un son plus “southern hip-hop”.
Mais tu as toujours des types comme Bobby Schmurda et O.T. Genasis qui sont toujours aussi ghetto. Je pense que les standards de qualité des paroliers de hip-hop ont tendance à piquer du nez en ce moment. Il y en a quand même de bons aujourd’hui, comme Drake, Joey Badass ou Action Bronson.
D’une certaine manière, le hip-hop n’a jamais été aussi puissant qu’aujourd’hui. Ça faisait longtemps que ça n’avait pas été aussi excitant. Je me souviens, il y a huit ou neuf ans, c’étaient les années sombres du rap – ou du moins le ressentais-je comme tel. Si cela devient plus superficiel, ce n’est pas nécessairement une mauvaise chose pour le genre : le disco est né de la superficialité du R’n’B.
Mykki Blanco et le “queer rap”
C’est sûr, le hip-hop n’a jamais été aussi dynamique, s’attardant sur les émotions que ressentent les rappeurs, mais aussi sur des questions de société comme le genre. Mykki Blanco est l’exemple le plus marquant de ce que certains nomment le “queer rap”. Un phénomène assez remarquable pour un genre connu pour ses codes si virils :
Il y a sans doute toujours eu un courant homophobe dans le hip-hop. Mais depuis que des leaders comme Kanye ont commencé à s’exprimer à propos de la tolérance, beaucoup de choses ont changé. Je veux dire par là que Mykki Blanco n’est peut-être pas un artiste accessible pour tout le monde, mais quand tu vois Young Thug arriver sur le plateau de l’émission de Jimmy Fallon habillé tout en rose, tu comprends que chacun joue avec les limites et essaye de faire avancer les choses.
Espérons qu’un jour il y aura de la place pour un rappeur comme Mykki Blanco sur une radio pop. Ou au moins sur une radio hip-hop…